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Vie quotidienne des Français occupés et les belles cartes postales de l’armée allemande (1914 – 1918)

Le château Faucheur (l’actuel collège Lacordaire) qui devenu un  Kasino est occupée par les troupes allemandes.
Le château Faucheur (l’actuel collège Lacordaire) qui devenu un Kasino est occupée par les troupes allemandes.

L’occupation de la métropole aura duré 1465 jours : autant de  jours de malheur ! Les images de l’occupant prise à Mons en Baroeul  pendant cette période  nous racontent une autre histoire. On y voit des cavaliers paradant devant les belles demeures qu’ils ont réquisitionnées. Leurs hommes prennent leur repas devant les granges des fermes, du voisinage. Exceptionnellement, l’une d’entre elles  rappelle les dures réalités de la guerre, comme cette rue détruite, en 1916; par l’explosion d’un dépôt de munitions.

Les chevaux allemands broutent les prairies des Belles demeures
Les chevaux allemands broutent les prairies des Belles demeures

La mémoire précise de ces années d’occupation a été longtemps enfouie dans les familles, comme une période honteuse. Elle a disparu avec la mort des derniers témoins. Notre connaissance  de la vie quotidienne à Mons, dans cette période, provient bien souvent de ces « belles  images» allemandes. Les grandes propriétés  avaient été réquisitionnées pour les besoins de l’armée. Le « Vert Cottage », la maison de l’architecte Gabriel Pagnerre, avait été reconvertie en « Kasino », une maison de repos pour les officiers… de même qu’une autre, rue Parmentier, appartenant à la famille Colléate. Dans le lieu de résidence de la famille Virnot, le château Faucheur, il y avait,  en plus, une cantine. Les fermes voisines comme celle d’Halluin ou de la Pilaterie sont réquisitionnées pour abriter les hommes de troupe. Il est probable que d’autres soldats logeaient dans toutes les maisons où cela se révélait possible.

Une carte postale, envoyée de Mons en Baroeul, en 1916, par un certain Johannes Reinhardt, membre de l’état major. Il fait  fait état de la destruction du dépôt de munitions des 18 ponts, à Lille
Une carte postale, envoyée de Mons en Baroeul, en 1916, par un certain Johannes Reinhardt, membre de l’état major. Il fait fait état de la destruction du dépôt de munitions des 18 ponts, à Lille

On sait aussi que l’armée allemande avait transformé le Fort en prison. Les prisonniers, dont un contingent Australien, y vivaient dans des conditions épouvantables. Parfois  on les emmenait sur le front pour creuser des tranchées ou poser des barbelés dans les endroits les plus exposés. Beaucoup sont morts de privation ou sous les balles des alliés.

Des jeunes filles, photographiées près du fort, se rendent aux « champs de guerre ». Elles travaillent la terre, 10 heures par jour, pour un salaire dérisoire au profit des allemands.
Des jeunes filles, photographiées près du fort, se rendent aux « champs de guerre ». Elles travaillent la terre, 10 heures par jour, pour un salaire dérisoire au profit des allemands.

Pour les Monsois, la situation est peu brillante. Les jeunes filles, réquisitionnées sur les « champs de guerre », doivent sous la contrainte, cultiver et moissonner au profit de l’armée allemande. La population, et particulièrement les femmes, sont l’objet de mesures vexatoires. Le rationnement, très strict, conduit à une famine endémique. La mortalité est le double de celle de la France libre. Pendant ce temps, les rares feuillets d’information autorisés sont à la seule gloire du Kaiser. Comme les pendules des clochers, la presse, est à l’heure allemande. Elle colporte rumeurs et fausses nouvelles. À la fin de la guerre, plus très sûr de sa victoire, l’occupant se livre au pillage systématique de toutes les ressources et à la destruction de l’outil industriel.

Les hommes de troupe sont hébergés dans les fermes. Ici, il s’agit de celle de la Pilaterie qui jouxtait un château réquisitionné
Les hommes de troupe sont hébergés dans les fermes. Ici, il s’agit de celle de la Pilaterie qui jouxtait un château réquisitionné

On sait, qu’en 1917, cloches et tuyaux d’orgue de l’église Saint-Pierre ont été emmenés pour être fondus tandis que les cuves en cuivre de la Brasserie Coopérative sont arrachées. Les bonnes machines des usines du Nord sont emmenées en Allemagne et celles qui restent, systématiquement saccagées afin que la région ne puisse plus être, après-guerre, concurrente, de l’Allemagne. « Qui pourrait nous blâmer d’avoir mis à bas les riches territoires industriels du Nord de la France à un point tel que, pour des générations et peut-être pour des siècles, elles ne puissent entrer en concurrence avec notre industrie » écrit le Kölnische Zeitung, le 10 avril 1916. Le 11 novembre 1918 a été fêté, dans le Nord avec beaucoup plus de retenue que dans le reste de la France. « Nous avons été étonnés d’apprendre le délire des parisiens à la nouvelle de l’armistice », déclare un lillois. « Pour nous notre capacité de joie a été vidée dans les jours de la délivrance. La guerre a «été  finie ce jour-là. Il faudra bien des jours encore pour que nous redevenions des êtres normaux ».

Un appareil allemand a été abattu.
Un appareil allemand a été abattu.

Alain Cadet

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