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De la collection privée au musée ouvert à tous

Le musée n’est pas un concept sorti de nulle part, au moment de la Révolution française. Sa naissance s’appuie sur une Histoire séculaire. Mais après la Révolution, la République française va changer le logiciel en matière de propriété des œuvres et de leur mise à disposition du plus grand nombre. 

Projet d’installation d’une salle du Musée du Louvre, Anonyme, 1794

On peut dater la tradition de la production d’œuvres et de leur partage à une époque très lointaine. Les peintures rupestres de plusieurs civilisations lointaines, nous sont parvenues. Mais, ce sont le Moyen-âge et la Renaissance où la production et le partage des œuvres artistiques, s’organisent selon un schéma, qui préfigure ceux de notre époque. Dans une société marchande, l’Art ne représente pas une valeur d’échange indiscutable. Les artistes ne survivent que grâce au mécénat et au goût des puissants pour les la beauté des œuvres. 

Au Moyen-âge, l’expression artistique est surtout tournée vers la religion.

Elle peut avoir des fonctions pratiques : tapisserie, orfèvrerie, enluminure des manuscrits, tapisserie… Mais, les arts majeurs comme la sculpture et la peinture représentent toujours des sujets religieux. On trouvera des statues de saints, des tableaux représentants des scènes religieuses dans les églises et les monastères. 

Flagellation du Christ, Atelier du Maître d’Attel vers 1490, musée Grobet-Labadier, Marseille

Lorsque les mécènes des artistes sont représentés c’est de manière indirecte dans les traits d’un personnage d’un tableau religieux. Les principaux foyers artistiques sont ceux où règne la prospérité économique : la Flandre et l’Italie, surtout. A l’époque de la Renaissance, d’autres foyers de l’Art surgissent dans l’Europe entière. Le portrait, la représentation de la nature, les paysages urbains, les scènes profanes deviennent les nouveaux thèmes de la peinture. Les mécènes sont des nobles ou de riches bourgeois. En Ville et dans les châteaux, l’Art est une manière de valoriser les intérieurs des puissants. Il apporte la beauté mais c’est aussi un signe extérieur de richesse des propriétaires des lieux.

Portrait d’Ugolino Martelli, vers 1537-39, Agnolo Bronzino, (Berlin, Staatliche Museen),

En France, une histoire est symbolique de l’irruption de l’Art dans les sphères dominantes de la société. C’est celle de François premier et de Léonard de Vinci. La seule date historique que retiennent les mauvais élèves est 1515, celle de la victoire de Marignan. Les troupes du roi de France y battent les Suisses, pourtant réputés coriaces, dans la région de Milan. De sa campagne italienne, François ne gardera rien, hormis le goût pour les Arts qu’il découvre dans les villes qu’il traverse. 

L’histoire racontée dans la presse illustrée, aux environs de 1900.

C’est ainsi que le monarque invite Léonard de Vinci, l’un des tous meilleurs artistes italiens.

A l’automne 1516, âgé de 64 ans, Léonard traverse les Alpes pour s’installer au château du Clos Lucé. Dans ses bagages, il emporte trois de ses chefs-d’œuvre : la Sainte Anne, le Saint Jean Baptiste et la Joconde, l’œuvre phare de l’actuel musée du Louvre. Léonard ne reverra jamais l’Italie. L’artiste meurt le 2 mai 1519. Par testament il cède ses précieux tableaux au Roi. Ils viendront enrichir sa collection.  La peinture est à cette époque le seul moyen de représenter les Grands de ce Monde. Le portrait d’Henry VIII (1491 -1547), le meilleur ennemi de François premier, par Hans Holbein le jeune est l’une des images les plus emblématiques de l’Angleterre. 

Henry VIII, Hans Holbein, Musée du Luxembourg

Certains vont plus loin et développent la manie de la collection.

Ainsi Philippe IV d’Espagne (1605 –1665) devient-il un des plus grands collectionneurs de son temps. Il acquiert des œuvres de Diego Vélasquez, un grand peintre espagnol, mais aussi Nicolas Poussin ou Claude Gelée ou encore du flamand Pierre Paul Rubens. Il fait l’acquisition d’œuvres plus anciennes déjà consacrées : Raphaël, Mantegna, Lanfranco, Le Titien, Dürer et bien d’autres. A la fin de sa vie il possède plus de 800 toiles. 

De décennie en décennie, du XVIe au XVIIIe siècle le patrimoine artistique devient considérable dans les congrégations, dans les églises et dans les châteaux. A la Révolution les biens du Clergé et de la Noblesse sont confisqués. Ils sont censés appartenir au Peuple sous le contrôle du gouvernement révolutionnaire. L’idée d’un lieu ouvert à tous où seraient concentrées les plus beaux spécimens des Arts fait son chemin dans les assemblées révolutionnaires. 

La Révolution française a inventé le Musée !

Dès 1792 on installe au Louvre – bien royal confisqué – les œuvres les plus remarquables et les plus célèbres provenant pour la plupart des édifices royaux. Les campagnes militaires, à partir de 1794, donnent lieu à un pillage du patrimoine historique, artistique et scientifique des Pays traversés par les Armées françaises. 

Salle des antiquités égyptiennes, Musée du Louvre, Paris

Ce patrimoine exceptionnel est un atout unique pour le développement des musées en France. Le Consulat va organiser par décret – 1801- la création des musées provinciaux. Les musées de Province vont se développer suivant le modèle du Louvre avec une organisation qui s’inspire des Romains qui édifiaient des temples dans toutes les grandes villes de l’Empire. 

Par exemple, à Lille, après le travail d’organisation et de collecte des œuvres d’origines différentes, le premier musée lillois ouvre ses portes en 1809. Il possède un catalogue de cent-neuf œuvres dont certaines sont des chefs d’œuvre internationalement connus. L’exemple de la France, malgré des Histoires très différentes, inspirera les autres nations européennes. Des musées vont s’ouvrir un peu partout dans les grandes capitales de l’Europe… souvent à l’initiative des rois et des princes qui leur cèdent une partie de leur collection.

British museum, antiquités égyptiennes.

La suite de l’histoire :

Le musée des Récollets, le premier musée des Beaux-Arts de Lille, 1809 – 1847

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