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La médecine malade du syndrome du Perroquet
« Science sans conscience n’est que ruine de l’âme »
François Rabelais
Le perroquet est l’animal qui, de nos jours, symbolise le mieux la communication politique ou scientifique. Agences et médias relaient fidèlement les concepts et éléments de langage élaborés par le lobby des ondes. Ce mode de communication descendant influe sur la santé publique.

Dernièrement, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a convoqué la presse pour lui faire part de ses conclusions sur les effets des ondes électromagnétiques – et plus particulièrement le Smartphone – sur la santé des Français. Elle est dans son rôle. Pour l’Etat, elle est le juge de Paix officiel en matière de sécurité sanitaire. Relayant cette communication, le journal Le Monde titre : « Téléphone portable et cancer : l’Anses conclut à l’absence de lien causal. » Ce fonctionnement descendant des instances de pouvoir vers les médias est le tendon d’Achille du journaliste. Il se doit de reproduire avec fidélité les éléments de langage qui lui ont été fournis. Faute de quoi, il pourrait être victime de représailles. C’est un handicap réel et important pour la Presse et sa capacité à défendre la vérité.
Au siècle dernier, dans le langage familier on désignait un journal par le mot « canard ». Le Canard enchaîné, fondé en 1915, a gardé ce nom désuet. En effet, le canard est un animal communiquant. Il cancane à toutes les heures du jour, quand il fait beau ou quand il pleut, sur sa mare ou dans les cours de fermes. Il ne s’arrête jamais. Il serait temps pour les journaux d’aujourd’hui de changer de totem et de remplacer ce vieux canard par un animal plus proche de la réalité moderne : le perroquet ! En effet, le perroquet reproduit fidèlement les éléments de langage qui lui sont fournis même s’il n’en perçoit pas forcément la signification et la portée.

L’article du Monde développe le propos : « Près de quinze ans après la classification, en 2011, des radiofréquences comme « cancérogènes possibles » par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a mis à jour ses propres travaux sur le sujet. » Pour l’Agence, il n’existerait aucun lien entre le développement de pathologies cancéreuses et l’exposition à des radiofréquences… en particulier celles émises à quelques centimètres de notre cerveau par les Smartphones. Tout cela est très surprenant !
Selon Santé Publique France, ces 20 dernières années, on a assisté à une multiplication par quatre des cancers les plus graves, les glioblastomes, soit cinquante mille morts supplémentaires ! Les cas d’Alzheimer ont pratiquement doublé en vingt ans pour atteindre le chiffre de neuf-cents-mille personnes… un million quatre avec les maladies apparentées. L’autisme a triplé en dix ans et concerne désormais sept-cent-mille personnes dont cent mille ont moins de vingt ans. Cette année, outre – Atlantique, une nouvelle étude a révélé des risques élevés de tumeurs cérébrales liés à l’usage des Smartphones. Elle prend la suite de six autres aboutissant aux mêmes conclusions. {1}
Alors, l’inocuité des téléphones cellulaires proclamée par l’Anses est étonnante. Elle est même bizarre !
Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Comme c’est étrange !
C’est le diagnostic du docteur Marc Arazi, fondateur de l’association « Phonegate » et auteur du livre éponyme dont le sous-titre, « Tous surexposés, tous trompés, tous mis en danger par nos portables » est tout un programme. Marc Arazi dénonce cette communication de l’Anses comme « le fruit d’une expertise compromise par des conflits d’intérêts structurels et une méthodologie biaisée en faveur de l’inaction et au seul profit des industriels de la téléphonie. »
En effet, comment est-il possible qu’en 2013, au moment des balbutiements de la 4G, l’Anses conclue « à un risque « possible » de cancers du cerveau pour les utilisateurs de téléphones cellulaires » tandis qu’en 2025, après le déploiement complet de la 4G et de la 5G elle proclame « l’absence de lien causal » entre les cancers du cerveau et l’usage intensif du Smartphone. C’est miraculeux ! En 2011, un groupe de trente-et-un chercheurs, provenant de quatorze pays, mandatés par l’OMS avait classé comme « cancérogènes possibles » (2B) les champs électromagnétiques de radiofréquence des Smartphones à l’issue d’une bataille de tranchée mémorable. Les scientifiques proches des industriels des ondes, avaient permis d’échapper de justesse à un classement « cancérogènes », tout court !

Pour comprendre ce cheminement, il faut remonter la filière et voir « comment ça marche ! »
Dès le début des années 1980, il devient patent que les radiofréquences vont poser un problème de santé publique. EN 1982 est fondée L’ICNIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection). C’est une ONG qui se prétend indépendante mais dont les membres sont en conflit d’intérêt avec les industriels des ondes. C’est l’ICNIRP, instance de régulation autoproclamée, qui, avec la bienveillance des Etats, se propose de définir les seuils de sécurité des émissions des ondes non–ionisantes. C’est elle qui statue sur la dangerosité possible des outils sans fils et qui élabore les éléments de langage a l’attention des gouvernements, de la communauté scientifique et des médias.
Un bel exemple est cette norme très élevée d’émission des antennes-relais (41V/m et 61V/m suivant les fréquences) qui a été scrupuleusement mise en œuvre par les Opérateurs français de la téléphonie et de l’Internet. Ce classement en (2B), « cancérogènes possibles des téléphones portables de 2011 était une épine dans le pied de l’ICNIRP. Pour le lobby des Ondes, plutôt que prendre des mesures de précaution fort coûteuses, il est plus économique de changer le thermomètre. D’abord, en mettant à la tête de la Commission des Ondes de l’OMS un ancien directeur de l’ICNIRP, puis en renouvelant les cadres.
Avant même que la manœuvre ne fasse sentir ses effets délétères, quelques journalistes ou scientifiques prédisaient le pire pour demain ! Joel Moskowitz, enseignant -chercheur à la faculté de la School of Public Health de l’Université de Californie, Berkeley, écrit (13 août 2023, la Maison du 21e siècle, Canada), « L’OMS fait évaluer la dangerosité des ondes par les amis de l’industrie ». Sur les vingt et un experts désignés par l’OMS, « Onze sont actuellement ou ont été affiliés à l’ICNIRP » et « huit des vingt et un experts ont publié seulement huit articles ou moins sur les CEM selon les archives de l’EMF-Portal, qui comptent 37 000 publications ». Il relève également, « qu’aucun des 250 scientifiques spécialistes des CEM qui ont signé « l’Appel international des scientifiques spécialistes des CEM », alertant les autorités sur la nocivité des ondes non-ionisantes « n’a été sélectionné par l’OMS pour faire partie du groupe de travail. Il conclut : « l’OMS a biaisé la sélection des participants au groupe de travail et les examens de la recherche pour s’assurer que la prochaine monographie de l’OMS sur les risques sanitaires liés aux radiofréquences soutiendra les {…} limites d’exposition aux radiofréquences. Ce qui ne protège pas les humains et d’autres espèces de cette ‘exposition chronique à de faibles niveaux de radiofréquences » C’était bien vu ! Désormais, le classement 2B, « effets cancérigènes possibles » est en bonne voie pour passer à 3 « absence de lien causal. »

Résumons-nous :
- L’ICNIRP établit les normes, les concepts et éléments de langage.
- Ils sont reproduits par la commission des Champs radioélectriques de l’OMS.
- L’Anses s’aligne sur les normes de l’OMS.
- Elle communique ses conclusions à la presse qui les reproduit fidèlement à destination du public et du corps médical.
- Le corps médical, fort de cette science officielle se doit de nier les effets délétères des champs radio électriques sur le public… même en cas d’usage intensif … voire très exagéré.
Il s’agit d’une communication descendante dans laquelle l’échelon inférieur répète les informations de l’échelon supérieur. Puis, à son tour, il les transmet à l’échelon du dessous. C’est le principe du « perroquet ». Victime du « syndrome du perroquet » le corps médical coincé entre la presse médicale et le Conseil de l’Ordre est invité à nier tout effet fâcheux des ondes électromagnétiques sur la santé de ses patients. Lors de la dernière délibération de la Commission des ondes de l’Anses qui concernait le classement des téléphones cellulaires en objets inoffensifs, l’un des experts, le professeur Gérard Ledoigt, de l’Université Blaise Pascal de Clermond-Ferrand, a refusé de cosigner le rapport final. C’est un réfractaire au système de communication « du perroquet ». Son totem est sans doute « le lion », un animal pugnace et courageux qui affronte volontiers les intrus pour défendre ses congénères.
{1} Wang & Guo, 2016 ; Bortkiewicz et al., 2017 ; Carlberg & Hardell, 2017 ; Prasad et al., 2017, Yang et al., 2017 ; Choi et al., 2020.
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