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Commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918, # 25, la Der de Der !

La version 2025 de la cérémonie de commémoration du 11 novembre 1918 aura été une journée particulière, empreinte d’émotion, pour Rudy Elegeest, le maire de la commune de Mons-en-Barœul.  C’est la 25e cérémonie d’anniversaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale qu’il préside. C’est aussi la dernière, car il a décidé de ne pas se représenter au prochain scrutin municipal.

La cérémonie du 11 novembre 2025, la 25° et la dernière pour Rudy Elegeest, le maire de Mons-en-Baroeul.

Rudy Elegeest a été élu maire de la commune pour la première fois en mars 2001. Depuis lors, si l’on compte aussi les cérémonies du 8 mai, qui célèbrent la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie et quelques autres, c’est plus de cent cérémonies qu’il aura présidées, ici même, devant ce monument. 

Le 11 novembre 1918 est une des grandes dates de l’histoire de France.

Elle marque la fin d’un conflit féroce : la première guerre industrielle de l’humanité, où vont succomber treize millions d’hommes dont un million quatre-cent-mille Français. Dans cette région du Nord, occupée par l’armée ennemie, les spoliations, les mauvais traitements, les exécutions, la déportation et la famine, vont rehausser d’un cran les horreurs ordinaires de la Guerre. Ces quatre années d’Occupation de la région lilloise (1914 – 1918) furent pour ses habitants, une période de douleur, d’altération des valeurs nationales et de perte du sentiment d’appartenance à la France.  Si le 11 novembre 1918 fut, pour la zone libre, une grande journée de liesse et de joie patriotique, dans cette région du Nord, occupée, c’est une certaine tristesse en même temps qu’un soulagement qui domine. Enfin, cette guerre inhumaine était terminée !  

L’armistice donne le signal d’une ère faste pour les sculpteurs et les marbriers. On invente le « monument aux morts ».Les millions de morts, civils et militaires, appellent un lieu symbolique qui rende hommage aux disparus, permette aux survivants de communier autour de leur mémoire… et perpétue pour des siècles le souvenir de cette époque barbare de sacrifices et de douleurs. 

L’inauguration du monument aux morts du square du Combattant, le 24 août 1924.

A Mons, l’inauguration du monument a eu lieu le 24 août 1924 en présence de plusieurs milliers de personnes.  « Toute la petite place, les rues avoisinantes, la rue Daubresse-Mauviez sont noires de monde. De véritables grappes humaines sont accrochées aux grilles des jardinets précédant les habitations », relate le Grand Hebdomadaire illustré. Cette mobilisation populaire dans cette commune de moins de 7000 âmes est tout à fait remarquable et interroge le désintérêt de beaucoup de nos contemporains pour le « Devoir de mémoire ». La douleur des familles est à la hauteur de la foule venue vivre l’évènement. Sur l’arrière du monument, ce sont 179 noms qui sont gravés :ceux de tous ces soldats tombés entre 1914 et 1918. 

Cette tradition, ravivée par l’épisode de la seconde Guerre Mondiale,

et la Résistance à l’Occupant, particulièrement vive, ici, va perdurer pendant plus d’un siècle. Aidé par une partie des élus, la Section des Anciens Combattants, les enseignants et les enfants des écoles, ainsi que par la population, le maire sortant est parvenu, pendant 25 ans, à faire de ces cérémonies du souvenir, un grand moment de vie nationale. 

Le 11 novembre 2025, le dépôt de gerbe par le maire, le président des Anciens Combattants et les Enfants des Ecoles.

Dans son discours, devant le monument aux morts, il s’est réjoui de « toutes ces cérémonies écoulées qui ont réuni, à chaque fois, année après année, plusieurs centaines de personnes avec comme point d’orgue, la cérémonie du centenaire, le 11 novembre 2018, qui a mobilisé plus d’un millier de participants. » Cette fidélité à la mémoire de ces générations des deux Guerres qui nous ont précédées, vivace à Mons – à l’instar des pays britanniques – fait désormais défaut dans beaucoup de lieux de l’Hexagone et de la Région.

C’est préoccupant !

Winston Churchill, acteur de premier plan des deux Guerres Mondiales le résumait par cette formule « Un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir ! » Pourtant, en Europe, la Guerre est à nos portes. Les territoires occupés en Ukraine, le Front immense barré par une double ligne de tranchées, les combats féroces et meurtriers pour soustraire à l’ennemi quelques arpents de terre, rappellent furieusement la première Guerre Mondiale. Cette comparaison a été le fil directeur du discours du Maire, ce 11 novembre 2025 : « La guerre accélère prodigieusement le développement des armes ; en 1914, eurent lieu les dernières charges de cavalerie légère remplacés à la fin du conflit par des unités de chars d’assaut, et aujourd’hui en Ukraine, les véhicules blindés battent en retraite face à des nuées de drones ». Et de s’inquiéter de ces évènements qui « contribuent à un réarmement général ».

Le discours du maire, pour sa 25° cérémonie de commémoration du 11 Novembre 1918;

Dans cette confrontation hégémonique à l’échelle de la planète qui rend notre monde, plus dangereux encore qu’en 14 – 18, le citoyen est démuni. Raison de plus pour ne pas faire fi de son Histoire et d’aspirer à la Paix. Et le maire de conclure : « Jean Jaurès, le fondateur de ce journal qui porte, en titre, cette si belle promesse : l’humanité, pensait que les guerres, inhumaines, ne nous débarrassent jamais d’autres guerres à venir. Il l’a payé de sa vie »

Ce 11 novembre 2025, a réuni plusieurs centaines de Monsois. Ce fut une belle cérémonie.

Le discours de Rudy Elegeest, maire de Mons-en-Baroeul

Texte de Francis Bossut

Le vingtième siècle s’est ouvert sur l’une des plus grandes tragédies humaines : la première guerre mondiale.

Cette guerre qu’on espérait alors tellement être « la der des ders » a laissé dans chaque ville et village de France, des monuments témoignant de ces hécatombes humaines, des monuments fidèlement honorés par toutes les générations qui se sont succédées depuis. « Plus jamais cela ! » a-t-on longtemps supplié au pied de ceux-ci ; à Dardilly dans le Rhône est inscrit «Que l’avenir console la douleur», à Perreux dans l’Yonne « guerre à la guerre ». Ces appels sont restés vains en dépit des efforts de ceux, les pèlerins de la Paix comme Aristide Briand, qui ont voulu mettre la guerre hors-la-loi.


Dans un avenir proche, il y aura dans tous les villes et villages d’Ukraine un monument commémorant les souffrances et les pertes humaines, civiles et militaires, d’une guerre enclenchée le 24 février 2022 et dont on ne voit pas la fin après 3 ans, 8 mois et 15 jours de combats. Cette guerre laissera un traumatisme certainement aussi profond chez les Ukrainiens que la guerre de 14 en France.


A un siècle de distance, on est frappé par les similitudes que présente ce conflit avec le premier conflit mondial.  Pour la première, cela commença par une guerre de mouvement, une invasion rapide par des troupes du Kaiser de la Belgique et du nord de la France selon le plan Schieffen, pour la seconde par une pénétration brusque et rapide selon différents axes de colonnes de chars Russes sur le territoire Ukrainien.

Les incursions des envahisseurs se rapprochèrent alors des capitales Paris ou Kiev mais, passé l’effet de surprise, les contre-attaques s’organisèrent : ce sera la bataille de la Marne en septembre 1914 et dès septembre 2022, les Ukrainiens parvinrent à repousser les offensives russes sur Kiev, Kharkiv et le nord du pays.

Puis, progressivement, après de féroces batailles autour de villes Charleroi, Guise, Ypres, Reims, Arras, au cœur des villes Ukrainiennes de Marioupol ou d’Avdiivka, les armées campèrent sur leurs positions, s’enterrant, creusant des réseaux de tranchées défendus par de l’artillerie et des champs de mines.

Les fronts se figent sur quelques dizaines de kilomètres de profondeur et plusieurs centaines de kilomètres de longueur de la mer du Nord à la Suisse, de Kherson à l’Est à Koupiansk au nord du Donbass. Une partie de la France était occupée dont le Nord, dont notre ville ; une partie de l’Ukraine demeure occupée au sud de Dniepr et en bordure la mer d’Azov.

Et, le long de ces lignes, dans le froid, dans la boue, dans le fracas des explosions, des soldats meurent par dizaines, par centaines, par milliers ! La mort, traîtresse, vient le plus souvent du ciel. En 14-18 la mort était aveugle, la puissance, le nombre des bombes et obus de tous calibres en faisaient la force ; aujourd’hui, les tueuses vont toujours plus loin quand elles traquent de l’œil froid de leurs cameras leurs prochaines victimes.

Eh oui, la guerre accélère prodigieusement le développement des armes ; en 1914, eurent lieu les dernières charges de cavalerie légère remplacés à la fin du conflit par des unités de chars d’assaut, et aujourd’hui en Ukraine, les véhicules blindés battent en retraite face à des nuées de drones.
Mais, ces zones de guerre se ressemblent toujours étrangement : arbres déchiquetés, ruines fumantes, gourbis enfouis sous terre, tranchées étayées de quelques planches, sol lunaire… et au milieu de ce brasier, des hommes en proie au même dénuement, aux mêmes peurs, qui luttent pour rester en vie, une heure, un jour, jusqu’à la relève alors qu’autour d’eux tombent les camarades blessés et s’allonge la liste des morts.


Un 16 juin, un obus tombe sur une unité retranchée.

Un éclat touche l’un des soldats à la mâchoire, aux épaules, aux bras et aux côtes.  Avec peine, ce blessé, évoque ces instants d’horreur : « je me souviens de ce moment comme d’un mauvais rêve avec un vacarme assourdissant. Je tenais ma propre mâchoire et mes dents… Je me souviens de mes camarades qui hurlaient, dans la fumée, l’odeur du sang. Ma vie allait changer à jamais ».  Nous ne sommes pas en Argonne en 1916 mais en Ukraine en 2022, et cette gueule cassée ne se prénomme pas Henri ou Albert mais Volodymyr.
Creuset incandescent de cohésion des peuples, cet héritage de sang solidifiera pour longtemps le sentiment national des Ukrainiens, comment pourraient-ils oublier ? Nous-mêmes n’avons pas oublié 14-18 puisque nous sommes encore là aujourd’hui.


La guerre déclenchée par la Russie n’est certes pas mondiale mais des nombreuses nations sont, de fait, impliquées dans ce conflit. Ses répercutions sont d’échelle mondiale, elles conduisent les états à réviser significativement leur politique de défense, d’alliance et contribuent à un réarmement général. Plus personne ne s’étonne d’ailleurs de voir presque chaque jour des défilés de généraux commentant des cartes d’état-majors sur les plateaux des chaînes d’information.
La Première Guerre mondiale, par son ampleur et sa brutalité, a profondément marqué les esprits et a fait naître un ardent désir de paix durable. Le président américain Wilson fut un fervent promoteur de l’idée d’une organisation internationale capable de régler les différends entre les nations par la négociation et l’arbitrage, plutôt que par la guerre. Et défiant les vieux empires chancelants, il avait osé émettre en 1919 l’idée révolutionnaire du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Idée qui progressa, dans la douleur, avec des avancées et des reculs, idée qui s’était perdue dans la nuit de 39-45, mais qui avait ensuite cheminé jusqu’à nous.  En dépit de ses crises et de ses convulsions locales, nous pensions néanmoins l’ordre du monde maintenu et maintenable. Malgré les ornières sur sa route, pour nous autres occidentaux, vainqueurs de l’après-guerre, notre modèle de civilisation semblaient poursuivre sa marche en avant plus sereinement.


Hélas, aujourd’hui l’idée de droits et donc de devoirs réciproquement reconnus s’appliquant aux nations, semble se déliter. Le rapport de force voire son usage redeviennent-ils les considérations premières en matière de relations internationales et de résolutions des conflits ?  Assisterait-on aux prémices d’un grand mouvement de balancier marquant le retour des tentations impérialistes subordonnant le juste au fort.

Les trois grandes forces assassines de l’histoire : l’ignorance, le fanatisme et la tyrannie sont très loin d’être vaincues ; elles gagnent du terrain tandis que l’humanisme recule. 

L’humanisme, c’est, entre-autre, ce qui nous porte à ramener à l’échelle de l’individu tous les grands mouvements de masse (les guerres, les crises, les catastrophes…). Ainsi, la mémoire de la guerre de 14-18, subsiste ici par les noms de ceux qui sont tombés, avec derrière ces noms, des histoires personnelles ; ainsi les mémoriaux de la Shoah conservent-ils les noms, les dates, les visages des sacrifiés, ainsi sont complétés année après année les 150 registres des victimes du feu nucléaire à Hiroshima, ainsi les noms des disparus du World Trade Center sont-ils à chaque date anniversaire relus à Ground Zéro…

Chaque homme, chaque femme, chaque enfant qui tombe de la violence voulue par d’autres hommes quelle qu’en soit la raison ne saurait être réduit au rouage d’une machine de guerre, à un infime composant d’une force projetée, et moins encore à un gain ou une perte à comptabiliser.

Ils doivent demeurer dans nos esprits des êtres humains semblables à nous-mêmes.


Nous connaissons l’issue du premier conflit mondial, nous savons aussi ce qui s’en ait suivi 20 ans plus tard ; mais nul ne sait combien de temps encore sévira la guerre sur le sol Ukrainien ni les conditions qui prévaudront sur la poursuite des hostilités.

Au-delà de tous les discours qui peuvent faussement les justifier, n’oublions pas que Jean Jaurès, le fondateur de ce journal qui porte, en titre, cette si belle promesse : l’humanité, pensait que les guerres, inhumaines, ne nous débarrassent jamais d’autres guerres à venir. Il l’a payé de sa vie comme son fils unique, l’aspirant Louis Jaurès âgé de 19 ans, blessé sous les murs de Reims et qui meurt à quelques mois de l’armistice en juin 1918.L’un et l’autre, combattant de la paix, combattant en guerre, sont tombés au champ d’honneur comme tant d’autres au nom d’une « humanité » toujours et encore non seulement à défendre mais aussi à construire !

Galerie :

La version du centenaire, en 2018 :

http://blog.prophoto.fr/le-11-novembre/

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