Views: 0
Cette photographie a appartenu à Julien Herbin, soldat de 14-18.
La guerre terminée, il reçut pour mission d’enterrer les soldats français morts au combat lors de la bataille de Lorette. Nous sommes, après-guerre, au cimetière de la Targette, près d’Arras (7473 tombes et un ossuaire contenant 380 corps). On y regroupe les morts des batailles d’Artois… dépouilles exhumées du champ de bataille, soldats provisoirement enterrés dans les cimetières des villages proches. C’est un des plus grands cimetières français de la région, après celui de Notre-Dame de Lorette (19 000 croix et plus de 20 000 inconnus dans les ossuaires).
Beaucoup de ces soldats sont tombés pour la conquête de cette colline de Lorette (165 m), verrou stratégique et point d’observation, dominant l’Artois et le bassin minier. La bataille a fait plus de 100 000 victimes du côté français (et probablement au moins autant, du côté allemand). Elle a duré 12 mois (oct 1914 – oct 1915)
L’état-major allemand veut prendre Paris. C’est ainsi qu’il délaisse l’Artois, à sa portée. Mais la bataille de la Marne ne tourne pas à son avantage. L’hiver approche. Le temps est pluvieux. Les deux armées sont solidement campées dans des tranchées bien défendues. Les conditions d’une offensive victorieuse rapide ne sont plus au rendez-vous, à l’Est. Le nouvel objectif stratégique de l’armée allemande, en cette fin 1914, consiste à couper la route de la mer conduisant à l’Angleterre. Il faut s’emparer des ports belges et des ports français de Calais et Boulogne. Pour cela, Amiens et Arras doivent être conquises. Mais Arras est désormais défendue solidement sous le commandement du général Barbot. Il laissera sa vie dans les combats, mais la ville ne sera jamais prise. Fin septembre, l’ennemi est pourtant à deux doigts de réussir. À partir de Saint Laurent Blangy et Ficheux, dans la proche banlieue, il tient la ville en tenaille Il n’ira jamais plus loin. À partir du 2 octobre 1914, son offensive est brisée.
Le 5 octobre, des troupes bavaroises investissent le plateau de Notre-Dame-de-Lorette. Ils s’y installent solidement. Henri René (pseudonyme du commandant Laure, chef de la 3e division du 149e RI et qui a participé à tous les combats) écrit, le 1er novembre, dans « Une Bataille de 12 mois », 1916 : «Les espérances de l’infanterie se sont figées. La « course à la mer » se résolut par l’immobilisation de deux armées formidables, trop également parfaites dans leur organisation et dans leur obstination. Notre plateau de Lorette commence à se hérisser d’ouvrages sortis des pioche des fantassins». Dans cette guerre de position, chaque centaine de mètres gagnés à un prix, lourd de vies humaines. L’auteur poursuit : «Les cimetières se multiplient. Il s’en crée, au fur et à mesure des besoins… au revers des tranchées, dans des conditions d’ensevelissement précaires, avec la seule oraison funèbre des camarades » Et cela, sans compter tous ceux qui ne trouveront jamais de sépultures : « Lorsque l’angoisse vous étreindra de n’avoir pas lu le nom du « vôtre » sur une petite croix d’un cimetière… Il est là-bas fier d’y reposer, même si la croisée d’une baïonnette rouillée est le seul monument funéraire dressé à sa mémoire… Ne pleurez pas, si vous ne lisez pas son nom. Vous l’entendrez passer avec le vent, sur ce plateau désert où les poussières soulevées ne seront plus, désormais, que la cendre de nos héros »