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80° anniversaire de la libération de la ville : une commémoration solennelle

La ville de Mons-en-Barœul a été libérée par la Résistance locale le 2 septembre 1944 : un jour avant les autres communes de la métropole. C’était il y a 80 ans.

80° anniversaire de la libération de la ville : Monument aux morts
Le dépôt de gerbe par Rudy Elegeest, maire et Claude Géry, président des Anciens Combattants

A Mons, en 1944, il y avait un groupe de plus de 200 FFI.

Il était issu du mouvement Voix du Nord, dirigé jusqu’à son arrestation en 1943, par Jeanne Parmentier. C’est lui qui, sans attendre l’arrivée des troupes alliées va libérer la ville. L’investissement de tous les bâtiments publics ou endroits-clés se fera dans le contexte d’une débâcle allemande, sans combat important. Pourtant l’un des membres de ces FFI, Adrien Vallez, 32 ans va trouver la mort dans cet épisode, fauché devant la Brasserie par une mitraillette allemande.

Durant cette période 1939 – 1945, de nombreux Monsois de tous âges, civils, militaires, résistants, déportés vont perdre la vie. Pour leur rendre hommage, leurs noms, lus par des membres du conseil municipal, de la société civile et des anciens combattants, ont été égrenés devant le monument aux morts. Le chanteur, Gilles Anquez a interprété « la Complainte du Partisan », créée dans ces années noires.

Dans son discours, le maire, Rudy Elegeest a rendu hommage à toutes ces femmes et ces hommes

qui se sont battus pour défendre nos libertés. Certains ont des noms de rues. D’autres sont restés anonymes. Certains sont nés dans d’autres villes, d’autres habitaient Mons. Un hommage particulier avec remise de la médaille de la ville était prévu pour la famille Wilson. Alexander, héros de la grande guerre était l’un des cadres du groupe FFI « Voix du Nord- Mouvement de Libération Nationale ». Il avait entraîné dans l’aventure son fils aîné, Charly.

Aujourd’hui, Charly a 97 ans.  Il est le dernier survivant de ces combattants de 1944. Il habite désormais Cagnes-sur-Mer. Pour lui, c’était un trop long voyage. Son jeune frère Alex devait prendre en son nom la médaille. Il vient de se casser le col du fémur. Quand il sera rétabli, une délégation du conseil municipal viendra lui remettre la décoration. 

Le discours du maire

Rudy Elegeest
Rudy Elegeest, maire de Mons-en-Baroeul

Les cérémonies qui nous rassemblent habituellement ici évoquent des événements de dimension nationale, et même supranationale.

Celle d’aujourd’hui a une tonalité bien plus locale : la libération de NOTRE ville même si celle-ci s’inscrit dans un mouvement d’ampleur : la libération progressive de notre pays depuis celle de Bayeux le 7 juin 1944 jusqu’à celle des villes et villages de l’Est en avril 1945 et même celles consécutives à la capitulation du IIIéme Reich de quelques « forteresses » solidement défendues par les troupes Allemandes : Dunkerque, Saint-Nazaire, Lorient…

Ces événements sont lointains – 80 ans –

mais ils appartiennent encore au vécu de nombre de nos grands aînés, ils étaient alors enfants mais n’en sont pas moins les témoins de ces jours qui ont tant marqués notre histoire contemporaine.

Les personnes de ma génération ont, quant à elles, grandi dans l’ombre portée de cette guerre à laquelle étaient attachés la jeunesse de leurs parents, l’âge mûr de leurs grands-parents. Les histoires de famille croisaient alors la grande Histoire.

Aujourd’hui encore, pour peu qu’on y prête attention, quand on parcourt les rues de notre ville, on fait un voyage à travers cette période qui va du traumatisme de la défaite de mai 40 jusqu’au terme du conflit sur le sol Européen.

Ainsi avons-nous à Mons une rue du 8 mai 1945.

Ainsi au travers de nos rues, aux frontons de nos édifices, avons-nous honorés :

       – ceux des responsables politiques d’alors qui, dans l’adversité, se sont comportés dignement, courageusement : Pierre Mendès-France, Léon Blum, Gabriel Péri, Jean Zay, Léo Lagrange,

       – ceux qui, sous l’uniforme de nos armées, se sont vaillamment battus : le lieutenant Marcel Pinchon, les généraux Leclerc et Juin, le maréchal De Lattre de Tassigny, le général De Gaulle, les soldats de l’armée Rhin & Danube,

       – ceux qui, s’exposant à tous les risques, ont résisté à l’occupant : Michael Trotobas alias Capitaine Michel, Henri Prévost, Henri Poissonnier, Jeanne Parmentier, Lucie Aubrac, Jean Moulin, les maquisards du Vercors,

       – celles qui, incarnent les millions de victimes de l’holocauste perpétré par le régime nazi, Anne Frank, et peut-être dans quelques mois, Simone Veil dont je souhaite, avec notre équipe municipale, que la place face à notre mairie puisse porter le nom.

A ces noms illustres, j’ajoute le numéro F 57 815, celui que portait James Venture,

résistant, dans le camp où il fut déporté et qui figure ici sur le socle de la flamme qu’il nous a légué,  

J’y associe les noms gravés dans la pierre comme inscrits dans la mémoire Monsoise, ici, sur ce monument ; ce sont ceux des victimes Monsoises de la seconde guerre mondiale qu’elles soient militaires, civiles ou issues des rangs de la résistance.

Dans quelques instants, nous ferons solennellement l’appel de leur nom, chacun d’eux renvoyant à une histoire singulière, personnelle qui se superpose à l’histoire de notre pays en temps de guerre, une guerre qui passa ici.

A la lecture de ces noms, nous tournerons ensemble les pages de notre histoire :

– celle des soldats Monsois tombés à l’Est lors de l’offensive Allemande du 10 mai 1940 dont le lieutenant Marcel Pinchon,

– celle de ceux qui se sont repliés jusqu’à la poche de Dunkerque et qui ne seront pas sauvés par les bateaux de l’opération Dynamo, 

– celle des civils Monsois fauchés sur les routes de l’évacuation ou de ceux, dont Raymonde Lamour (9ans) dont on retrouva les corps sous les décombres après le bombardement de 28 mai 1940 à quelques mètres d’ici,

– celle des prisonniers de guerre, qui succomberont des suites de blessures ou de maladie dans les stalags,

– celle des résistants qui participèrent au harcèlement des troupes d’occupation dont Adrien Vallet, tué d’une rafale de mitrailleuse devant la brasserie, le samedi 2 septembre 1944 jour de libération de la ville – sa stèle commémorative est là devant nous, parmi nous, 

– celle de ceux qui, dans les rangs de la France Libre, continuèrent plus loin, un combat qui leur fut fatal,

– celle des résistants déportés, des Kriegsgefangeners qui subiront leur éprouvante détention sans connaître la délivrance de leur camp par les troupes alliées en 1945.  

Pensons aussi à tous ceux, dont certains parmi nous aujourd’hui qui ont traversé cette période,

ceux ont qui ont surmonté ces épreuves et qui, longtemps encore, ont pu goûter à la paix de l’après-guerre.  A ce titre, je pourrais citer tous ceux qui figurent sur la photo illustrant l’invitation à cette cérémonie et qui regroupait en 1945, les anciens FFI, FTP de Mons là juste derrière ce monument.

Mais permettez-moi nous remettre en mémoire d’autres personnes qui ne sont pas sur cette photo mais dont la guerre a marqué la vie et dont la vie a aussi marqué la vie Monsoise. 

Henri Desphegel, simple soldat durant la drôle de guerre sur le front de l’Est,

il est fait prisonnier aux premières heures de l’offensive Allemande et passa cinq ans de captivité en Poméranie. Après un périple qui l’avait beaucoup choqué derrière les lignes Russes jusqu’au port d’Odessa, il ne fut de retour que fin 1945.  Il nous a accompagné ici, fidèlement, jusqu’à ses 101 ans. 

Évoquons également l’Abbé Oscar Rousseau, vicaire à la paroisse de Mons en Baroeul ;

mobilisé en 1939, fait prisonnier et rapatrié en mai 1941 pour raison médicale, il se lie alors très rapidement avec les mouvements de résistance, fait passer des messages cachés dans ses chaussettes, dissimule des produits explosifs, dérobe des cartes de pain à la mairie pour les nécessiteux, se montre assez ouvertement hostile à la collaboration, cache des juifs après la rafle du 11 septembre 1942.

Régulièrement, Oscar Rousseau descendait la côte Jeanne d’Arc de quelques centaines de mètres depuis son presbytère, pour aller partager un repas fraternel avec Alexander Wilson, et ses fils Charly et Alex. 

Alexander Wilson est un Écossais, pêcheur terre-neuvien des Highlands,

ancien combattant et blessé de guerre de 14-18.  Il épouse une Française Rufine, rencontrée à l’hôpital aux armées d’Abbeville et s’établit après-guerre à Mons en Baroeul. Presque naturellement, il s’engage dans la résistance lors de la deuxième guerre mondiale et entraîne dans cette périlleuse aventure son fils aîné Charly. Lorsqu’il sent les services de la Gestapo à ses trousses, il va trouver refuge auprès de son ami Oscar Rousseau qui lui évite ainsi l’arrestation. 

La famille Wilson est depuis restée à Mons,

au même endroit depuis plus d’un siècle et nous remettrons tout à l’heure la médaille de reconnaissance de la ville à un représentant de cette famille qui en fera part à Charly Wilson, 97 ans, demeurant à Cagnes-sur-Mer, dernier membre des FFI ayant participé à la libération de la ville le 2 septembre 1944.  Je suis sûr, que par la pensée, il partage avec nous, avec bien plus d’intensité encore que nous en sommes capables, ce moment anniversaire de commémoration.

Malgré les difficultés de tous ordres, pénurie, ravitaillement, destruction, chômage, ce commencement de la fin de la guerre, ce jour du 2 septembre et les jours suivants ont dû être pour les Monsois des moments de grand soulagement, d’immense joie. Ils ont dû applaudir à l’arrivée de l’avant-garde Anglaise.

J’imagine les drapeaux tricolores flottant fièrement à chaque fenêtre ; les véhicules bariolés des lettres FFI surchargés de combattants paradant dans la ville, les gens dehors, s’embrassant, trinquant à la victoire ; tard dans la nuit, on a du chanter à tue-tête dans les cafés, dans les amicales ; on reprenait certainement en chœur bras dessus, bras dessous « la vie en rose », « ça sent si bon la France », « qu’est-ce qu’on attend pour être heureux » et on l’était sans doute pleinement dans la ferveur de ce moment.

C’était, comme le dit la chanson, « la fleur du retour, du retour des beaux jours, pendant quatre ans dans (leurs) cœurs ; elle (avait) gardé ses couleurs, bleu, blanc, rouge ».

Oui, avec l’espoir retrouvé, elle avait fleuri sur le pavé de Mons

comme partout où les libérateurs passaient. Avec elle en boutonnière, ils pouvaient enfin de nouveau croire en l’avenir, et à force de travail et de détermination, l’avenir et ses trente glorieuses leur donna raison…

Tout cela est loin, c’était avant-hier, me direz-vous ! Ces événements ont-ils encore un écho aujourd’hui. Le passé enfante le futur, si les enfants sont bien différents de leurs parents, consciemment ou pas, entre les uns et les autres, se tressent des interactions qui font à la fois la continuité et l’indéterminisme de l’histoire en marche.

Bien des événements récents, procèdent indirectement de ce second conflit mondial. Quoiqu’on fasse, l’histoire laisse toujours des traces : sillons ou crevasses selon la volonté des hommes de se laisser emporter ou de surmonter leur passé. 

La famille Wilson : plus d’un siècle d’Histoire

Alexander Wilson
Alexander, le père jeune sous-officier en 1916

Rufine et Alexander Wilson s’installent à Mons en 1919.

Ils vont y fonder une famille. C’est le début d’une dynastie qui va marquer l’histoire de la commune. Au tout début des années 2010, j’ai commencé à écrire des textes pour le journal local. André Caudron, qui habitait pas si loin de l’avenue des Acacias, ou se trouvait la maison des Wilson était un ancien rédacteur en chef de différentes éditions, de Nord-Eclair puis de la Voix-du-Nord. Sa passion pour la « Locale », ne l’avait jamais quitté. Un jour il m’a dit : « Tu devrais t’intéresser à la famille Wilson. Le père, Alexander, était un soldat britannique, héros de la première Guerre mondiale. L’armistice signée, il est resté ici ». Puis, il a ajouté avec son humour particulier :

« C’est toujours avec les étrangers qu’on fait les meilleurs Français ! »

Effectivement Alexander Wilson, un jeune homme des Highlands écossaises, mousse sur un navire qui pratique la pêche à Terre-Neuve, va s’engager dans l’armée britannique. Il est précipité dans l’enfer de la Grande Guerre. Il connaît les batailles d’Ypres, de la Somme et d’Arras. Un beau jour de 1917, près du village de Souchez, dans le Pas-de-Calais, Il reçoit une balle en plein front. Par un hasard extraordinaire, celle-ci frappe le centre de l’insigne métallique de sa casquette de sous-officier. Cela va lui sauver la vie. Alexander va garder précieusement l’insigne déformé.  Il se trouve toujours à Banff, en Écosse, le berceau familial.

Sous l’effet du choc, le soldat restera sourd et aveugle pendant plusieurs mois.

Pendant sa période de convalescence, il va faire la connaissance de Rufine, une française qu’il va épouser. Alexander, n’en avait pas fini avec la guerre et l’envahisseur.

En 1940, la France est occupée par l’Armée allemande. Alexander reprend du service comme informateur de Londres et membre du réseau Voix du Nord. Il va entraîner dans cette aventure son fils aîné Charly qui aujourd’hui est le dernier survivant du réseau résistant. En 1944, la Gestapo vient l’arrêter mais Alexander n’est pas à la maison. Un voisin qui connaît son itinéraire le prévient du danger. Alexander, membre de la Paroisse Saint-Pierre, va trouver refuge au presbytère voisin caché par l’Abbé Oscar Rousseau. Bien qu’ayant de fort soupçons sur la personne qui l’avait dénoncé, il n’a jamais voulu lui rendre la pareille. 

Charly, le fils en uniforme FFI en 1944. Aujourd’hui il a 97 ans et est le dernier survivant du groupe qui a libéré Mons, il y a 80 ans.