Views: 10
Le Beffroi de l’ancien Hôtel-de-Ville de Lille, 1826, 1857

La photo est prise au dernier étage du n° 25 rue de Paris, c’est à dire depuis l’atelier d’Alphonse Le Blondel, qui a documenté le Lille du XIXe siècle.

La source est explicite et l’image fait référence à la photographie de Le Blondel (même date, même adresse). Partir d’une photographie était un procédé très courant pour ces graveurs imprimeurs. En général la gravure est très fidèle à son modèle. Ici le graveur a pris beaucoup de liberté. Tandis que le bâtiment prend de l’importance. L’avant plan est abaissé, redessinné, rapetissé pour mettre en valeur le bâtiment municipal.
En 1664, pour 90 000 florins, le Magistrat lillois achète auprès du roi d’Espagne la plus grande partie du Palais Rihour.
Il s’agit de l’ancienne résidence des Comtes de Flandre. La municipalité veut en faire sa nouvelle « maison de ville » en remplacement de la Halle échevinale qui occupait un des angles de la Grand’Place. Ce bâtiment moyenâgeux avait perdu son beffroi en 1601, à cause du poids considérable de ses cloches, qui avait fragilisé la construction. Il faudra attendre 1826 pour qu’un nouveau beffroi soit érigé dans l’ancien Palais Rihour. Symbole de l’indépendance de la ville, le beffroi servait surtout de poste de guet pour détecter les incendies qui pourraient survenir. Mais il y avait un problème ! Si le guetteur pouvait s’installer sans problème au dernier étage du bâtiment, ce n’était pas le cas des cloches. L’énorme bourdon lillois ne passait pas dans l’escalier. Cette anomalie était un prétexte aux quolibets, particulièrement en période électorale. Ainsi, Debuire du Buc écrit : « Par eun feurniète on volot mette eun cloq pendu dins ch’fameux nid d’gavus, ch’est alors qu’on s’a aperçu qu’cheul cloq avot un trop gros cu. »

La déconstruction-reconstruction de Rihour de 1847 à 1859, sous la direction de l’architecte lillois Charles Benvignat devait sonner le glas du malheureux beffroi. Il est démoli en 1857.
Bonus :
La Halle échevinale et son beffroi, avant 1600.

L’oraison funèbre du beffroi par Alexandre Desrousseaux.
Texte en patois | Traduction en français |
Complainte d’un guetteu su’ l’démolition du beffroi Quand j’ai vu défair’pièche à pièche Min pauv’ beffro, j’étos saisi. Mais faut-i’ l’ dire ? veyant cheull’ brèche Faite à no’ vill’, tout l’mond a ri. Pourtant (quoiqu’ ch’est bien assez drôle) D’ vir un homm’ querre , on est joyeux… Mais quand i’ s’a démis l’épaule, On dit, du moins, ch’est malheureux Mais min beffro, ch’est triste à dire, N’a mêm’ point cheull consolation. Malgré s’culbute, on n’cess’ de rire, On n’fait qu’vanter s’démolition. L’un dit : « Ch’ n’étot qu’un grand mont d’briques ! » Un aut’ tariar ajout’ viv’ mint : « Les plus vilains ballots d’fabriques Sont aussi beaux que ch’ monumint ! | Complainte d’un guetteur sur la démolition du beffroi Quand j’ai vu défaire pièce à pièce Mon pauvre beffroi, j’étais saisi Mais faut-il le dire ? Voyant cette destruction Faite à notre ville, tout le monde a ri. Pourtant, c’est assez drôle de voir un homme tomber Mais quand il se démet l’épaule On dit, du moins, c’est malheureux Mais mon beffroi, c’est triste à dire, N’a même pas cette consolation Malgré sa culbute, on ne cesse de rire, On ne fait que vanter sa démolition L’un dit : « ce n’était qu’un grand mont de briques ! » Un autre moqueur ajoute vivement « Les plus vilaines cheminées d’usines Sont aussi belles que ce monument » |