On achève bien les cabines téléphoniques, Roubaix, 59512

On achève bien les cabines téléphoniques, Roubaix, 59512

La dernière cabine téléphonique d’une ville que l’on démolit, c’est un signe d’un changement d’époque. Mais, en même temps, le progrès est peut-être moins évident qu’il ne paraît.

La dernière cabine téléphonique de Roubaix a eu le droit à un enterrement de première classe. Elle a eu l’honneur d’ une pleine page de l’Edition locale, ainsi qu’un bel article en section régionale dans le journal du coin. C’est le signe que l’évènement est pris au sérieux quant à sa capacité à mobiliser le lecteur. Beaucoup d’abonnés, lorsqu’ils ouvrent leur journal, vont directement à la rubrique nécrologique, puis ils consultent les faits divers… et enfin le reste ! « La nostalgie au bout du fil. Cet appareil d’un autre temps n’a pas été sauvegardé », apprend-t-on. D’ailleurs les raisons sont évidentes : « Entre le combiné poisseux et les odeurs douteuses, téléphoner depuis une cabine était une épreuve… On éprouvait, en entrant dans cet aquarium une sensation pas très agréable. On entendait les bruits de la rue à peu près autant que son interlocuteur, quand on avait mis de côté le dégoût de prendre en main ce combiné ». Il est probable que cette cabine de la rue Saint-Jean n’avait plus vu un client depuis belle-lurette. Cachée par la végétation elle avait été miraculeusement épargnée jusque-là.  Mais le terrain ayant été cédé à un promoteur, il était plus que temps de faire place nette. 

Cette fin de vie de la dernière cabine de la ville de Roubaix est un symbole du temps qui passe. Il y avait, jadis, 300 000 cabines sur le territoire français. Elles n’étaient pas un service très rentable mais elles étaient utiles au public. Lorsque, comme le reste, la téléphonie a été privatisée, personne de voulait prendre en charge ce service des cabines téléphoniques, si peu profitable. C’est pourquoi, c’est l’opérateur Orange, issu du service public, qui a été désigné d’office. L’Etat, promoteur de la réforme, se voulait rassurant : « jusqu’en février 2014, au titre du service universel, France Telecom devra maintenir en état de marche au moins une cabine pour les villes de moins de 1 000 habitants, et deux pour celles d’une population supérieure. »

Mais, 2014 est très vite arrivé ! Il a été le signal de la Saint-Barthélémy des cabines téléphonique françaises. Aujourd’hui, il en reste peut-être encore quelques-unes dans des endroits perdus, mais ce n’est pas certain ! Nul n’est capable de dire où et combien ! La ville de Grenoble n’a pas hésité à se singulariser. Elle s’est un peu fait tirer l’oreille pour autoriser une association locale à réinstaller quelques cabines sur son territoire. Mais elle a fini par accepter. Elle qui, quotidiennement, se fait tailler en pièces par les Chaines d’info – dont les propriétaires sont souvent les mêmes que ceux des opérateurs téléphoniques –, cela ne va pas arranger ses affaires ! L’OIRCT (Observatoire international pour la réinstallation des cabines téléphoniques) a été autorisé à installer 22 cabines, à titre d’essai, sur le territoire de la ville … en attendant mieux ! Il paraît que les gens s’en servent pour téléphoner ! Incroyable ! Comparé aux 450 cabines implantées jadis à Grenoble, ce n’est pas vraiment un service de masse. C’est plutôt un symbole ! Une manière de faire réfléchir les gens ! Quelle vilaine mouche a piqué ces Grenoblois frondeurs pour défendre ces objets répulsifs « poisseux et aux odeurs douteuses » ? C’est qu’ils font une analyse différente de la question. Depuis plusieurs décennies, les décideurs du changement nous promettent un « monde meilleur » grâce aux ondes électromagnétiques qui s’empilent sur le territoire. Elles alimentant des armées d’ordinateurs, de box-wifi, de tablettes et de Smartphones !

Ah le Smartphone ! L’objet transactionnel des jeunes générations… et même des moins jeunes ! Autrefois dans les transports en commun ou dans les salles d’attente, les gens dialoguaient. Aujourd’hui, les yeux rivés, hypnotisés par ce petit rectangle lumineux, ils pianotent… ils pianotent… L’Internet et la téléphonie mobile ont envahi nos vies. Elles sont rendues obligatoires pour gérer nos comptes bancaires, payer nos impôts, prendre un rendez-vous chez le médecin, effectuer tous les petits gestes de la vie quotidienne. Est-ce le cas de tout le monde ? Selon l’INSEE, 17% de la population française serait victime de la « fracture numérique ». C’est ce que l’on appelle aussi « l’illectronisme ». Ce sont des gens qui n’ont ni Smartphone, ni ordinateur, soit parce qu’ils ne peuvent pas les acheter, soit parce qu’ils ne savent pas s’en servir. On peut considérer que l’on ne va pas arrêter le progrès pour 17% de la population mais on peut aussi admettre que 17%, c’est beaucoup ! La suppression de ces cabines téléphoniques a été l’un des vecteurs de la marginalisation d’une partie de la population. Le « tout smartphone – tout numérique », est désormais détaché du rationnel. C’est devenu une sorte de Religion. Avec les factures d’électricité qui atteignent des sommets vertigineux, les opérateurs téléphoniques rechignent à installer de nouvelles antennes 5G, consommant 40% d’énergie en plus que les 4G en service.

A quoi bon dépenser beaucoup d’argent pour rendre quelques troupeaux de vaches malades dans le voisinage, sans contrepartie financière ? Mais ils se font tancer vertement par les services de l’Etat qui tient à son Plan ! On ne sait pas très bien où l’on va, mais on y va ! Tout droit ! 

Histoire de téléphonie :

Avant Noël, c’est déjà Noël, Merlimont-Plage, 62155

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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