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Un enterrement de première classe pour le dernier tramway lillois.
Le 29 janvier 1966 est une date à marquer d’une pierre noire dans l’histoire des tramways lillois.
Après 92 ans de bons et loyaux services, le tout dernier tramway en activité, celui de la ligne B, effectue son dernier voyage. C’est un samedi ensoleillé et froid, un beau temps d’hiver, idéal pour un enterrement. Après, ce dernier tour de piste – diversement apprécié et commenté par les utilisateurs et les riverains – il va pouvoir rejoindre le dépôt du pont du Lion d’Or où il sera dépecé comme ses congénères.
La CGIT (Compagnie générale industrielle de transports), désormais concessionnaire du réseau de tramways, a décidé de tourner la page. Le tramway, ici, sera désormais supplanté par un réseau d’autobus flambant neufs ! Pour elle, c’est la loi du Progrès ! Les autobus sont désormais dotés de moteurs surpuissants. L’essence et le gasoil sont donnés ! Pour faire rouler le tramway, il faut entretenir un réseau coûteux d’infrastructures ferroviaires alors que pour faire rouler des autobus en ville, c’est cadeau de l’État et des Collectivités territoriales ! Comme, depuis 1956, cette compagnie de bus historique a repris la gestion du réseau de tramways, elle est très bien placée pour effectuer la comparaison.
Pour ce dernier voyage, la CGIT n’a pas lésiné sur les moyens.
Elle a organisé une grande fête itinérante tout le long de la ligne B. La Télévision (une seule chaîne nationale en noir et blanc de 819 lignes) est conviée à l’évènement. Elle a envoyé l’une de ses meilleures équipes dans la capitale des Flandres. Pendant trois jours, cette dernière a effectué des reportages dans les rames et en ville pour recueillir les impressions des lillois.
Les avis sont tranchés !
Les usagers du tramway regrettent déjà leur bon vieux tram, pour son confort, sa fiabilité, sa convivialité, son côté poétique, sa participation au patrimoine urbain. À l’inverse, les automobilistes, penchés à travers leur portière, le moteur vrombissant, n’ont pas de mots assez durs pour fustiger le vieux tram quasi centenaire. C’est sûr, il gêne la circulation des voitures-automobiles avec ses rails situés en plein milieu de la chaussée. Il est devenu totalement obsolète : « Un véhicule à traction électrique, quelle ringardise ! »
Le départ du dernier voyage a lieu devant la préfecture du Nord, place de la République.
Les deux dernières rames sont décorées de drapeaux tricolores et de calicots. On a convoqué le ban et l’arrière ban de la fine fleur de l’élite politique et économique de la métropole. Les élus et les dirigeants sont entassés comme des sardines dans ce tramway que, pour la plupart, ils n’ont jamais utilisé. Avec en plus, une meute de journalistes, cela fait du monde !
Le conducteur (le Wattman) n’est autre que Simons, peintre, chansonnier et vedette de la chaîne de télévision locale, Télé-Lille. Il réalise – il était temps – un vieux rêve de gosse commun à tous les petits lillois, dont l’enfance a été bercée par l’univers des tramways ! Alain Decaux, a dû en être très jaloux ! Il n’avait qu’à pas partir à Paris ! C’est bien fait ! Tout au long du parcours, à chaque carrefour, les lillois nostalgiques avaient sorti leur appareil de photo pour garder un dernier souvenir de ce dernier tramway.
Note : Contrairement à ce que l’on trouve sous la plume d’auteurs de qualité, les deux motrices (N* 874 et 881) du dernier voyage ont été préservées par l’AMTUIR. Elles se trouvent désormais à Paris. Source : Hans Pennors.
Nostalgie des tramways lillois :
Le dernier voyage