Des moutons en ville au pont Thiers, histoire d’une photo ratée, 59000-59370

Des moutons en ville au pont Thiers, histoire d’une photo ratée, 59000-59370

Un riverain du quartier dans le coin des rues Thiers et Franklin, m’a signalé la présence insolite de moutons au niveau du pont qui enjambe les voies SNCF. Le pont Thiers prolonge la rue éponyme. Lorsqu’on l’a franchi, on est à Lille, rue Jules Vallès. Des moutons en ville, c’est un sujet alléchant ! Il y a belle lurette que les moutons ont fui Lille… et même Mons-en-Barœul, chassés à cause de la colonisation des terres agricoles par le tissu urbain. A cet endroit du pont Thiers, les voies se séparent pour conduire vers la Belgique (Courtrai) d’une part, et vers les Flandres (Hazebrouck, Calais et Dunkerque), d »autre part.

C’est précisément ce que montre la photo !

De ce point de vue, elle est correcte, quoique sans charisme évident. C’est une image de Géographie illustrant un paysage ferroviaire. L’antenne-relais, rouge et blanche – sans doute imaginée par un fan du LOSC – évoque plus ou moins la Tour-Eiffel. En cela, elle est en écart de ses homologues aux formes très diverses qui n’ont qu’un seul point commun : leur laideur absolue qui flétrit les paysages des villes et des campagnes. Le troupeau apathique s’est regroupé dans un coin de la parcelle, massé le long d’une barrière. Il constitue une masse laineuse relativement discernable sur la photo. Il est probable que les moutons se sont regroupés à l’endroit où les champs électromagnétiques de l’antenne sont les plus faibles. Les animaux sont plus sensibles à la pollution par les ondes que les humains, qui résistent plus longtemps.

En ce sens, la photo avec son antenne et son troupeau recroquevillé pourrait illustrer un article sur les effets toxiques des antennes sur les êtres vivants. Mais est-ce vraiment l’image d’animaux qui ont trouvé un pré appétissant entre les rails SNCF ? Pas vraiment ! Les moutons sont trop loin, regroupés dans une masse peu lisible. Pour que la photo soit meilleure, il faudrait qu’ils se déploient au premier plan. Tout seul, au milieu de mon pont, j’ai essayé de bêler comme un mouton ! Aucune réaction ! De toutes façons, ça ne marche jamais ! Tout à coup m’est revenu naturellement « le cri du berger ». Je ne l’avais pas pratiqué depuis plusieurs décennies. « Le cri du berger », c’est un savoir-faire qui se transmet de père en fils à la campagne et qu’il est interdit de divulguer à un tiers.

Mais, ces moutons sont des moutons des villes !

Ils sont incultes ! Ce signal ne leur dit rien ! Ils ne bougent pas ! Reste la solution d’écrire dans la légende ce que l’on ne voit pas sur la photo. Cela se pratique souvent et pourrait donner : « Hier matin, alors que je me promenais sur le pont Thiers, entre Lille et Mons-en-Barœul, mon regard a été attiré par un troupeau de moutons qui paissait paisiblement entre deux voies de chemin-de-fer. Alors, j’ai tourné mon objectif dans cette direction. Une belle image de campagne en ville. 800 ASA, f11, 1/1000s, 105mm. » Avouez que pour un premier essai, ça tient ! On s’y croirait ! Mais, en photo, j’ai eu de bons maîtres. Selon eux, c’est absolument interdit de faire ça ! Une photo doit se lire toute seule ! Elle n’a pas besoin de légende ! C’est l’image et elle seule qui dit et suggère. La plupart de ces mentors sont décédés mais il en reste un encore bien vivant. Je viens de le vérifier sur Internet. Heureusement, il ne lit pas mon blog ! Sinon, il serait bien capable de m’appeler pour m’engueuler ! 

PS : Merci à Clément Richard pour ses conseils éclairés.

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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Un commentaire

  1. Bonjour,
    Pour être exact, la ligne de gauche mène dans les Flandres et sur la côté (Hazebrouck, Calais et Dunkerque) et celle de droite mène bien en Belgique (Courtrai).
    CR.

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