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Henri Despeghel, 1919–2021
Henri Despeghel était le dernier membre de la section locale des Anciens Combattants à avoir connu la seconde Guerre mondiale. Sa disparition, c’est une page histoire qui se tourne. Mais l’ancien soldat était plus que cela. Il tenait dans sa ville d’adoption une grande place. Il était un exemple pour les générations qui l’ont suivi.
Henri Despeghel est né, juste après la Grande guerre, à Coudekerque-Branche, tout près de Dunkerque. Son histoire, c’est celle du siècle écoulé. Quand il a sept ans, ses parents décèdent dans un tragique accident. Il est placé à l’Assistance Publique. Dès l’âge de quatorze ans, il rejoint une ferme, à Cassel, comme ouvrier agricole. Ni vacances, ni jours fériés, il travaille tous les jours de la semaine y compris le dimanche. Comme seul loisir, il est autorisé à s’absenter deux heures pour assister à la messe dominicale du bourg voisin. Ses dix-huit ans révolus, Henri profite de l’occasion pour s’engager dans l’armée. Le voici soldat, au 23e Régiment d’infanterie coloniale, à la caserne « Loursine », boulevard du Port-Royal, à Paris. Le 14 juillet 1939, il a l’honneur de défiler sur les Champs-Élysées avec son régiment. L’ancien ouvrier agricole se révèle très habile dans le maniement des armes. Il est détecté comme excellent spécialiste du « mortier de 60 ». Au début de la guerre, il est envoyé à Perpignan comme instructeur des jeunes soldats sénégalais que la France avait alors mobilisés.
En mai 1940, il est engagé dans une zone de combat, du côté de Sedan et Montmédy.
C’est précisément à cet endroit que les troupes d’Hitler ont choisi d’attaquer. Beaucoup de ses camarades vont y laisser la vie. Henri sera seulement prisonnier, puis déporté en Allemagne. Il connaît les dures conditions du tristement célèbre Stalag VIIIC de Sagan, à l’extrémité de l’ancienne Allemagne de l’Est. Il connaît la faim, le travail dans le froid, le stalag sans chauffage. Il est très pessimiste sur ses chances de survie. Mais, Henri, qui est bilingue, parle parfaitement le flamand. Assez vite, il deviendra l’un des rares prisonniers du camp capable de s’exprimer en allemand. C’est un avantage ! C’est ainsi qu’on lui propose un travail dans une ferme de ce qui fut l’Allemagne de l’Est, à la frontière tchécoslovaque. L’ancien ouvrier agricole reprend son métier de l’adolescence, s’occupant des vaches, des cochons, conduisant les chevaux ou le tracteur. Il devient l’homme de confiance de son patron, mange à sa fin et dort au chaud. « Le patron était un ancien combattant de la première guerre mondiale où il avait perdu un poumon », racontait l’ancien prisonnier. « Il aimait Hitler, mais n’aimait pas la guerre ! il disait Krieg nicht gut ! » Ces quatre années de captivité, sans être un bonheur total, ne furent pas une épreuve si douloureuse pour le jeune Français. En février 1945, l’armée russe s’empare du secteur : « C’était des Mongols avec de tout petits chevaux très nerveux. Ils se déplaçaient à skis et leurs avions – qui étaient aussi tout petits – avaient des skis à la place des roues ». Bientôt, Henri Despeghel va être renvoyé dans ses foyers avec les moyens du bord. C’est en wagons à bestiaux qu’il rejoindra Bruxelles, avant de reprendre un train pour Lille.
En 1947, Henri rencontre Renée, avec qui il va fonder une famille.
De retour en France, Henri va se marier avec Renée en 1947 et fonder une famille.
Il va faire beaucoup de métiers : la cordonnerie, l’enfournage des pièces dans une briqueterie, chauffeur-livreur et, pour finir, docker professionnel sur le port de Dunkerque. C’est là que renversé par un engin de chantier, il frôle la mort. Mais l’homme est coriace ! Il va survivre ! À sa retraite, il choisit d’habiter Mons-en-Barœul. Il s’intègre facilement dans sa nouvelle commune.
Il devient un pilier du foyer Douliez où se réunissent les anciens. Lors des interminables parties de belote, il n’est jamais désigné autrement que par « Monsieur Henri ». On retrouvait Henri Despeghel dans toutes les grandes manifestations de sa commune d’adoption. Il n’a jamais raté aucune cérémonie patriotique au monument aux morts. Les années passant, il était devenu le doyen de la section et le dernier témoin de cette époque tragique que fut la seconde Guerre mondiale.
Ces derniers temps, il était devenu philosophe. « Quand on ne sera plus là, nous et la génération suivante, on ne parlera plus de tout ça » confessait-il. « C’est dommage de tout oublier : Il y a ceux qui ne savent pas, ceux qui ne savent plus, ceux qui n’ont jamais su et ceux qui ne veulent pas savoir. Je me suis adapté pour survivre mais je n’ai rien oublié. » Mais ceux qui l’ont connu n’oublieront jamais Henri Despeghel. Il incarnait un siècle d’Histoire. Il était un modèle pour les générations futures.