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Le Palais des Beaux-Arts de Lille depuis 1892

Le Palais des Beaux-Arts, a été construit dans la continuité du musée abrité au sein de l’Hôtel de Ville. Les deux bâtiments, proches, vont cohabiter de manière complémentaire jusqu’en 1916. En même temps, ce nouveau Palais des Beaux-Arts s’inscrit dans l’ambition lilloise de l’époque de demeurer la capitale de la puissante métropole des « Trois villes ».
Finalement, le musée lillois, le « Musée de Province », le plus grand en France depuis la Révolution, va être victime de son succès. Les politiques volontaristes – quoi que pas toujours orthodoxes – de ses différents conservateurs, vont faire des collections lilloises un patrimoine remarquable. L’étage de l’Hôtel de Ville, réservé aux collections de peintures est insuffisant pour tirer le meilleur parti de ce potentiel.

En 1881, le maire de Lille de l’époque, Géry Legrand, journaliste à la ville, envisage la construction d’un palais monumental à la hauteur des collections de son musée et des ambitions de sa ville. En cette fin du XIXe siècle, Lille défend bec et ongles son statut de capitale de la grande métropole régionale. L’emplacement du futur musée est tout trouvé avec la mise à bas de l’ancien rempart. L’ex-faubourg-Sud est en plein aménagement. La zone la plus proche du centre est la plus prisée.
La ville trouve l’emplacement idéal :
Une parcelle immense et bien située, place de la République, face à la préfecture du Nord. Pour financer son projet pharaonique, monsieur le Maire a une idée, compatible avec les intérêts financiers de ses administrés. Il organise une grande loterie. Il fait imprimer cinq millions de billets à un franc. Mais au final, au lieu des cinq millions escomptés, la ville ne récolte que deux millions et huit-cent mille francs Il va falloir revoir à la baisse les ambitions du bâtiment. Un appel à projet est lancé pour une somme de deux millions cinq cent mille francs. Quatre-vingt-deux projets parviennent au Beffroi. Il n’en retient que cinq. Le travail qui sera choisi au final sera celui de deux architectes parisiens, Edouard Bérard et Fernand Delmas.

Notons que celui de la gloire locale, Louis-Marie Cordonnier, a été laissé de côté. Le chantier commence en 1885. Mais il se révèle bien plus coûteux que prévu. L’argent manque. Les travaux prennent du retard. Le musée ne sera terminé qu’en 1892 sur une surface d’un peu plus la moitié de celle du projet initial. Côté place de la République, face à la préfecture, le bâtiment a fière allure, tandis qu’à l’arrière, à part la grille de clôture, il n’y a rien. Le Palais des Beaux-Arts est inauguré le 6 mars 1892 en présence de 600 invités.

L’après-midi, le public découvre cet endroit tant attendu avec ses vastes salles, lumineuses, idéales pour exposer les trésors lillois. On a transféré depuis l’Hôtel de Ville les grandes sculptures et la collection de peinture. En regard d’évènements dramatiques qui vont se produire plus tard, c’est une grande chance pour la pérennité de ce trésor témoin du génie des siècles écoulés. L’Echo du Nord, le journal le plus lu dans la métropole, pavoise : « Nulle part en France, même à Paris, statues, bustes ou groupes ne sont aussi grandement logés, ni mieux mis en valeur.»

C’est Auguste Herlin, qui, à cette époque remplit les fonctions de conservateur. Il assure le déménagement. Mais, il est déjà âgé. Il prendra sa retraite au bout de quelques mois. Eugène Deully ne prendra la suite qu’en 1897, poste qu’il occupera jusqu’en 1912. Le bâtiment est vaste et lumineux mais, à l’usage, Insuffisamment chauffé et ventilé. Il est situé sur une zone au sous-sol humide. Il s’avère peu adapté à la conservation des collections, surtout en période hivernale. Les architectes dont le budget est limité ont négligé le contexte hygrométrique défavorable de cette parcelle qui fut, au moyen-âge, une zone marécageuse. Dès 1894, le département des dessins est fermé. En 1895, la mesure est étendue à l’ensemble des collections.
L’Histoire de ce Palais des Beaux-Arts jusqu’à une actualité récente va être émaillée d’opérations de sécurisation du bâtiment et de rénovations des salles d’exposition. De 1896 à 1898 puis de 1918 à 1924 le Palais sera fermé pour des travaux d’ampleur sans que le problème récurrent de l’eau qui s’infiltre ne soit complètement résolu. De 1933 à 1935 la cour intérieure va être couverte pour en faire cet immense atrium que l’on connaît toujours aujourd’hui.

Il a été rénové dans les années 1990.
La façade Est par a été remplacée par une audacieuse baie vitrée. La restauration des œuvres mises en péril par l’humidité coûte cher. Entre 1990 à 1996 le budget de restauration du musée s’élève à douze millions de francs. En 1987, l’Etat renoue avec sa politique de donations décentralisées du temps de la Révolution. Il offre au Palais une collection incomparable – 19 originaux et 7 copies – de plans-reliefs, créés pour un usage militaire au XVIIIe siècle. Ils représentent les villes du Nord, du Pas-de-Calais et de la Belgique. Certains prétendent que cela n’a été rendu possible grâce au maire de Lille de l’époque, Pierre Mauroy, qui fut le premier ministre de François Mitterrand.

La richesse de ce nouveau patrimoine lillois, désormais à l’étroit dans les murs du vieux bâtiment, les problèmes structurels de l’édifice sensible aux infiltrations des eaux poussent la Ville, soutenue par la Région et l’Etat, à entreprendre des travaux d’ampleur. En 1989, on lance un concours d’architecture. Les heureux élus seront Jean Marc Ibos et Myrto Vitart, deux architectes de réputation internationale. Comme on ne peut pas repousser les murs, ils ont l’idée pour gagner de la place de creuser sous le musée et notamment sous l’atrium. Ce vaste sous-sol ainsi créé va permettre d’y loger les volumineux plans-reliefs. L’énorme structure sous-terraine en béton va en outre contribuer à l’étanchéité de l’édifice.

A l’arrière du musée un bâtiment longiligne de verre et d’acier, fonctionne comme un miroir. On va pouvoir y loger les services administratifs et annexes, augmentant ainsi les surfaces dédiées aux expositions. Sous la cour intérieure, couverte de dalles de verre, une salle de 700 m2 dédiée aux expositions temporaires est créée. Ces travaux d’un montant de 220 millions de francs vont durer six ans. C’est Jacques Chirac, le président de la République, en personne, qui inaugure le bâtiment rénové. Sur plus de 22000 mètres carrés, dont 12000 de surface d’exposition, le musée abrite désormais, la seconde plus grande collection d’œuvres de France après celle du Louvre. C’est pour longtemps le plus grand des « musées de Province » créés à l’époque révolutionnaire.