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Développement du tramway : Alphonse Loubat, l’Américain, 1799-1866
Alphonse Loubat est né le 15 juin 1799 dans le Lot-et-Garonne. Son destin est improbable. Il rejoint les Amériques pour exercer le négoce des ceps de vigne usités dans les vins de Bordeaux. Son commerce est prospère. Il est plein de ressources pour développer son business. Il écrit des articles et des traités sur le vin et la vigne comme « Le Guide du Vigneron américain », New-York, 1827. New-York est une ville en pleine expansion fertile en innovations. En 1832, John Stephenson, un Irlandais, directeur d’une compagnie d’omnibus, à l’idée de faire circuler ses voitures hippomobiles sur une petite voie ferrée installée sur la chaussée entre Manhattan et Harlem. Le rail est à la mode, sous terre, dans les mines ou en surface pour relier les grandes villes. Il permet de déplacer des masses considérables avec une force de traction modeste. Le tramway était né. Les visiteurs européens appelaient cette curieuse nouveauté, « le Chemin de fer américain ». Mais, pour les New-Yorkais, elle n’est pas sans nuisance. Ces rails en saillie, même de dimensions modestes, sont un obstacle à la circulation. Aux carrefours, il faut ménager un système voisin de nos passages à niveaux pour les franchir. Ailleurs, on risque un accident.
Alphonse Loubat a une idée pour améliorer le système. Ce spécialiste du vin et de la vigne n’a rien d’un ingénieur. Mais, il a l’esprit d’entreprise et d’initiative qu’on prête aux Américains. Sa devise aurait pu être : « Just do it ! ». Il se rapproche de Stephenson. Loubat propose de remplacer le rail saillant par un rail rentrant, assez large, avec en son centre, une gorge en forme de U. Ce qui suscite ce qualificatif d’un journaliste d’aujourd’hui de sa région de naissance : « L’inventeur qui a fait tourner rond avec un U ». D’autres poètes parlent de « rail à ornière ». En 1852, Alphonse Loubat dépose le brevet de son invention. En 1853, ce rail avec sa gorge enfouie dans la chaussée est mis en œuvre à Broadway. C’est un grand succès. Le système va se répandre partout dans le monde. Mais Alphonse entend capitaliser les bénéfices du rail en U dans son propre pays. Il revient en France. Le 16 août 1853, il est autorisé on à construire une petite ligne de démonstration à Chaillot. Le 18 février 1854, Napoléon III, qui vient d’être nommé Empereur, signe un décret : « Le sieur Loubat (Alphonse) est autorisé à placer sur la voie publique de Vincennes au pont de Sèvres et au rond-point de Boulogne des voies ferrées desservies par des chevaux et y établir un service d’omnibus. »
Il s’agit d’une voiture hippomobile désignée aussi comme « car » qui peut transporter 48 passagers : 18 à l’intérieur, 24 sur l’impériale et 6 debout sur la plate-forme. Pour monter ou descendre, cela se fait à la bonne franquette. Un signe au conducteur et celui-ci fait ralentir les chevaux. Idem pour monter, il suffit de se tenir près des rails du tramway. Mais Alphonse est un franc-tireur. Il n’a pas l’oreille de l’Empereur contrairement au baron Haussmann et à ses amis de la Finance. Sous la pression de ce consortium, les dix entreprises qui gèrent les omnibus de Paris se regroupent, pour former l’Entreprise générale des Omnibus. En guise d’indemnité, Alphonse reçoit 697 actions de 500 F chacune de la nouvelle compagnie, plus 25% des bénéfices. Si on ajoute les royalties de son brevet, ce n’est pas un malheureux. Mais, ses intérêts sont écornés.Alphonse Loubat n’a pas la cote auprès de l’Empereur et de sa cour. Il est un républicain convaincu. Sous l’étiquette « Républicain Démocrate » il aura occupé le poste de maire de Sèvres de 1854 à 1858. Il était un grand admirateur de la démocratie américaine. Sa profession de foi est inscrite dans un livre qu’il a publié en 1848. « De la Constitution à donner à la France Républicaine. » En septembre 1866, Alphonse Loubat meurt brusquement. C’est peut-être en Amérique qu’il sera le plus regretté. Le « New York Times » du 14 octobre 1866 écrit : « Alphonse Loubat était un homme extrêmement intelligent. Il était très respecté tant ici qu’à Paris pour ses qualités de tête et de cœur ».