Views: 35
Les musées lillois occupés et l’incendie de l’Hôtel-de-Ville 1914 – 1918
« Les portes de fer sont rouges. Je vais à nouveau à l’étage supérieur. La porte de fer s’est disloquée sous le feu. Par les fentes de celle-ci, les pompiers arrosent l’immense brasier formé par l’aile où est établie la Société des Sciences. Si on peut tenir ainsi, la bibliothèque sera sauvée. Il est environ deux heures du matin. »
Emile Théodore, conservateur en chef du Musée

L’occupation de Lille par l’Armée allemande (1914 – 1918) a été la période tous les dangers pour les musées lillois. L’épisode le plus dramatique fut l’incendie de l’Hôtel-de-Ville et de son musée, en avril 1916.
Le 12 Octobre 1914, malgré la résistance héroïque d’une poignée de soldats, Lille est prise par l’Armée allemande.
Va suivre une période d’Occupation de la ville qui va durer 1465 jours. Le 17 octobre 1918, les troupes britanniques libèrent enfin la capitale des Flandres. Pour les musées, ce sera une période de grande incertitude… une lutte quotidienne pour la survie. Depuis 1892, et l’ouverture du nouveau Palais des Beaux-Arts, le musée est éclaté dans deux lieux différents : le nouveau bâtiment et une partie de l’Hôtel-de-Ville. Le conservateur de l’époque – nommé en 1912, s’appelle Emile Théodore.

Comme ses prédécesseurs, il est peintre, passionné par la fonction et très mal rétribué. Dans l’adversité des bombardements, des catastrophes successives, des tentatives de spoliation des collections lilloises, il va forcer l’admiration des Lillois pour son courage et son opiniâtreté à résister à l’Occupant.
Il va tenir une sorte de journal, « Éphémérides des musées du Palais des Beaux-Arts de Lille, pendant la Guerre », un témoignage précieux sur les musées Lillois pendant l’Occupation. Du 5 au 10 octobre, avec le personnel, il va s’attacher à transporter les œuvres des musées dans des endroits moins exposés. Le 12 octobre, il note sobrement : « Bombardements pendant toute la journée. Vers 17 heures l’armée allemande entre en ville. » Le nouveau musée a reçu plus de 70 obus qui y font des « dégâts considérables et immenses ». Des pierres des façades se sont détachées. Il ne reste plus rien des vitres ni des toitures. Sans argent et sans personnel pour réparer, l’édifice est dans la plus grande précarité.

Ce ne sont pas les seuls dangers qui menacent les collections. Le 17 octobre, Emile Théodore note : « Vol de médailles et miniatures dans les Musées avec menaces de mort à l’adresse du Conservateur par deux officiers et deux gendarmes allemands ». Avec la mauvaise saison, les trous de la toiture mettent en danger les collections : « 21 novembre : l’eau tombant des combles, gelée, forme d’énormes stalactites de glace aux plafond de la salle III. Les conduites d’eau des combles sont crevées. Situation déplorable des salles du Musée de Peinture ouvertes à tout vent ».
Le Conservateur sillonne la ville à la recherche de bâches pour protéger les toits.
Il emballe sous papier goudronné les œuvres les plus précieuses pour les protéger de l’humidité mais pas toutes : « 15 décembre : Enlèvement du tableau de Piazetta par les Allemands, manu militari ».Le 11 janvier 1916 l’explosion du bastion des Dix-Huit-Ponts, un dépôt de munitions allemand, ravage tout le sud de la ville. « Toitures provisoires, fermetures des fenêtres béantes à l’aide de planches et de papier toilé sont anéantis », note Emile Théodore. Jusqu’au départ des allemands en 1918, les nombreux pillages, spoliations et enlèvements des tableaux par la force armée seront documentés dans ce Journal du Conservateur. Mais, l’évènement le plus funeste pour les musées lillois devait survenir le 23 avril 1916.

Un incendie se déclare dans la « Galerie du Maire », l’une des ailes de l’Hôtel-de-Ville.
Le téléphone est coupé, la pression de l’eau très basse, les abords sont très encombrés, les secours arrivent très tard. Malgré les efforts des pompiers lillois, le feu alimenté par des montagnes de documents entassés depuis des siècles, se propage de proche en proche dans les trois autres ailes du bâtiment.
Le Conservateur se démène pour charger sur une charrette tout ce qui peut être sauvé. Seule la salle du conclave et les services financiers seront épargnés. Toutes les archives municipales du XIXème siècle, ainsi qu’une partie des collections de la bibliothèque municipale sont détruites. Sur les 185 000 volumes de la bibliothèque, 120 000 livres dont des manuscrits et incunables pourront être hébergés par l’université. Emile Théodore, jusqu’au bout, fera l’aller-retour, franchissant les grilles rougies par le feu de l’Hôtel-de-Ville.
Il sauvera ainsi quelques œuvres d’Art encore accessibles.
Sa seule consolation, c’est que pertes auraient pu être plus importantes encore. En 1892 les collections publiques de peinture et d’art de Lille avaient été transférées au nouveau Palais des Beaux-arts. Paul Destombes, mémorialiste de l’époque, écrit à propos de cet épisode funeste : « Le vent d’ouest a emporté les débris de papiers de l’état civil. La bibliothèque de très grande valeur n’existe plus, et une importante collection de tableaux et portraits des maires de Lille a disparu dans les flammes ».

En 1916, une autre catastrophe :
http://blog.prophoto.fr/11-janvier-1916-quartier-moulins-lille-lexplosion-des-dix-huit-ponts/