La France, envahie par l’Angleterre va de défaites en défaites

Collège Jehan le Fréron de Crèvecœur-le-Grand : Jehan aurait pu se nommer Jacques !

Collège Jehan le Fréron de Crèvecœur-le-Grand : Jehan aurait pu se nommer Jacques !

Collège Jehan le Fréron de Crèvecœur-le-Grand : Jehan aurait pu se nommer Jacques

Ancien élève de ce collège, j’ai vainement essayé de trouver les raisons pour lesquelles on avait bien pu donner ce nom à l’établissement. Mes recherches sur Internet se sont révélées infructueuses… ce qui a été expliqué dans deux publications précédentes. Un renseignement fourni par la municipalité éclaircit le mystère.

Les « bouteilles à la mer » peuvent dériver pendant de longs mois.

Parfois, elles atteignent un rivage, où un destinataire concerné prend connaissance du message qu’elle contient. C’est ce qui est arrivé pour le collège Jehan-le-Fréron quand Jean-Claude Bessade, Adjoint à la Culture de Crèvecœur-le-Grand, est tombé sur mon Blog. C’est lui qui, très obligeamment, m’a fait parvenir deux numéros du « Crépicordien », la revue municipale, où sont expliquées les circonstances dans lesquelles l’ancien Cours Complémentaire s’est mué en Collège Jehan le Fréron. « Lors d’un Conseil d’administration du collège », relate Le Crépicordien« le président du Conseil propose le nom du poète, scénariste, dialoguiste, Jacques Prévert. » Selon cette même source, la proposition donna lieu à « un débat houleux ». La raison invoquée serait que le nom de Prévert aurait déjà été donné à d’autres établissements. Difficile à croire ! Jacques Prévert était communiste. Il écrivait même régulièrement dans les journaux du PCF. 

Jacques Prévert était communiste. Il écrivait même régulièrement dans les journaux du PCF

Donner le nom d’un communiste à une institution crépicordienne n’allait pas de soi !

Aujourd’hui le secrétaire général du Parti Communiste se distingue surtout pour la défense de la production française de qualité en viande et en vins (rouges) ; il est très sollicité et mis en valeur par les chaînes d’infos et les journaux conservateurs. Mais, à l’époque, le Programme Commun faisait peur à beaucoup de monde. Ce Jacques Prévert faisait tache ! Personnellement, en tant qu’ancien élève de l’établissement, je regrette cette décision. Un artiste ou un scientifique n’est pas réductible à ses opinions politiques. Les poèmes de Prévert me parlent. Je regarde toujours avec le même plaisir, pour la énième fois, Quai des Brumes ou les Enfants du Paradis. Ce fut un professeur présent à cette réunion qui débloqua la situation. Il proposa le nom de Jehan-le-Fréron. Personne ne savait de qui il s’agissait, mais c’était un gars du coin. La décision de nommer le collège, Jehan-le-Fréron, fut adoptée dans un grand élan consensuel.  

La décision de nommer le collège, Jehan-le-Fréron, fut adoptée dans un grand élan consensuel

« Le Crépicordien » n’indique pas la date de ce conseil d’administration fondateur.

Je suppose que nous sommes à la fin des années mille-neuf-cent-soixante-dix. En tous cas, le cinq février mille-neuf-cent-quatre-vingt, le professeur de français, Jean-Pierre Viguier, à l’initiative de la proposition, remet au Chef d’Etablissement un document dactylographié de deux pages intitulé « Présentation de Jehan le Fréron » (voir fac-simile ci-dessous.)

Le Crépicordien » n’indique pas la date de ce conseil d’administration fondateur

On y apprend que Jehan de Catheux (un petit village entre Crèvecœur et Fontaine- Bonneleau), dit le Fréron est l’une des figures de la Jacquerie de mai-juin 1358. Jehan serait le modèle même des « Jacques », comme on appelait les paysans d’alors, en quelque sorte le symbole des révoltes paysannes du XIVe siècle. A cette époque nous sommes en pleine guerre de 100 ans. Les Nobles français vaincus à Crécy (1346) et à Poitiers (1356) sont incapables de résister à l’armée anglaise. Ils sont rançonnés par l’Occupant et pour maintenir leur train de vie rançonnent à leur tour les paysans « taillables et corvéables à merci ». La vie des pauvres et des fermiers est devenue très compliquée dans le Royaume de France.

Les paysans des provinces du Nord se soulèvent contre cette aristocratie qu’ils jugent coupables de tous leurs maux. Ils élisent démocratiquement leurs chefs et partent au combat. Dans la région de Crèvecœur-le-Grand, le leader des « Jacques » est un certain Jehan, de Catheux, dit le Fréron. Jehan-le-Fréron est, en quelque sorte, un ancêtre des Gilets Jaunes. Jean Froissart chroniqueur de l’époque, très favorable à la Noblesse et aux puissants, un équivalent des journalistes de BFM ou de C-News d’aujourd’hui, fustige les émeutiers. Ce sont des « chiens enragés », commente-t-il. Voici un extrait de son récit : « Ils déclarèrent que tous les nobles du royaume de France, chevaliers et écuyers, haïssaient et trahissaient le royaume, et que cela serait grands biens que tous les détruisent. […] Lors se recueillirent et s’en allèrent sans autre conseil et sans nulle armure, seulement armés des bâtons ferrés et de couteaux, en premier à la maison d’un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et brûlèrent la maison. »  Jehan-le-Fréron et ses paysans picards sillonnèrent les cantons de Crèvecœur, Breteuil, Conty et autres contrées voisines. Ils brûlèrent et pillèrent les châteaux de Catheux et de Francastel. Toute la région était « à feu et à sang ». C’est alors que Charles le Mauvais qui avait des prétentions sur le Royaume de France, lança ses armées contre les paysans. 

Charles le mauvais, portait bien son nom

Charles le mauvais, portait bien son nom.

Il s’empara par ruse de leur chef qu’il fit décapiter. Il s’ensuivit une répression féroce où 20 000 paysans furent pendus ou passés au fil de l’épée. Jehan le Fréron put sauver sa vie en signant une lettre de rémission selon laquelle « il aurait agi par contrainte ». Il regagna paisiblement son village de Catheux, où il finit par mourir « de sa belle mort« .

A la fin de sa « Présentation de Jehan le Fréron » Jean-Pierre Viguier insère l’extrait d’un poème :

« Non, Jacques n’est pas mort,

Car il règne encore.

Jacques, à toi nous buvons,

Jacques, à toi nous rêvons,

Non, Jacques n’est pas mort,

Car il règne encore. »

Ce texte est signé d’un certain Eugène Pottier qui, pour ceux qui l’ignoreraient, est l’auteur des paroles de l’Internationale, le chant ouvrier. Eugène Pottier faisait partie des 92 membres élus de la Commune de Paris. Pour cela, il fut condamné à mort. Mais il ne fit pas partie des 30 000 « Communards » fusillés ou déportés par le gouvernement Thiers. Il put s’enfuir en Angleterre puis en Amérique. « L’Histoire ne repasse jamais les plats » dit-on, mais elle bégaie parfois !

Jehan, le Jacques de Catheux en Beauvaisis est-il plus politiquement correct que Jacques, le poète de Neuilly-sur Seine ? Ce n’est pas sûr ! Mais une chose est certaine, Jehan n’habitait pas loin.

Bibliographie : Le Crépicordien , septembre et octobre 2021 

Remerciements : Jean-Claude Bessade, Adjoint à la Culture de Crèvecœur -le-Grand, pour le partage de ses documents.

Sujet parent :

Petite Histoire lilloise de l’Internationale

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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