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Arthur, lauréat d’un grand prix de la Société des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille, Arthur Vanabelle 1922 – 2014
Quand on fouille sur Internet, il faut être très attentif. On peut, parfois, en creusant, découvrir de précieuses pépites.
Ainsi Arthur Vanabelle
le créateur de la « Ferme aux Avions » de Steenwerck a-t-il été distingué par la prestigieuse Société des Sciences de l’Agriculture et des Arts de Lille, fondée en 1802. Cette société a accueilli pendant plus de deux siècles les sommités lilloises des Sciences, de l’Art et, naturellement de l’Agriculture ! On compte parmi ses anciens Présidents : Louis Blanquart-Evrard, Frédéric Kuhlmann, Jules Gosselet, Alfred Mongy, Albert Calmette… rien que du lourd ! Qu’est ce qui a bien pu inciter cette honorable société à distinguer « notre Arthur » en lui décernant le prix Delphin Petit, en 2010 ?
Le Rapporteur, Edouard Tremeau, en fournit une explication très détaillée :
« En 1945 le peintre Jean DUBUFFET commence à collectionner des “ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique” et, pour désigner ces œuvres il invente la notion “d’art brut”.
En simplifiant fortement, à partir de ces réflexions, nées par la découverte d’œuvres créées en centres psychiatriques, en Suisse , en France, on tentera, ici, de dégager trois grandes directions en cet art brut aux limites difficilement définissables.
Les collections asilaires avec tout ce que cela implique de tempéraments sensibles et autonomes. Adolf WÖLFLI en est un exemple.
Le milieu spirite où des personnes bien souvent sans connaissance artistique reçoivent “l’appel”. Ainsi le mineur Augustin LESAGE qui se révèle medium conduit par les “esprits” qui lui révèlent le message à transmettre.
Ceux qui entreprennent de transfigurer leur quotidien. Et nous allons pouvoir ainsi parler de Monsieur Arthur VANABELLE, le créateur de “Grosso Modo”.
Né en 1922, au hameau de MENEGATTE, près de STEENWERCK, Arthur VANABELLE vit dans une ferme que surplombe maintenant l’autoroute qui mène à Dunkerque, mais qui fut un lieu extrêmement passager. En 1940, avec son frère CÉSAR, né en 1924, sa sœur, AGNÉS, ils voient passer les armées françaises, anglaises, allemandes. L’épisode les marque durablement, la ferme accueillant un grand nombre de réfugiés. Elle devient “la base de MENEGATTE”. En cette même année, un avion s’écrase dans un champ voisin. Tout cela, un jour, va créer un déclic chez celui qui jouait du buggle dans l’orphéon.
1960, l’aventure commence. Avec l’agencement d’une girouette qui va donner l’orientation des vents sur les prés mais peut-être aussi cette pulsion vers cette invasion d’avions puisque l’on sait que le vent s’engouffre aussi dans les manches à air des aérodromes.
Et tout devient objet, construit avec l’objet, la friteuse, le congélateur, la gouttière. Se multiplie alors cet assortiment d’avions, de chars, de canons antiaériens accompagnés, décorant les murs de silhouettes de généraux. Tout cela comme une réalité perçue par le regardeur qui surplombe, de sa voiture, ce “camp retranché”.
Et la mémoire des gens du Nord. Ce pays-frontière, valeureux et meurtri, zone de multiples combats, zone d’occupation, zone “interdite”. La mémoire toujours intacte et qui “embellit” même si ce mot, concernant l’effroyable guerre, ne semble pas tout à fait adéquat.
Mais souvenons-nous, lors de la Grande Guerre, de cet émerveillement de Fernand LEGER devant la culasse brillante de l’objet parfaitement adapté à sa destination, l’obus.
Avoir peur, trembler, s’émerveiller. Peut-être par le seul fait d’exister encore.
L’air et la terre. Le poids de l’air qui soutient ce qui vole et la terre qui est le tremplin de cet essor qu’elle peut aussi ne pas vouloir.
Dans l’air flotte la menace. Arrimés au sol les canons crachent sur cette légèreté arrogante. Le feu dans le ciel, ce feu qui vient de la terre. Que les armes sont belles en leur redoutable esthétique. Le Spitfire accède à l’au-delà des nuages, le Lancaster, lesté de sa charge mortelle, s’orne de tourelles où veille le mitrailleur.
Entre ciel et terre, et peut-être n’avons-nous jamais aussi bien “dévisagé” le ciel qu’en ces moments où la mort est présente, se porte le regard, l’esprit, la Mémoire.
Alors, comme une mémoire où la menace s’allège de couleurs vives (argent-vert-rouge) regardons cette “ferme retranchée”, protection en un temps maintenant révolu, où vit toujours Arthur VANABELLE.
Alors que la vie nous disperse, lui, en son esprit, a su construire, montrer, faire rêver aussi sur nos capacités que nous avons laissé disparaître. Sachant aussi que le rêve possède, chez certains, une volonté obscure de nuisance et on sait la puissance destructrice sortie de l’esprit (?) de certains dictateurs toujours vivants.
Survolons donc, puisque l’autoroute nous porte au-dessus du “petit nuage” de Monsieur VANABELLE, encore une fois ce lieu qui est rappel, mémoire et monde d’un merveilleux, sachant que ce merveilleux n’est pas unique, et découvrons ce pouvoir des choses, comme le Facteur CHEVAL choisissant ses pierres lors de ses tournées pour construire ce qui allait devenir son Palais Idéal, comme André ROBILLARD ajustant ses matériaux divers pour créer ses fusils, l’un américain, l’autre russe.
Mais le Facteur CHEVAL comme André ROBILLARD “fantasment” l’objet, leur création devient pure poésie, de la féerie CHEVAL au délire ROBILLARD. (Pourtant, les armes de ROBILLARD en leurs rubans adhésifs rouges, bleu, vert peuvent présenter une parenté avec l’allégresse des avions d’Arthur VANABELLE). Ici, les avions, les armes, les canons, le char, pour qui ne les voit qu’en passant, ont quelque chose de totalement authentique. Les objets fabriqués sont faits d’autres objets qui, en leur diversité sont au service de la forme : il y a, réellement, avion, char, canon. Arthur VANABELLE, accroché à la terre, sa terre. Accroché au réel Arthur VANABELLE nous transporte, l’espace d’un regard, en son ailleurs qui est notre ailleurs. En sa réalité, qui est la nôtre.
Notre mémoire.
Le L.A.M. (Lille Métropole musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut) l’a “reconnu”, présentant en sa réouverture la maquette complète de ses bâtiments et installations.
A notre tour, Société des Sciences, de l’Agriculture et des Arts de Lille d’honorer Arthur VANABELLE en lui décernant le Grand Prix des Arts, le Prix Delphin Petit. »
Le texte de Monsieur Tremeau, reproduit ci-dessus, in extenso et à la virgule près, dit des choses très justes et très belles sur Arthur. Il n’est pas certain qu’en le lisant ce dernier aurait tout compris. A-t-il été honoré de cette distinction ? Peut-être ? Même si tout ce qui restait éloigné de son périmètre de la ferme de la Ménegatte lui était en général indifférent. Arthur traçait sa route avec ses bidons, ses roues cabossées, ses vieux tuyaux, ses plaques de tôles à qui il donnait des formes issues de son imagination. Il peignait soigneusement ses œuvres avec des couleurs vives, voire criardes, à l’image des maisons flamandes des alentours. Arthur rêvait son monde singulier… Un prix décerné par une Société qui s’intéresse à l’Art… et surtout à l’Agriculture, c’était bien vu !
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http://blog.prophoto.fr/arthur-vanabelle-1922-2014-agriculteur-et-artiste-est-ne-il-y-a-cent-ans/