Views: 27
Jeanne Parmentier, un destin transformé par la Guerre
Jeanne Parmentier va s’engager dans la Résistance deux fois. La première en 1914, dans le Nord occupé par l’armée allemande. La seconde, en 1940 dans la France envahie par les troupes d’Hitler.
Jeanne, née Brouet, voit le jour à Bavay (59) en décembre 1897. Lorsqu’en 1914, la guerre éclate, elle a 17 ans. Elle rejoint le réseau de résistance dirigé par Louise de Bettignies qui recueille des informations sur l’armée occupante au profit de l’Angleterre. Elle connaît la forêt de Mormal comme sa poche et son aide est très précieuse pour transporter les messages ou guider les membres du réseau à travers ce territoire de l’Avesnois, occupé. Elle est aussi membre du réseau Louise Thuiliez, pour lequel elle guide des soldats – anglais notamment – afin qu’ils puissent s’évader et rejoindre, via la Belgique, les ports hollandais. C’est pourquoi, à l’issue de la guerre, elle reçoit la Médaille 1914-1918 de la reconnaissance britannique et la Médaille des Passeurs, française.
En 1916, elle épouse Emile Parmentier, modeleur mécanicien sur bois, dont le métier est de sculpter le profil des prototypes des nouvelles automobiles. L’état-civil mentionne qu’elle est « ménagère »…c’est à dire « sans profession ». Le couple va avoir trois enfants : deux garçons et une fille.Jeanne aurait pu mener une vie tranquille de mère de famille si la Guerre, à nouveau, ne s’était invitée dans sa vie. A la fin des années 1930, elle habite la région lilloise. Emile a été embauché par les usines Peugeot, à la lisière des communes de Fives et de Mons-en-Barœul. Jeanne obtient la gérance du « Café de la Mairie », un établissement appartenant à la Brasserie Coopérative de Mons-en-Barœul, situé en plein centre-ville. C’est très pratique pour accueillir le repas de mariage de sa fille, Lily qui, en 1939, épouse Lucien Glück, coureur professionnel, champion de France cycliste de poursuite. En mai 1940, le vieil ennemi de la guerre 1914-1918 est de retour
Le 28 mai 1940, l’aviation allemande bombarde le quartier du Café de la Mairie, pourtant sans aucun intérêt stratégique. La poste voisine est endommagée tandis que le café d’en face du carrefour Franklin est soufflé, entraînant la mort de sa patronne. Le 31 mai, après un siège héroïque, Lille est investie par l’armée allemande. Entre les soldats de l’armée française, enfermés dans les grands équipements qui s’évadent, ceux qui s’échappent des trains en route vers l’Allemagne, profitant d’un ralentissement au niveau du pont du Lion d’Or et les soldats anglais qui n’ont pu embarquer à Dunkerque, il y a beaucoup à faire. Jeanne reprend du service. Elle participe à l’hébergement et au ravitaillement des soldats clandestins. Le café de la Mairie, surnommé « la Baraque » devient une sorte de centre de transit des militaires en cavale. Jeanne rejoint différents réseaux de résistance, le BOA (bureau des Opérations Aériennes), réseau de contre-espionnage du Capitaine Lheureux où elle travaille à la circulation des armes et des informations à destination de Londres. Le 1er avril 1941 Natalis Dumez (Démocrate-chrétien) et Jules Noutour (Socialiste) fondent un journal clandestin, « La Voix du Nord »,organe d’un nouveau mouvement de résistance.
Natalis Dumez qui, dès le début de l’Occupation, avait eu un rôle actif, notamment en faisant évader des soldats prisonniers dans l’enceinte de la Foire commerciale de Lille, pense à Jeanne Parmentier pour l’aider dans cette aventure. Dès le premier numéro du journal, Jeanne va contribuer à sa confection, tandis que sa fille, Lily, secrétaire de formation, va dactylographier les premiers exemplaires. Certaines éditions à partir du numéro 13 seront même imprimées dans le grenier du café de la Mairie. Jeanne Parmentier est devenue la cheffe du secteur de Mons-en-Barœul pour la répartition et la distribution du journal comme pour la collecte des renseignements et la circulation des armes. Les activités du café de la Mairie et de sa patronne attirent l’attention de la police allemande. Se sentant surveillée, Jeanne déménage à Lille, dans un appartement discret de la rue Masséna. Elle a confié les affaires courantes à l’un de ses lieutenants, Henri Prévost, mais continue, depuis Lille, à diriger le « Réseau de Mons ». Dans son logement de la rue Masséna elle héberge les réunions du Comité directeur du mouvement « Voix du Nord » dont elle fait partie. Mais la Gestapo, la police politique allemande, est très active. Natalis Dumez est arrêté en septembre 1942 et Jules Noutour en septembre 1943, C’est aussi le sort de Jeanne Parmentier, le 8 septembre. La Sureté allemande aux armées fait irruption dans le petit appartement de la rue Masséna. Jeanne est torturée pendant plusieurs jours au siège de la SIPO de la Madeleine, puis dirigée vers la prison de Loos, lieu de transit des prisonniers de l’Allemagne. Elle va faire partie de l’un des trois convois de déportation vers les Camps de la Mort de janvier 1944 (4, 12 et 27 janvier). Jeanne part avec le dernier convoi : 39 hommes et 5 femmes.
Ce transfert se fait dans le cadre de la procédure « Nacht und Nebel » (NN- Nuit et Brouillard) qui concerne les prisonniers qu’il convient – selon l’Allemagne – d’effacer de la surface de la Terre. Sans aucun jugement, la prisonnière sera transférée au camp de concentration de Ravensbrück, à 80 km au nord de Berlin. Elle nouera des relations amicales avec d’autres prisonnières, résistantes comme elle : Geneviève Anthonioz de Gaulle, Germaine Tillon, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Martha Desrumeaux. Cette amitié ne se démentira jamais tout le reste de leurs existences. L’étau des armées américaines et soviétiques se resserrant sur l’Allemagne, les prisonniers du camp de Ravensbrück sont transférés vers des endroits plus sûrs. En mars 1945 jeanne Parmentier est acheminée vers le camp d’extermination de Mauthausen, distant de 700 kilomètres, près de la ville de Linz.
Mais dans ce premier trimestre de l’année 1945, le rouleau compresseur des armées alliées est devenu fatal pour ce qui reste de l’Armée du IIIeme Reich. Bientôt Jeanne Parmentier est libérée. Le 30 avril 1944, la survivante des camps arrive gare de l’Est à Paris. C’est une sorte de revenante, émaciée, marquée par les conditions inhumaines des camps qui descend du train. Sa file, Lily, qui est venue l’accueillir a du mal à la reconnaître. Sur les 91 personnes qui avaient quitté la prison de Loos en janvier 1944, seules 26 reviendront vivantes.
Jeanne Parmentier ne réintégrera jamais le café de la Mairie. Elle deviendra la directrice du service social de la Voix du Nord, devenu un grand journal régional. Usée par la déportation, elle meurt prématurément le 18 août 1955 à Ollier (Puy de dôme) où elle encadre la colonie de vacances des enfants des personnels du journal. Elle avait 58 ans.