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 Aujourd’hui, Lily a plus de 96 ans. Cette Monsoise est l’une des dernières survivantes de l’époque de la Résistance. Elle est la fille d’Émile et de Jeanne Parmentier.

Lily
Lily

 Après le brevet supérieur, elle se perfectionne dans le secrétariat. À 18 ans, la voilà assistante de direction. Jeanne Parmentier devient la patronne du Café de la Mairie, à Mons en Baroeul. «C’était un grand café où avaient lieu beaucoup de fêtes », témoigne Lily. « Je m’y suis mariée en mars 1939. J’avais 22 ans. » Son mari, Lucien Glück, est coureur cycliste professionnel. L’année précédente, il a été sacré champion du Nord de vitesse.

 Lorsque la guerre éclate, Lucien est mobilisé. Fin mai 1940, les Allemands sont à Lille. Jeanne s’engage dans la résistance. «  Ma mère était « cocardière. C’était une patriote et une héroïne de la Grande guerre. Elle avait beaucoup de relations », se souvient Lily. « On lui a demandé de participer à la fabrication d’un journal ». Les relations de Jeanne Parmentier ce sont Natalis Dumez, un Démocrate Chrétien, et Jules Noutour, un Socialiste, qui viennent de fonder La Voix du Nord. Lorsque Natalis Dumez demande à Jeanne si elle connaît quelqu’un qui sache taper à la machine, elle répond : « Si, bien sûr, ma fille ! ». C’est ainsi que Lily, va dactylographier les stencils du journal N° 1, daté du 1er avril 1941. La petite imprimerie clandestine change souvent de lieu pour déjouer les surveillances. Un jour, elle s’installe au Café de la mairie. «On avait une Gestetner. Il m’arrivait de la faire tourner. Le plus souvent, c’était maman qui s’en occupait » témoigne Lily. «C’était un tout petit journal de quelques pages. On donnait des renseignements sur les événements de la guerre. Surtout, c’était important de dire des choses différentes de celles des autres journaux et de la propagande. C’était réconfortant. Cela nous permettait de garder le moral. ».

Freedom
Freedom

 C’est Lily qui prend livraison des articles : « Je me rendais Café du Damier, Grand-place, à Lille. C’était notre point de rencontre. Le plus souvent, venait Natalis Dumez ; parfois Jules Noutour. Il m’arrivait de leur remettre des armes  de poing que je leur ramenais dans mon sac de moleskine ». Armes et journaux transitent par le Café de la mairie. Le commerce voisin, la boucherie de Monsieur Madame Papillon, est la plaque tournante de la distribution des armes dans le secteur. Lily se souvient d’avoir livré des armes automatiques dans une ferme de Bondues, en même temps qu’elle y portait ses journaux. En 1942, Lucien Glück s’évade de son camp de prisonniers. Il reprend la course cycliste « comme si de rien n’était ». Lily part pour Paris rejoindre son mari.  Jeanne, qui ne se sent plus en sécurité à Mons, emménage dans un appartement discret de la rue Masséna, ce qui ne l’empêche pas d’être arrêtée en septembre 43. Commence pour sa fille une longue période d’angoisse : «À la libération, j’ai fait la fête, mais modérément. Il n’y avait pas un jour, une nuit sans que je ne pense à maman. Un beau matin, je me suis rendue Gare de l’Est. J’étais certaine qu’elle allait rentrer, ce jour là. Un convoi était en train d’arriver. La plupart des passagers étaient des prisonniers. Parmi eux j’ai vu une femme, maigre, le visage marqué, qui ressemblait à maman. Je me suis dit : « Ce n’est pas possible ! Ce n’est pas elle ! » Elle était trop différente de l’image que j’avais gardée. Elle avait un grand pardessus d’homme, pas de bas, de vieilles chaussures trouées. Une mèche grise en désordre barrait le sommet du crâne. Je l’ai dépassée puis je me suis retournée et à ce moment-là, elle s’est retournée aussi et a crié : « Lily ! ». Je me suis précipitée dans ses bras. Pour moi, le vrai jour de la libération, c’est celui où maman est rentrée ».

Alain Cadet