Pendant huit siècles, Sainte-Catherine a veillé sur le bâtiment qu’on lui avait dédié

Patrimoine lillois

L’histoire de Sainte-Catherine, l’une des plus attachantes églises de la ville, s’est écrite en plusieurs épisodes, houleux ou sereins , suivant les époques. Plusieurs fois menacé de disparition le bâtiment érigé dans sa forme actuelle au début du XVIe siècle, a finalement été préservé. C’est la seule église importante du Lille des origines qui nous est parvenue. Les habitants du quartier sont très attachés à leur église Sainte-Catherine qui a rythmé la vie des paroissiens pendant plus de huit siècles.

Le clocher de l’église, érigé au tout début du XVIe siècle

Le premier document qui fait mention de l’église Sainte-Catherine date de 1273. Cette année-là, le bâtiment – qui a pris la forme d’une croix latine – a besoin d’être réparé. C’est une église rurale. La paroisse Sainte-Catherine, naissante, n’est pas encore enserrée à l’intérieur des remparts de la ville. Elle se développe dans une zone maraîchère du faubourg des Weppes, propriété de la Collégiale Saint-Pierre[1] . En 1415, la voici intégrée dans le nouveau périmètre fortifié, juste à ras des murailles. Malgré le caractère peu hospitalier de son sol marécageux, la nouvelle paroisse connaît un développement important.

Au XVe siècle, l’église Sainte Catherine, qui porte le n° 12 sur le plan est sitée le long des remparts et de leur fossé de protection

En 1485, elle compte six mille fidèles. Il faut rebâtir l’église pour les accueillir. On va d’abord construire la nef, dans les années 1480 puis la Tour entre 1500 et 1504. Elle contient la plus vieille cloche de Lille, Marie, fondue en 1403. Ce type de tour était caractéristique des églises lilloises du XVIe siècle, à l’image de celle de l’église Saint-Sauveur qui lui ressemblait beaucoup et qui disparut dans un incendie en 1896. Aujourd’hui, cette tour Saine-Catherine est la seule à témoigner encore de cette époque révolue. Au milieu du XVIe siècle, vont être construits le cœur et les chapelles latérales. Mais, une nouvelle fois, Sainte-Catherine va se révéler trop petite. Dans les années 1720, les chapelles latérales vont devoir être démolies pour être remplacées par d’autres, plus vastes, afin d’accueillir le nombre grandissant des fidèles. Sainte-Catherine a adopté le modèle à trois nefs, suivant le principe des Hallekerkes flamandes du gothique flamboyant, caractéristique de beaucoup d’autres églises du nord de l’Europe de cette époque.  Cette architecture particulière, avec un plafond en bois, confère au bâtiment une acoustique exceptionnelle, ce qui lui permet d’accueillir des concerts de grande qualité.

Gravure de la fin du XVIIIe siècle. Sur le toit du clocher, est installé le télégraphe optique de Claude Chappe.
Il permet de communiquer avec Paris.

À la fin du XVIIIe siècle, pendant la période révolutionnaire, Sainte-Catherine court les plus grands dangers. L’église est transformée en écurie et en magasins généraux ! Et encore, c’est un moindre mal par rapport à sa voisine, la Collégiale Saint-Pierre, rasée et utilisée comme carrière à ciel ouvert. Ce qui a sauvé ce bâtiment du patrimoine lillois, c’est qu’il était très utile à l’armée révolutionnaire pour défendre le territoire français attaqué par les monarchies voisines.  Sur la terrasse de la tour Sainte-Catherine, on va pouvoir déployer le télégraphe optique du citoyen Claude Chappe : une invention ultramoderne pour l’époque. À partir de de la tour voisine de la Collégiale Saint-Pierre, le 1er septembre 1794, fut transmis de Lille à Paris, le premier télégramme opérationnel. Il annonçait la prise par les troupes de la République de la ville de Condé sur Escaut : « Condé est restitué à la République. La reddition de la ville a lieu ce matin à six heures ». En janvier 1795 la tour Sainte-Catherine prend le relais. Elle sera le point de départ du télégraphe de la République, pour la région du Nord, jusqu’en 1846Le télégraphe, partage les lieux avec la vigie du guetteur de feu chargé de signaler les incendies se déclarant dans la ville. Ce rôle sécuritaire de la tour, existait depuis le XVIe siècle. La cohabitation entre les télégraphistes républicains, les guetteurs municipaux de la vigie et bientôt les marguilliers [2] , attachés à l’église qui doivent partager quotidiennement l’escalier menant à la tour, se révèle compliquée. En effet, à partir de 1801, Napoléon Ier, empêtré dans ses guerres de conquête, décide un geste d’apaisement. Il institue le Concordat qui rend ses biens au clergé. Cette situation de tension va perdurer un demi-siècle.

L’église, dans son état actuel, sous le même angle que la gravure de l’époque révolutionnaire

Dans les années 1950 et 1960, la tour Sainte-Catherine, bâtie avec des pierres de Lezennes friables est en ruine. Des fragments de la façade se détachent et viennent se fracasser sur le sol au risque de tuer les passants. On n’a pas trouvé de meilleure parade que de condamner le trottoir avec une barrière. Le coût de la rénovation de l’édifice est important et les paroissiens se sont déjà habitués à l’idée de la démolition de leur tour. Mais, à la surprise générale, le maire de Lille de l’époque décide de mettre la main à la poche pour rénover la tour. Les travaux de consolidation et de rénovation seront menés entre 1965 et 1970.

Ainsi, malgré quelques moments délicats, le bâtiment nous est-il parvenu dans un état très voisin de celui d’origine. Cette église est l’un des joyaux du Vieux-Lille, quartier éminemment touristique. La visite de l’église vaut le déplacement, même si, à l’intérieur, ne restent plus que quelques autels et ornements d’époque comme le buffet d’orgue de 1644. On note aussi la présence d’un mobilier religieux en bois sculpté comme les impressionnantes stalles réalisées dans la seconde moitié du XIXe siècle par les ateliers Buisine-Rigot, un des tout meilleurs ateliers d’ébénisterie européen. On peut aussi y venir pour d’autres raisons : les manifestations culturelles qui sont organisées régulièrement, les concerts et, bien sûr, l’office religieux du dimanche matin

Le choeur de l’église du Vieux-Lille

[1] L’église la plus importante de la ville de Lille à cette époque moyenâgeuse.

[2] Laïcs e attachés à l’église et chargés de son administration et de son entretien.

Querelles de clocher à la Tour Sainte-Catherine

Le partage du clocher donne lieu à un impressionnant courrier administratif de ses usagers (membres du télégraphe, guetteurs qui sonnent les incendies, carillonneurs des offices religieux et marguilliers de l’église). En voici quelques extraits :

 « Il est instant que les agents ne soient pas troublés par le son des cloches ni par les visites continuelles, ce qui arrivera immanquablement si vous n’obtenez pas au plus tôt un arrêté du Comité de Salut Public… Je vous observerai qu’il serait inutile de former des demandes à ce sujet auprès des administrations de Lille qui sont plus déterminées à protéger le culte que la télégraphie ». Message télégraphique d’Abraham Chappe directeur du télégraphe à Lille à son frère Claude, ingénieur en chef à Paris, 19 juillet 1795.

« J’ai reçu de votre part par l’organe d’un bas officier de votre église des plaintes contre mes employés. On les accuse d’avoir jeté des excréments et des cendres et d’aller faire des ordures dans le lieu où sont placées les cloches. Ils m’ont assuré qu’ils étaient faussement accusés. Ils ont une chaise percée et aucun d’eux ne se permet de faire des ordures dans le clocher », courrier signé de Chaviale, directeur du Télégraphe de Lille aux Marguilliers de l’église Sainte-Catherine, 8 juin 1813.

Visite guidée

Ce bâtiment, dédié à Sainte-Catherine d’Alexandrie a été classé monument historique en 1991. Il renferme beaucoup de trésors. Malheureusement, ses boiseries somptueuses ainsi que le mobilier de l’église furent vendus au moment de la Révolution. Le visiteur se consolera avec les stalles de chêne du XIXe siècle des ateliers lillois Buisine (citées plus haut) ornées de 112 statues : une œuvre absolument singulière. Au-dessus de l’autel de la nef-nord, est accrochée une toile de Wamps peintre du XVIIIe siècle, l’Adoration des Bergers. De chaque côté, deux tableaux du peintre lillois du XIXe siècle Victor Mottez, Saint-Mathieu et Saint-Jean l’Évangéliste. Au-dessus de la nef-sud, on retrouve deux tableaux du même peintre, Saint Marc et Saint Luc.L’autel en marbre du XVIIIe siècle provient probablement de la Collégiale Saint-Pierre détruite à la suite du siège de Lille et de la période révolutionnaire. On remarquera aussi les plafonds de bois, en berceaux lambrissés, datant de l’origine du bâtiment. Les vitraux de la nef ont été réalisés par le peintre verrier Henri Evaldre (1829 – 1900), tandis que celui du chevet, Le Triomphe de Sainte Catherine, est dû à Félix Gaudin (1851 – 1930). On trouve aussi quelques tableaux de l’école flamande. Le plus célèbre d’entre eux, Le Martyre de sainte Catherine, peint en 1615 par Pierre Paul Rubens, est une copie, mais l’original peut être admiré au palais des Beaux-Arts de Lille

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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