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Un nouveau tramway pour relier les « Trois Villes » Lille, Roubaix et Tourcoing : le Mongy.

Le Mongy, compagnon du boulevard pendant plus d’un siècle

Au début du XXe siècle on appelle l’agglomération lilloise les « Trois Villes », en référence aux plus grosses d’entre elles, Lille Roubaix et Tourcoing.  Avec la révolution industrielle, des industries textiles et sidérurgiques s’y étaient développées. 

Malgré une âpre concurrence pour s’emparer du leadership de la métropole, les échanges commerciaux entre ces trois agglomérations vont se développer autant que le permettaient des routes d’un autre âge. La mobilité des biens, des marchandises et des personnes était un facteur de développement, parfaitement identifié par les élus. Dans les années 1880, la compagnie historique des Tramways du Nord prolonge sa ligne F (à traction hippomobile puis à vapeur) du Pont du Lion d’Or, aux confins de Lille, jusqu’à Roubaix.

En 1903, la voie est électrifiée, réduisant encore la durée du trajet. Depuis les années 1880, les élus lillois caressaient l’idée de relier les trois villes par le trajet le plus direct et le plus rapide. Cela permettrait de diviser par deux la durée du voyage. En 1904, la mairie de Lille change de majorité. Le nouveau maire, Charles Delesalle, est un industriel du textile.  Depuis les années 1890, des membres du nouveau conseil municipal lillois spéculaient sur les terrains agricoles situés sur le trajet de la future liaison.  Convaincre les maires de Roubaix et de Tourcoing de l’utilité de l’équipement ne fut pas facile. Mais cela fut fait !  

Roubaix - Grand Boulevard
Plan en coupe du Grand-Boulevard.
Râches - Roubaix
Le grand boulevard Lille-Roubaix-Tourcoing aux alentours de 1910

Le « Grand-Boulevard » fut inauguré le 4 décembre 1909.  C’était une réalisation futuriste. Long de 14 kilomètres et large de 50 mètres, on le surnommait les « Champs Élysées du Nord ». Il accueillait deux trottoirs pour les piétons, deux voies routières pour les lourdes voitures, une double chaussée pour les automobiles et les véhicules hippomobiles légers, deux promenade piétons, une piste cyclable et une autre pour les chevaux et leurs cavaliers et, bien entendu, deux rails pour accueillir cette merveille de la modernité : le tramway électrique !

En 1912, c’est cette réalisation du Grand Boulevard qui va représenter la France au Congrès international de la route de Londres. Pour cette nouvelle ligne de tramway, la compagnie historique, la Compagnie des Tramways Electriques de Lille et de sa Banlieue (TELB) est supplantée par la Compagnie Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing (ELRT) qui obtient la nouvelle concession. 

A l’entrée de Lille, au niveau du bureau d’octroi

A sa tête se trouve Alfred Mongy. C’est l’ancien chef du Service des études de la ville de Lille !  C’est un ingénieur remarquable qui a supervisé tous les grands projets antérieurs de la capitale des Flandres. Il fait l’acquisition de grandes « motrices bien chauffées » confortables et rapides.  Les Lillois vont baptiser ces rames de couleur crème et d’un style nouveau du nom de leur propriétaire, « le Mongy ». Cette ligne est plébiscitée par le public pour les liaisons directes tandis que les lignes F et J restent utilisées pour les dessertes locales. Pour rétablir une forme de concurrence la TELB va créer des trains directs par l’ancien itinéraire.  

La ligne directe (F) au départ de Lille pendant l’Exposition universelle de Roubaix.

En 1914, deux évènement funestes surviennent : le décès d’Alfred Mongy et la prise de Lille par les Allemands.  Pendant les quatre années d’Occupation qui vont suivre, ce réseau du Mongy va être un cadeau du ciel pour l’armée allemande qui occupe Lille, Roubaix et Tourcoing. Elles constituent les bases arrières du front de l‘Ouest. En 1918, avant de battre en retraite, les Occupants sabotent toutes les installations du tramway.

Après-Guerre, il faudra beaucoup de temps pour reconstruire.  À partir de 1933, un ennemi redoutable du transport par voie ferrée fait son apparition. Il s’agit des autobus de la Compagnie Générale Industrielle de Transports (CGIT). Il est désormais devenu facile de fabriquer de puissants moteurs thermiques. L’absence de frais d’infrastructure est un avantage pour les compagnies de bus qui se contentent d’emprunter la voirie existante, financée par la collectivité locale. L’autobus progresse. Le réseau ferré des tramways va s’étioler dans une longue agonie. Il est victime du lobby routier et de la complaisance des décideurs politiques.

Le dernier tramway lillois (le B) va effectuer son dernier voyage le 29 janvier 1966. Le dernier ? Pas tout à fait ! Car le Mongy survit à cette Saint Barthélémy des tramways. Il a été sauvé par la configuration du Grand – Boulevard qui lui a dédié une double voie séparée du reste de la circulation et par la fonction résidentielle de l’avenue qui garantit une importante clientèle captive au vieux Mongy d’Alfred ! D’importants changements d’aménagements et d’organisation vont avoir lieu au cours des décennies suivantes. Le matériel roulant sera changé. On fera l’acquisition de motrices allemandes ou de rames italiennes parfois rachetées à des réseaux d’autre villes européennes.

Le réseau actuel qui date des années 1990 est constitué de Breda VLC (Breda Costruzioni Ferroviare). Les rames ont été rénovées et modernisées dans les années 2010. La Métropole européenne de Lille a lancé au début des années 2020 un nouveau marché pour faire face aux futurs besoins de cette ligne historique. Elle prévoit 60 000 voyageurs / jour en 2034. Le constructeur choisi est Alstom Citadis. La mise en service des nouvelles rames interviendra en 2026-2027.

Transpole a investi dans des rames modernes.

Le vieux tramway, d’Alfred a fait peau neuve de nombreuses fois. Il est installé dans la Métropole lilloise pour encore bien des années. Le tramway, si décrié par les politiques, les élites intellectuelles de la fin du XXe siècle est redevenu à la mode. Sur fond de réchauffement climatique et de thrombose urbaine provoquée par les véhicules automobiles, on est revenu aux fondamentaux des années 1870. Le tramway est un mode de transport économique, écologique, particulièrement adapté aux besoins des grands pôles urbains. Malgré tous ces bouleversements et le temps qui passe, les Lillois, les Tourquennois et les Roubaisiens continuent à appeler le tramway qui relie leurs trois villes, « Le Mongy ! »

Promenade sur le Grand-Boulevard

Histoire et histoires du Grand-Boulevard entre Lille, Roubaix et Tourcoing

L’ Ch’Min d’Fier Américain

https://fresques.ina.fr/mel/fiche-media/Lillem00072/l-qu-min-d-fier-americain.html