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Bonningues-lès-Ardres, (62) les habitants pourchassés par le progrès

A deux pas de la côte d’Opale et du marais audomarois, Bonningues-lès-Ardres est un charmant village au cadre préservé. L’habitat y est clairsemé et les belles balades à pied sont faciles.  La commune fait partie du parc naturel régional des Caps et Marais, un espace protégé. Tout le monde aurait envie de vivre à Bonningues-lès-Ardres, à condition d’aimer la campagne, bien entendu ! Pourtant les Bonninguois et les Bonninguoises ont bien du souci à se faire. Pendant qu’ils se livrent à des activités traditionnelles telles que la vente des produits de la ferme, le progrès avance. Cela se passe loin de Bonningues, un peu partout sur la planète. Les avions au carburant détaxé volent en navettes vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour relier sans cesse les continents. Les pétroliers et les porte-containers venus de l’autre bout du Monde sillonnent les océans… au large de Bonningues et ailleurs. Ils utilisent un carburant bon marché, mais très polluant. Le Ferroviaire s’amenuise tandis que multitudes de camions à moteur diésel se pressent en rangs serrés sur les autoroutes. Vu de Bonningues, cela n’a rien d’inquiétant. Les chaînes d’info en continu mettent l’accent sur les migrants qui pourraient les priver de travail et même, pourquoi pas, leur voler leur terre. Certains ont très peur, même si à l’inverse de Calais toute proche, on n’a jamais vu la couleur d’un migrant à Bonningues. Le village est un havre de paix. 

Pourtant, il y a quelques temps quelques événements inquiétants sont survenus. Il s’est mis à pleuvoir de manière inhabituelle. Ce n’était plus cette petite pluie fine, excellente pour les cultures et pour recharger les nappes phréatiques mais de grosses pluies denses et violentes dignes des régions tropicales. De mémoire de Bonninguien on n’avait jamais vu cela. Les champs se sont gorgés d’eau et les rivières sont sorties de leur lit. Le niveau du Hem du Tiret qui arrose le territoire communal a commencé à monter.  Il est un peu à l’écart du village mais les routes et les hameaux avoisinants ont été impactés. Si situation est plus favorable que celle des agglomérations toutes proches de la vallée de l’Aa, Bonningues fait tout de même partie des dix-huit communes du Pas-de-Calais classées en « état de catastrophe naturelle ». En d’autres termes les sinistrés peuvent prétendre à être remboursés par leurs assurances des dommages de l’inondation. Mais, il y a problème : les compagnies font la sourde oreille et traînent la patte. Le Président de la région Hauts-de-France s’en est ému. Il n’a pas hésité à dénoncer publiquement celles qui n’honoraient pas leurs obligations. Comme ce sont les plus grosses et les plus riches, ce combat n’est pas gagné. Toutes ces circonstances – de même que d’autres également fâcheuses – ont produit une forme de découragement dans le secteur. Dernièrement, l’unique commerce, un café, a dû baisser définitivement son rideau. Il avait, dernièrement, essayé de proposer des frites, le dimanche, pour sortir la tête de l’eau, mais cela n’a pas été suffisant. 

Le maire et les habitants du village ont été informés par divers biais d’un projet d’antenne relais de 45 mètres de haut dans l’un des hameaux de la commune : une initiative très étonnante pour mettre en valeur le paysage du parc naturel des deux Caps et du Marais audomarois ! Cette pollution visuelle n’est ni du goût des élus ni de la population. Mais le Préfet, l’Etat et l’Opérateur ont un argument commun en béton : il s’agit de résorber une « zone blanche » qui se trouverait là et empêcherait la marche du progrès ! C’est toujours ce même argument qui est ressorti avant une nouvelle installation d’antenne-relais. En réalité, cela fait belle lurette qu’il n’existe plus de « zone blanche », sur le territoire français. A part quelques coins reculés des Alpes où les services de l’Etat chassent quelques personnes électrosensibles qui tentent de s’y réfugier, il y a du signal partout. Même dans ces coins du bout du monde, les satellites militaires ou civils comme ceux du réseau Starlink d’Elon Musk émettent des radiations. La « zone blanche », c’est un peu comme le loup dont on menaçait les enfants turbulents, au siècle dernier. Le loup avait été éradiqué mais cette menace du loup faisait très peur aux enfants.  En général, les opérateurs de la téléphonie sans fil ne sont pas enthousiastes pour installer de nouvelles antennes-relais dans les coins reculés. Cela fait des frais d’installation et une antenne 5G consomme presque 50% d’énergie supplémentaire qu’une 4 G. Tout ça pour quelques abonnés et pour faire fuir les abeilles, rendre malade les vaches, tuer les lapins et les oiseaux, cela n’en vaut pas la chandelle ! Mais l’Etat et la Commission européenne sont rigides sur ce point : il convient de mettre de la 5G partout pour « permettre au progrès de conquérir l’ensemble des territoires ». Le maire et son conseil municipal sont opposés au projet et les habitants ont signé une pétition pour protesterPersonne n’a cure de leur avis. L’échelon local est dépossédé par l’Etat de tout pouvoir de décision. Ce sont les services de l’Etat qui, seuls, prennent les décisions selon des textes réglementaires laxistes. Comme les normes d’émission de ces antennes a été fixé à 41V/m et 61V/m suivant les fréquences – ce qui est colossal (le Conseil de l’Europe préconise 0,2V/m). Si la nouvelle antenne respecte ces normes, inspirées par les industries des ondes, nul ne peut s’opposer à son installation. Le permis de construire du maire et l’enquête publique, c’est juste pour faire illusion et amuser la galerie. La nouvelle installation est exclusivement actée par un contrat de droit privé entre l’opérateur et le propriétaire de la parcelle. Ce dernier perçoit en moyenne 15 000 euros de droit d’entrée et 15 000 euros de bail, chaque année. Les candidats se bousculent au portillon. Par les temps qui courent, c’est de l’argent facilement gagné. L’heureux élu est un propriétaire de Wambrechies. Cette commune étant située à une centaine de kilomètres de Bonningues, il ne risque pas d’être impacté par les radiations électromagnétiques de l’antenne. En revanche, les premières habitations qui se situent à trente mètres du pied du mât sont en situation critique. Visuellement c’est moche, ce qui signifie une décote du bien pour les propriétaires.  Surtout, la 5G beaucoup plus puissantes que la 4G, est encore plus toxique pour les riverains et leurs animaux. Elle est un véritable défi à la santé du public. Une propriétaire d’une des maisons en première ligne craint que son bien subisse une « dévaluation de 20 000 à 30 000 euros » en cas de revente. Il semble que l’on soit très loin du compte. Aux USA, où l’implantation du réseau 5G a quelques années d’avance sur nous, on cite d’autres chiffres. Malgré l’omerta quasi générale des médias, qui comme ici, s’interdisent d’informer sur le danger des micro-ondes, la 5G n’a pas bonne presse. Une maison située à moins de trois-cents mètres d’une antenne-relais subira une décote de 20 à 30%. A, à trente mètres de l’antenne, le bien est carrément invendable. Le progrès est un système de vases communicants. Quelques personnes vont pouvoir en retirer le plus grand profit avec l’argent soustrait de la poche du plus grand nombre. 

Il existe cependant un domaine où Bonningues devrait-être épargné par les conséquences du progrès, c’est celui de la montée des eaux. Différentes activités économiques non maîtrisées se traduisent par un réchauffement qui fait fondre la glace des pôles et remonter le niveau des océans. Différents modèles existent et proposent des chiffres qui vont d’une hausse de un à trois mètres, ce qui n’est pas la même chose. Rapport après rapport – et notamment ceux du GIEC – les scientifiques alertent sur la catastrophe imminente. Cela n’émeut guère les sphères économiques et politiques dont la devise semble être celle que l’on prête à l’un des derniers rois de France d’avant la Révolution : « Après moi, le Déluge ». Un nouveau rapport de l’institut de recherche indépendant « Climate Central » est très préoccupant. Selon cette étude, en 2050 (c’est-à-dire demain), 450 000 personnes des Hauts-de-France verront leur habitat inondé et seront des réfugiés climatiques. La région de Dunkerque sera sous les eaux. Le Touquet disparaîtra et Saint Omer sera touché. Cette révision à la hausse des zones inondées dans le Nord et le Pas-de-Calais s’explique par la prise en compte d’un facteur qui avait échappé au chercheurs : la « subsidence ». Cela désigne un effondrement des sols consécutifs à la montée des eaux mais aussi dû à des actions humaines, comme le pompage des nappes phréatiques. Selon cette étude, la mer s’arrêterait à une bonne dizaine de kilomètres de Bonningues protégée par son relief (de 34 à 184 m au-dessus de la mer actuelle).