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« Je serais incapable de rédiger moi-même mon autobiographie. Je crois que je commencerais par « je suis né le 14 septembre 1926 à Mons en Baroeul ». Je m’arrêterais assez vite car ce n’est pas ma façon d’être avec moi-même ». Ainsi, s’exprime l’écrivain Michel Butor dans « Curriculum Vitae ».
Michel, Marie, François Butor est né au 139 de la rue Daubresse Mauviez (actuellement la rue du Général de Gaulle). Son père, Xavier Marie Joseph était inspecteur de la Compagnie de chemin de fer du Nord, ainsi que le précise l’extrait d’État civil conservé à la mairie.
Michel Butor est le Monsois le plus célèbre de tous les temps. Il a marqué le siècle et l’histoire de la littérature. Il est considéré comme l’un des plus grands écrivains vivants. Sollicité aux quatre coins de la planète, en perpétuel décalage horaire, entre deux avions, il trouve toujours le temps d’écrire. Comme il adore les voyages qui nourrissent son écriture, il se console volontiers : « je suis le jouet du vent » constate-t-il, désabusé. Parfois, il se repose, à deux pas d’un prieuré, dans son minuscule village savoyard de Lucinges, si proche de Genève où il a été professeur toute sa vie. Sa maison est devenue un lieu de pèlerinage littéraire. Le maître des lieux gère son agenda… très serré. Il continue à produire ses oeuvres étonnantes sans perdre une seconde.
Sa maison s’appelle « À l’écart ». Il y est bien loin de tout et en particulier de la petite ville du Nord dans laquelle il est né. Hormis les habitants des numéros 141 à 151 de la rue du Général De Gaulle, peu de Monsois connaissent son existence. À la rigueur, peuvent – ils citer « La Modification », qui lui a valu, à vie, le titre de pape du nouveau roman… mais c’est déjà très loin tout ça. Michel Butor, braconnier de la littérature a emprunté tous les chemins détournés sur lesquels on ne l’attendait pas : poésie, livres objets réalisés en collaboration avec des artistes comme le sérigraphe lillois Alain Buisse… plus proches de la bibliothèque du facteur Cheval que du domaine universitaire ou romanesque. Ses œuvres inclassables éparpillées chez une ribambelle d’éditeurs, grands et petits, déroutent le système littéraire. Insaisissable, « ne cessant de détaler devant sa légende » comme l’a écrit son ami Georges Perros, il n’a pas de meilleur critique que lui-même : «Les gens ne savent pas trop par quel bout prendre mes textes. Ils ont peur…Je tiendrais trop de place si on parlait de moi dans tous les domaines où j’ai travaillé. Je suis quelqu’un d’encombrant ».
Quelquefois il pense au Nord : « J’aimerais revoir cette maison où je suis né. Je veux boucler la boucle », déclarait-il en 2000. En mars 2011 l’écrivain a prévu un voyage dans sa région natale qui le mènera de Saint-Omer à Lille… et pourquoi pas Mons en Baroeul ?
Il écoutera sans doute avec bienveillance les hommages qui lui seront rendus avec l’air malicieux de celui qui a beaucoup voyagé et qui connaît la vie… lui qui a écrit dans « Le Tombeau d’Arthur Rimbaud » :
La pluie tombe sur Charleville
des lycées vont porter mon nom
on fêtera l’anniversaire
de ma naissance et de ma mort
de savants universitaires
vont me traiter de tous les noms.
AC