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Tramways lillois, la traction électrique

Le tramway à Lille

La « Fée électricité », comme on disait autour des années 1900, était censée rendre le monde meilleur. Elle a surtout permis de développer des tramways plus rapides dans une ville où les déplacements urbains étaient devenus de plus en plus longs.

A la fin du XIXe siècle, la Compagnie des Tramways du Nord, qui a développé à Lille un réseau hippomobile, puis opté pour la traction à vapeur, entend suivre l’évolution du progrès. En 1897, elle propose un projet de modernisation de son réseau par le moyen de la traction électrique.

Différentes options sont sur la table. Elles sont l’occasion de débats et de polémiques. Le fil aérien est très efficace mais peu esthétique dans ce centre-ville chargé d’Histoire. Les autres solutions : plots, caniveau, batteries ont d’autres inconvénients. Un premier projet de 13 lignes mixtes (fil aérien et accumulateurs) est étudié. Des essais de rames à accumulateurs sont mis en place. Leurs résultats ne sont guère probants.

Pourtant, le 2 août 1900 on décide de tirer un trait sur la vapeur et les chevaux et de les remplacer par la traction électrique. Le système est mixte suivant le trajet (fils électriques et plots). Cette révolution ne se fait pas sans frais. Tout le matériel roulant existant est déclaré obsolète.  Cela demande un investissement considérable. Il est demandé à la CTN, de manière expresse, de faire en sorte que ce nouveau matériel soit « commandé à l’industrie française… » une bien curieuse recommandation, à notre époque. Elle choquerait aujourd’hui les politiques et les commentateurs zélés de l’actualité et leurs patrons.

On investit des sommes considérables dans de nouvelles voies et dans du nouveau matériel roulant. On fixe la longueur des trains à six voitures… 40 m maximum !  La vitesse en ville autorisée est augmentée.  Elle est portée à 12 km/heure tandis qu’à l’extérieur de l’agglomération on pourra adopter des allures de bolide : 25 km/heure. 

L’arrêt du tramway rue de Lille, à Croix

En plus des 13 lignes du projet initial, la Compagnie des Tramways du Département du Nord obtient la concession d’un « deuxième réseau. » Le maillage des lignes de tramway dans Lille et les villes périphériques commence à être significatif.  Le 20 mai 1901, la Compagnie des Tramways du Département du Nord devient la Compagnie des Tramways Electriques de Lille et de sa Banlieue (TELB).  Elle installe un peu plus de 6 km de réseau fonctionnant avec un caniveau souterrain électrifié et 12,5 km de voies alimentées par le fil aérien.

Le voyage inaugural aura lieu le dimanche 27 juin 1902 sur la ligne E ( façade de l’Esplanade–porte de Douai.)  Le réseau se développe rapidement :  60 km en 1902, 30 km en 1903. En 1904, le réseau lillois – 21 lignes ( de A à P ) – frôle les 100 kilomètres !  On construit une usine de production d’électricité – spécifique à la compagnie – sur l’emplacement des premières écuries (dépôt Vauban) tandis que les autres dépôts seront adaptés au nouveau matériel  ou reconstruits.  En parallèle aux réalisations de la TELB, la ville accorde une nouvelle concession pour deux lignes supplémentaires au banquier Ennemond Faye.  

Le conseil municipal est très satisfait de voir s’établir une forme de concurrence sur son territoire.  Mais, le banquier a des problèmes de finance. Il est contraint de céder à la TELB ses droits de concession. 

Le Mongy à la traversée des fortifications de Lille

C’est alors qu’apparaît dans le paysage de la traction électrique lilloise un nouveau personnage : Alfred Mongy.  À dire vrai, il est tout sauf un inconnu ! C’est l’ancien chef du Service des études de la ville de Lille !  0mniprésent, omnipotent, il a dirigé d’une main de fer les travaux de transformation et de modernisation de la ville de même que l’étude des lignes initiale de tramway.  

Lorsque, pour la première fois, un maire socialiste, Gustave Delory, devient le locataire du Beffroi, Alfred Mongy démissionne.  Les idées de Gustave et d’Alfred en matière de politique sont incompatibles.  Alfred Mongy, outre la ligne Lille-Roubaix Tourcoing – que nous développerons plus loin – propose plusieurs réalisations dont il finit par rétrocéder ses droits à la Compagnie Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing, qu’il vient de créer. 

À partir de 1906, les lignes complémentaires vont entrer en service. Le 31 décembre 1906 le réseau métropolitain atteint une longueur totale de 97,293 km et cinq ans plus tard, 102, 7 km ! La Compagnie,c’est désormais près de 1200 agents répartis dans les diverses spécialités. Elle possède plus de 200 motrices de type 500, 600, 800 et 900. Si la fabrication du matériel roulant a bien été confié à des « entreprises françaises », suivant l’accord initial, elles sont toutes la propriété du baron Empain, un belge riche et influent.

Quelques mauvaises langues, critiques du Beffroi, trouvent contestable la qualité de fabrication du matériel lillois, et en attribuent la cause à des élus complaisants. Certains matériels commandés en 1907 (notamment les motrices de la série 900 de la ligne F ) et qui présentaient de lourds défauts, n’avaient toujours pas été modifiés en 1914, date où l’Allemagne s’est emparée de la ville.  En ce début de siècle, l’esprit de l’Europe soufflait déjà sur la capitale des Flandres. 

Le tramway pendant l’occupation allemande en 1914

De 1914 à 1918, dans Lille occupée, le réseau ne connaîtra aucune amélioration. Lors de la débâcle, l’armée allemande va saboter la plupart des installations et des ouvrages d’art liés à la circulation des tramways. La Compagnie va évaluer les dégâts commis à plus de 30 millions de Francs de l’époque. Après-guerre, il faudra une période importante, pour que le réseau retrouve une certaine efficacité.

L’électrification du réseau a amélioré le confort, la vitesse et la fréquence des rames. Le tramway électrique lillois est aussi marqué, à cette époque, par la concurrence féroce entre la TELB, la compagnie historique possédant la concession de la majorité des lignes et L’Electrique Lille-Roubaix-Tourcoing (ELRT) fondée par Alfred Mongy. Les rames de cette dernière sont plus confortables, plus rapides mais plus chères. Le Lillois de l’époque appelle ce tramway, le Mongy, du nom de son créateur.

Dès 1926, le vieux réseau est modernisé. On supprime le contact par « le caniveau » au profit du « fil aérien ». Pour les motrices, on fait du neuf avec du vieux. Le matériel modifié est loin de la fiabilité souhaitable. En 1933, apparaît sur la place de Lille un nouvel ennemi : l’autobus. Il est développé par la Compagnie Générale Industrielle des Transports. L’avantage du rail qui permettait de mettre en branle des convois imposants avec des moteurs de faible puissance est désormais gommé par les progrès des puissants moteurs thermiques.  

Le bus à Lille en 1940

L’absence de frais d’infrastructure est un avantage pour la compagnie de bus qui se contente d’emprunter la voirie existante, financée par la collectivité locale. L’autobus progresse. Le tramway régresse.

La bataille de Lille (mai 1940) et la seconde Occupation (de 1940 à 1944) vont contribuer aux difficultés du réseau des tramways. En décembre 1955, arrive à la fin de la concession municipale. La TELB jette l’éponge au profit de la CGIT, la première à avoir introduit l’autobus, à Lille. Le réseau ferré s’étiole, année après année.

A l’inverse d’autre grandes villes européennes où le tramway est considéré comme un moteur du développement de la ville et un auxiliaire de l’économie locale, à Lille, le tramway est décrit par la presse et les décideurs comme un système archaïque dont il est urgent de se débarrasser pour laisser place aux automobiles, aux autobus et aux piétons. 

Le tramway B en 1966 à Lille

Ainsi, le 29 janvier 1966, le tramway B dernier survivant d’une époque révolue, effectue-t-il son dernier voyage. Plus tard, quelques suivants se mordront les doigts devant une telle décision, mais on ne peut pas réécrire l’Histoire !

Bibliographie : Au Fil des Trams, Claude Gay

En forme de suite :

Préface d’Alain Decaux du livre de Claude Gay sur l’Histoire des tramways de Lille, « Au fil des Trams »