La ferme de Louis XIV, un morceau de l’Histoire de la France, aujourd’hui disparu, Fives, 59000

La ferme de Louis XIV, un morceau de l’Histoire de la France, aujourd’hui disparu, Fives, 59000

Cette ferme dite de « Louis XIV », car elle abritait le monarque lors du siège de Lille est associée à l’Histoire de la ville. C’est dans ses murs que fut rédigé et signé le traité qui, pour la première fois, faisait de cette capitale des Flandres une possession française. C’était aussi un bâtiment remarquable, fleuron de l’architecture rurale de la Flandre du XVIIe siècle.

Ferme dite de Louis XIV, rue de Lannoy en 1890 © Bibliothèque municipale de Lille

Au printemps de l’année 1667, lorsque le roi de France, Louis XIV, prépare son armée en vue d’envahir la Flandre méridionale, la ferme de Fives, construite en 1661, rue de Lannoy, au niveau de l’actuelle rue Montagnards, a tout juste six ans. C’est une jeunette ! Elle appartient au sieur Dumoulin, un riche fermier. C’est une « hofstède » flamande : un ensemble fonctionnel établi autour d’une grande cour rectangulaire ceinte de murs et de bâtiments disjoints, pour éviter la propagation des incendies. De ce point de vue, cette ferme de la rue de Lannoy est à la pointe de la modernité. Contrairement à celles des siècles antérieurs, construites en torchis, celle-ci possède des murs où se marient la pierre et la brique moins vulnérables au feu, et plus résistants aux épisodes de gels, très fréquents dans la région du Nord. La ferme du sieur Dumoulin est bâtie pour durer pendant des siècles.

L’armée française en repérage devant les murailles de Lille en 1667

Le 8 août 1667, l’avant-garde des troupes françaises se présente devant la place de Lille suivie, deux jours plus tard par le roi en personne. Il s’installe à Loos, à l’ouest de la ville. L’autre partie de l’Armée française de 35 000 hommes est installée à l’est, du côté de la commune de Fives. Le maréchal de Turenne, commandant en chef, a établi son quartier général dans une grande ferme de la rue de Lannoy. Il n’avait qu’un choix limité. Le général espagnol, Spinola, qui commandait la garnison de Lille, avait, en prévision du siège, fait incendier la plupart des habitations des villages avoisinants et nul ne connaît les raisons pour lesquelles la ferme du sieur Dumoulin avait échappé au carnage.

Les Français, ne sont pas les bienvenus !

Mais, armé d’une simple escopette, le fermier n’est guère en mesure de résister. Il fait contre mauvaise fortune, bon cœur ! Bientôt, Louis XIV décide de rejoindre Turenne et s’installe aussi rue de Lannoy. Ce déménagement du roi n’est pas anodin ! En ce début août, les troupes royales se sont déjà rendues maîtres de Charleroi, Tournai et Douai. C’est au tour de Lille. De nombreuses autres villes flamandes figurent sur la feuille de route du roi. Louis XIV est pressé ! Ce transfert du camp royal est un retournement dans la stratégie du siège de la ville. Les vieux généraux expérimentés sont partisans de lancer l’offensive par l’Ouest où les murailles sont les plus faibles, mais où le sol est marécageux. Ils prévoient un siège d’un petit mois. 

Un ingénieur du roi de trente-quatre ans, Sébastien le Prestre, dit Vauban, est d’un avis contraire : attaquer à l’Est. Il se fait fort de se rendre maître de la place en quinze jours seulement. Vauban a beau être remarquable par sa bravoure et son intelligence, il n’a pas la confiance de ses supérieurs qui se méfient de ce transfuge de l’armée bourguignonne. Le roi, pressé, tranche pour l’Est et pour Vauban. Le jeune officier, qui a fait le tour des remparts à cheval a son plan ! Si la muraille des portes de Fives, de Roubaix et de la Noble-Tour est imposante, elle n’a guère évolué depuis 1415. Elle n’a pas été rejointoyée depuis des lustres. Elle ne devrait pas pouvoir résister aux puissants canons du roi. Le solide plateau calcaire qui lui fait face est idéal pour creuser des tranchées permettant de s’approcher à couvert. Enfin, il existe deux routes (Porte de Fives – Tournai et porte Saint-Maurice – Roubaix) qui empruntent les lignes de crête de Fives et Mons-en-Barœul. Surmontant les terres marécageuses, elles sont parfaites pour le charroi des lourds canons du roi.

Sur les hauteurs de Fives, le roi Louis XIV et son Etat-Major. Le paysage est rural. Il n’y guère que l’abbaye qui soit construite. En arrière-plan, la ville de Lille, Adam-François Van der Meulen, 1667.

Pendant une semaine, Vauban prépare l’attaque

Le 18 août, il fait ouvrir une première tranchée entre la porte Saint-Maurice et celle de Fives, puis, une deuxième face au bastion de la Noble-Tour. Lille est conquise en moins de dix jours. Le roi va noter dans ses mémoires : « Jamais le siège d’une place de cette étendue, de cette force et de cette importance, munie abondamment d’hommes, de vivres et d’armes, n’avait été mené si brusquement… » C’est le début d’une grande carrière pour Vauban. Mais pour la ferme de la rue de Lannoy, l’histoire ne s’arrête pas là. C’est dans ce lieu – déjà en terre royale, en quelque sorte – que sera discuté et signé l’acte de reddition de la ville par lequel, Lille, l’une des capitales de la Flandre, devint française pour des siècles… 

Il ne reste rien de ce bâtiment remarquable, quintessence de l’architecture des fermes de la Flandre du XVIIsiècle et symbole historique de première importance. En mars 1897 un incendie va gravement l’endommager. Après-Guerre, elle sera rasée pour laisser place à un programme fonctionnel. « Nous avons la tristesse d’enregistrer la démolition de cette ferme historique. Le Ville aurait dû l’acheter… Nous vivons une étrange époque où l’administration des cités est confiée soit à des étrangers qui en ignorent le passé et en méconnaissent les traditions soit à des citoyens pour qui ces choses n’existent pas ! », écrit le Grand Hebdomadaire Illustré du Nord de la France, (08/08/1920). Ce jugement sévère pour Gustave Delory, le maire de l’époque, n’est sans doute pas sans arrière-pensée politique. En même temps, alors que dans certains endroits comme Ypres ou Bailleul, on reconstruisait les villes à l’image du passé, à Lille, on était à la recherche du moderne et des économies. Avec le recul d’un siècle, pendant lequel la notion de patrimoine va se développer auprès des Français, cette critique prend une résonnance contemporaine. 

La ferme de la rue de Lannoy, à Fives, au début du XXe siècle.

Bibliographie : L’excellent article du journal La Voix du Nord du 27 Juillet 2013, intitulé : « Quand Louis XIV prenait ses quartiers d’été à Fives », malheureusement non signé… probablement l’œuvre du correspondant local de l’époque.

Pour approfondir :

Vie et mort de la ferme « Louis XIV », rue de Lannoy, 59000

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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Un commentaire

  1. Merci pour cet article. Sur la gravure « L’armée française en repérage devant les murailles de Lille en 1667 », la rivière qui se dirige vers Lille, est-ce la Chaude Rivière? Sur la même gravure, face à cette rivière, on distingue le beffroi de la halle échevinale (plus haute tour de la ville), au 1er plan l’église St Sauveur (à droite du beffroi, dans le prolongement de la rivière), le clocher de l’église St Etienne à gauche de la halle échevinale, puis un peu plus à gauche, le palais Rihour, et enfin à l’extrême gauche, le clocher de l’église Ste Catherine. Le grand bâtiment à l’extrême droite je ne l’identifie pas.

    NDLR : Merci pour cette analyse fine à laquelle je souscris. Je suppose que ce dessin date des premiers jours du siège, lorsque le Roi se trouve encore à l’Ouest de la ville. Pour le bâtiment à droite de l’église Saint-Sauveur, je suis perplexe. Sur un plan d’époque, il n’y a rien, à part la Porte Saint-Sauveur, qui, sur le plan est dessinée en assez petit.

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