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La vieille cabine de téléphone de Murbach et les répéteurs de l’actualité

La dernière des 70 000 cabines françaises encore en activité, cela peut-être un sujet d’actualité… à condition que l’AFP en parle ! Alors, l’information peut être dupliquée aux moindres frais ! Les journaux et les médias sont à l’AFP ,ce que les répéteurs sont à votre box-internet : ils renvoient le signal avec plus ou moins de fidélité.

la cabine de Murbach
La cabine de Murbach

La dernière cabine téléphonique de l’hexagone se trouve à Murbach, dans le Haut-Rhin.

L’information est sortie dans la torpeur de l’été 2024. Elle n’a pas ému grand monde, jusqu’à ce que l’hebdomadaire « Paris-Match » ne dégaine le premier. « Elle sonne encore », précise la feuille de luxe. Puis, dans la foulée, elle publie le numéro d’appel de la cabine : 03 89 74 11 53. Depuis que l’information a été dupliquée partout, dans les colonnes et sur les écrans, la cabine n’arrête plus de sonner ! Ce genre d’information, c’est ce qu’on appelle dans le milieu, un « Marronnier », c’est à dire une histoire sans importance destinée à alimenter les médias dans la torpeur des vacances.

Qu’est ce qui a pu pousser cet élégant hebdomadaire des villes à coucher sur son papier glacé cette réalité des gens « de rien » et se nichent dans la France profonde ? La rédaction de « Paris-Match » est actuellement, en mutation, les fesses assises entre deux milliardaires, Vincent Bolloré, de CNews, Europe 1 – qui quitte le titre – et Bernard Arnault, du Parisien, les Echos, qui devrait récupérer le bébé. C’est ce qui s’appelle, « la Liberté de la Presse ». Doit-on cette séquence à la manie de la dénonciation, récurrente des « journalistes » du premier ou à une attention délicate : suggérer que le second – beau-père de Xavier Niel, propriétaire de l’opérateur « Free » – n’est pas sectaire en mettant en lumière son concurrent, « Orange », propriétaire de la cabine de Murbach ? Va t’en savoir ! 

On aurait pu s’interroger sur les raisons qui ont fait qu’Orange

L’opérateur historique chargé d’assurer la continuité du service public, s’est vite débarrassé – à une seule exception près – de ce boulet financier qu’est l’entretien des cabines publiques. On aurait-pu se demander si, en imposant le tout 4G, le tout 5G et demain le tout 6G sous l’impulsion des opérateurs et de l’Etat, on ne mettait pas en danger la santé du public.

On aurait pu établir un lien entre le développement de certaines pathologies et la prolifération exponentielle des ondes. On aurait pu essayer de comprendre pourquoi des associations environnementales ou éducatives cherchent à réimplanter ces cabines.  Mais aucune de ces questions n’intéresse les médias et ses journalistes. Par contre, cette histoire de cabine solitaire qui sonne à tout bout de champs, grâce à Paris-Match, c’est de l’Info comme on l’aime ! Le Figaro, le Parisien, L’Express, Vingt Minutes, le Dauphiné Libéré, la Voix du Nord, TF1 et même la RTBF, j’en passe et des meilleurs; ont repris l’information en boucle pour poser cette même question lancinante :

D’où viennent tous ces appels vers Murbach ?

Voici ce qu’en retient le Parisien : « Nous avons mis une feuille pour que chacun consigne chaque appel reçu. C’est un document d’histoire qui nous permet de savoir d’où proviennent les coups de téléphone : de Bretagne, d’Occitanie mais aussi de l’île de la Réunion et même de Colombie, c’est incroyable », jubile la maire ». Mais, certains essayent de proposer une plus-value à la dépêche de l’AFP : « Désormaistout le monde parle de cette fameuse cabine téléphonique dans ce village de Murbach de 160 habitants », précise le Figaro« De nombreux journalistes s’y sont déplacés ». Ça, des journalistes qui viennent se perdre chez les ruraux, c’est vraiment de l’actu passionnante pour les abonnés des villes !

Grâce à cet emballement médiatique qui se mord la queue, la cabine est devenue « le nouveau pôle d’attraction de Murbach, supplantant l’abbaye bénédictine du VIIIe siècle qui, jusqu’alors, faisait la fierté locale des habitants de ce village du Haut-Rhin », comme le claironne TF1. Mais on n’oublie pas, parfois,  de faire un peu de pédagogie en expliquant que si cette cabine a survécu c’est parce qu’elle se situe en « zone blanche ». C’est bien la moindre des choses car cette information figure dans la dépêche de l’AFP et qu’il faut bien respecter les règles : « Répéteur un jour, répéteur toujours ».

Mais, il y a un problème, c’est que c’est inexact.

Une « zone blanche », c’est un endroit préservé de radiations électromagnétiques. Ça eût existé mais cela n’existe plus depuis belle lurette, en France. Avec les satellites d’Elon Musk et des autres, plus un pouce du territoire n’est préservé des ondes et surtout pas à Murbach où, la municipalité déclare sans ambages aux journalistes, qu’elle a fait installer des bornes Wifi, un peu partout dans le village. Question zone blanche, on repassera ! EHS et électrosensibles, passez votre chemin ! Disons plutôt, que, vu la densité de population du coin, les opérateurs ne se bousculent pas pour installer une antenne-relais au village et que l’Etat, jusqu’ici, a fermé les yeux.

Certains patrons de Presse, bien intentionnés, envisagent pour ce travail de mise en forme des agences – le « bâtonnage », dans le jargon – d’avoir recours à des ordinateurs et à l’Intelligence Artificielle. Cela va-t-il changer la physionomie de ce type de séquence ? Rendez-vous dans quelque temps !

Histoire de cabine :

http://blog.prophoto.fr/on-acheve-bien-les-cabines-telephoniques-roubaix-59512/