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Au temps de la Compagnie des chemins de fer du Nord
Les Ateliers furent implantés dans le Nord, il y a 145 ans, pour fabriquer et réparer du matériel ferroviaire. Ils accompagnaient l’effort de la Compagnie, développant au nord de Paris un réseau ferroviaire moderne et performant, qui servit de modèle aux autres compagnies françaises.
La Compagnie des chemins de fer du Nord a été créée en 1845 par trois investisseurs dont on retient surtout le nom du banquier, James de Rothschild. Dans cette deuxième moitié du XIXe siècle, la Région du Nord devient un bassin d’emploi de premier plan pour le textile, la sidérurgie et l’industrie minière. Cette révolution industrielle appelle la naissance d’un vaste réseau ferroviaire. La première réalisation de la Compagnie est la ligne Paris- Lille inaugurée en 1846. Bientôt à partir de de Lille, on peut aussi rejoindre, Dunkerque, Londres, Bruxelles ainsi que la Normandie.
Au début des années 1870, la construction d’un atelier de grande ampleur pour fabriquer et réparer le matériel ferroviaire devient une nécessité « En 1873, Le Comité de Direction décida la construction d’un grand atelier pour les deux services – de la Traction et du Matériel roulant – sur un terrain de 18 hectares, distant d’un kilomètre et demi de la gare et des ateliers existants à Fives », note l’ingénieur de la compagnie, Ferdinand Mathias, qui fut à l’origine de ce projet d’atelier. Le nouvel équipement se compose d’un complexe dédié aux « voitures et wagons » et d’un autre à la « traction ». Toute l’infrastructure nécessaire : bureaux, logements, magasins… et même une usine à gaz, va être intégrée dans ce parc ferroviaire. Les Ateliers sont une véritable petite ville dans la ville. Ils emploieront jusqu’à 4000 ouvriers. Dès 1878, 120 locomotives y faisaient déjà escale pour être entretenues ou réparées. Cet outil de travail sera modernisé au fil de l’avancée des techniques. En 1914, on dénombre à Hellemmes, vingt-trois feux de forge, trois marteaux pilons de 700 kg à 2,5 t, et de nombreux postes de soudure pour la réparation rapide des fissures et cassures des pièces métalliques. Existaient également une fonderie du cuivre et une autre pour la fonte permettant de produire en série des éléments en bronze et du matériel pour la confection des moules.
Si cet équipement était idéal pour la maintenance du matériel ferroviaire, il pouvait aussi convenir pour celle d’un parc d’artillerie. C’est ainsi que pendant la guerre de 1914 – 1918, les Ateliers vont être investis par l’armée allemande qui les réoriente vers la maintenance de son artillerie. Les soldats du 121e bataillon d’armement, attachés à la VIe armée bavaroise, qui tient le front de l’Ouest, vont y passer quatre ans à réparer canon, mortiers, et matériel militaire de campagne tels que les cantines roulantes. C’est dans cet atelier que vont être fondues les cloches en bronze des églises de Lille et de sa banlieue confisquées en 1917 et en particulier celles de l’église de Saint-Denis d’Hellemmes, toute proche. En 1916 et en 1917, les installations industrielles qui ne sont pas directement utiles aux Bavarois sont démontées pour être revendues en Belgique et en Allemagne. En octobre 1918, avant son départ, l’occupant parachève le travail en dynamitant ce qui reste. Après-guerre, il faudra plusieurs années pour reconstituer l’équipement et les Ateliers ne refonctionneront qu’en 1923. Ils seront ensuite modernisés de telle sorte qu’ils resteront un outil performant lorsque, en 1938, la Compagnie des chemins de fer du Nord passe la main et ses Ateliers à la SNCF.
Dans le berceau historique, un concept du futur au service du matériel ferroviaire
Loin de l’image majoritairement véhiculée, la SNCF innove pour répondre aux défis des avancées technologiques et de la concurrence. Le technicentre d’Hellemmes, le plus grand de la Compagnie nationale, en est un exemple significatif. Reconstruit et réorganisé selon des principes à la pointe du progrès, il espère accueillir son premier TGV à partir du 1er septembre 2019.
Sur la période 2013 – 2023, la SNCF a engagé un vaste plan de modernisation de ses 10 technicentres industriels, ce qui représente 360 millions d’ €. Pour le seul centre d’Hellemmes, elle aura dépensé à la fin de l’année, 57,2 millions d’ € d’investissement. Franck Gherbi, le maire de la commune d’Hellemmes, s’en réjouit : « Il existe une véritable histoire émotionnelle entre cet atelier et cette ville qui s’est déroulée sur plusieurs générations », explique-t-il. « Ce site SNCF est le plus gros employeur de la commune et les travaux engagés vont permettre qu’il se pérennise et génère des emplois pendant plusieurs décennies. C’est une excellente nouvelle pour nous ! »
Jean-Paul Gomaris, le nouveau directeur du technicentre nordiste, vient de Rennes où il a présidé à la modernisation de son homologue breton, désormais opérationnel. Malgré ce changement de région, il est loin d’être en terre inconnue. « Nous sommes en train de remodeler presque totalement ce site suivant des principes déjà en place dans les centres rénovés, de telle sorte qu’il puisse accueillir le matériel en maintenance en utilisant de nouvelles méthodes de production, plus innovantes et plus rationnelles », souligne-t-il. «Les temps de production seront en moyenne réduits de 18 %. Les bâtiments passeront de 47 000 m² à 26 300 m². Ils seront plus ramassés et plus efficaces. Il n’y aura plus de fosses ni de rails, mais des « movers » pilotés par géolocalisation : des chariots électriques qui déplaceront les rames tandis que des robots apporteront automatiquement les pièces. » Le bâtiment de l’atelier 57 sera surmonté de panneaux solaires, ce qui lui permettra une autosuffisance en terme d’énergie électrique.
Ce nouveau centre sera le modèle de l’usine du futur. Il permettra à effectif constant – environ 1000 agents – de poursuivre ses missions traditionnelles : la rénovation des trains à grande vitesse ; la réparation des pièces, la modernisation ou la transformation de toute la partie électrique, électronique et informatique. Dans le nouveau centre on pourra aussi accueillir pour les rénover – ce qui n’est pas le cas pour l’instant – les trains TER ou Transiliens. « Dès le mois de septembre de cette année, nous serons prêts », conclut Jean-Paul Gomaris.