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Le fort Macdonald de Mons-en-Barœul (59370), enceinte militaire reconvertie en bâtiment municipal, III/IV
Pendant 34 ans, à l’instar du « Château des Tartares », le Fort a attendu un ennemi qui n’est jamais venu. Lorsque ce dernier est arrivé enfin, en 1914, l’état-major n’a pas jugé utile de défendre la Place. Le bâtiment va connaître divers usages, pour l’armée française, comme pour celle d’occupation. Dans les années 1970 le fort sera racheté par la Ville, puis transformé en Centre municipal polyvalent.
En 1914, l’événement si redouté pendant plusieurs décennies se produit : l’armée allemande est aux portes de Lille !
Cela fait bien des années que les places fortifiées, forts et murailles n’ont plus la cote en France, auprès de l’échelon politique. Le commandement militaire est le reflet de ce changement. La décision de défendre le « Camp retranché de Lille » ou de l’abandonner à l’ennemi donne lieu à une situation confuse et conflictuelle. La ville sera finalement défendue a minima tandis que les forts de ceinture seront laissés à leur sort. L’armée allemande s’en rendra maître sans avoir besoin de tirer le moindre coup de fusil. Entre 1914 et 1918 le fort monsois deviendra une prison pour les civils des communes d’Hellemmes, de Lille et de Mons-en-Barœul ainsi que pour les soldats britanniques ou portugais, capturés sur le front. Entre les deux guerres, de 1931 à 1939, le bâtiment va accueillir une très sympathique compagnie colombophile, avec ses militaires et ses oiseaux.
En mai 1940, l’armée allemande est de retour !
Elle prend possession du fort Macdonald, dans les mêmes conditions de confort que lors de la précédente guerre. Cette fois, elle en fera un lieu de stockage et de logistique, avec un poste de DCA, reprenant un usage français. En 1944, lorsque l’armée française réintègre les lieux, les pigeons ne sont plus à la mode. Le grésillement des postes de radio émetteurs – récepteurs, remplace désormais le doux roucoulement des volatiles. Le fort va héberger « l’Établissement Régional du Matériel des Transmissions » ! L’EMRT 802, a pour mission la maintenance du matériel, la formation du personnel du Chiffre et des Transmissions ainsi que la communication avec des lieux d’opérations très éloignés comme le Vietnam (Guerre d’Indochine). En 1962, l’Armée déserte définitivement le vieux fort qui n’a plus aucune utilité à ses yeux.
En 1973 elle le revend à la municipalité
(Raymond Verrue) pour une somme modique, (450 000 Fr.) … et non pas un franc symbolique, comme il est écrit un peu partout, pour raison de recopie hâtive d’articles de l’époque… mal renseignés. La municipalité suivante (Marc Wolf) va reprendre à sa charge l’idée et la mener à bien.
Ce projet de rénovation d’aménagement et d’adaptation du vieux bâtiment de la fin des années 1870 dépasse l’enjeu d’un équipement municipal, il possède aussi une dimension d’aménagement du territoire. Au début des années 1980, le journal La Voix du Nord explique la situation comme suit : « Laisser le fort à l’abandon, c’était transformer l’ensemble en dépôt d’ordures et en repaire de brigands. Il fallait éviter que le fort Macdonald ne devienne un noyau de pourrissement, un lieu dangereux à la périphérie de l’une des ZUP les plus denses et les plus problématiques de l’agglomération. » Cette nouvelle acquisition par la mairie est un « gros morceau » : plus de huit hectares de terrain, dont cinq mille mètres carrés de bâtiments. Pour aménager la zone, certains ne manquent pas d’imagination. Ils iront jusqu’à proposer de recouvrir l’antique bâtiment militaire d’une immense motte de terre, à la manière d’un Tumulus romain, et de créer de toutes pièces une colline artificielle. Mons-en-Barœul serait devenu, à cette occasion, le point le plus haut de toute l’agglomération urbaine dont il aurait constitué une attraction. Mais, le projet avait aussi bien des inconvénients. Il aurait acté la destruction d’un magnifique vestige de l’architecture militaire du XIXe siècle et il était surtout très onéreux. Le maire, Marc Wolf, et son conseil municipal, décident beaucoup plus sagement, d’aménager le lieu à partir de l’existant.
Un appel d’offres est lancé.
Trois projets seront retenus pour la compétition finale : ceux des architectes Christiaens, Segers et David. Leurs budgets respectifs représentent 8 380 000 Fr., 9 550 000 Fr. et 9 265 000 Fr. Leurs trois propositions sont très différentes. Le projet Christiaens, très audacieux, veut recouvrir la cour centrale d’une verrière. Elle deviendrait ainsi un immense espace polyvalent, complémentaire du bâti existant. Le projet n’est pas très onéreux. Il est esthétique, quoique réinterprétant très librement l’architecture militaire d’époque. Il a surtout l’inconvénient d’être très cher à chauffer et d’être très exposé aux actes de vandalisme. Dans le projet Segers, la structure est revue de fond en comble. Les fossés sont transformés en voies routières pour permettre aux cycles et aux automobiles d’accéder à des parkings creusés à ras de ce qu’il reste du fort Macdonald. Pour décorer le sommet herbeux du bâtiment, un projet paysager avec plantation d’arbres est dessiné. C’est aussi le cas pour le projet David… même si la proposition ne sera jamais mise à exécution. Ce dernier projet séduit énormément la commission d’études, le maire et son conseil municipal. Il respecte le plus possible le bâtiment, le rénovant efficacement et ne l’adaptant que dans certains endroits, dans le respect du style de l’époque. C’est lui qui sera retenu en février 1980. Les travaux vont pouvoir commencer.
Le nouvel équipement municipal de « Centre d’activité socio-éducative et culturelle »
va être inauguré en grande pompe, début juin 1984. Le programme festif est à la hauteur de l’événement : danse et musique par les enfants des écoles, portes ouvertes et visites guidées, organisation d’une course à pied « les Foulées monsoises » (elles existent toujours), concert par l’Harmonie municipale et une chorale de la paroisse, danse et musique avec quatre orchestres différents, démonstration du groupe local de majorettes et envol de deux montgolfières convoquées spécialement pour l’événement.
Si le transfert dans ces lieux rénovés des Centres aérés et des organismes de Colonie de vacances ne suscite aucune critique, en revanche, le déménagement de la Bibliothèque et de l’École de musique de la rue du général de Gaulle, dans le Vieux Mons, vers ce lieu proche du tout nouveau quartier permet à l’opposition d’enclencher une vive polémique. Mais, il y a aussi beaucoup d’avantages à posséder ce nouveau bâtiment. Il va pouvoir accueillir, en plus, de nouvelles salles de spectacle et d’exposition, des locaux associatifs et même un restaurant inauguré solennellement en présence du Maire et des autres élus en février 1985. Au cours des années, les équipes municipales qui se sont succédées ont prolongé cet élan des années 1980. Le restaurant existe toujours. L’ancien pas de tir des pièces à longue portée a été transformé en théâtre de verdure – « Les Jardins de Thalie » – avec tout autour des gradins qui rappellent un amphithéâtre grec. On y a donné des concerts, des opéras et des spectacles son et lumière. On peut venir au fort pour le visiter, voir une exposition, venir au spectacle, déjeuner… et même se marier !
Naturellement, l’entretien d’un bâtiment d’une telle dimension demande des investissements considérables… d’autant plus que la végétation qui le recouvre a fragilisé un certain nombre de voutes qui commencent à fuir. Pour remettre le vieux fort aux normes modernes de la construction et pour le pérenniser la municipalité a prévu un plan d’investissement de trois millions d’euros réparti sur trois ans.