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Michel Butor est probablement le Monsois le plus connu de tous les temps.

Il est né, le 14 septembre 1926, au 139 de la rue de Roubaix devenue, au fil du temps, rue du Général de Gaulle. Sollicité aux quatre coins de la planète, pour des conférences, des rencontres… des hommages,  l’écrivain voyage une bonne partie de l’année. Pourtant, ce globe-trotter impénitent n’était jamais revenu, jusqu’à l’an dernier, sur son lieu de naissance. Au mois de mars 2011, il avait pu visiter sa maison natale. En mai 2012, l’exposition photographique de son ami Maxime Godard («En compagnie de Michel Butor »), lui a fourni un bon prétexte pour revenir à Mons. Ainsi a-t-on pu recueillir ses impressions sur sa première visite et ce que représente la commune, pour lui.

Michel Butor
Michel Butor

Est-ce que la visite de votre maison natale à ravivé vos souvenirs ?

Je n’ai pratiquement pas de souvenirs de mon enfance.  Mons-en-Baroeul, pour moi, c’est une enfance oubliée. Je l’ai quittée lorsque  j’avais 3 ans. Je devrais avoir des souvenirs plus précis que ceux que j’ai. Quand je suis revenu dans cette maison, l’an dernier,  je me suis imaginé marchant à quatre pattes sur ce carrelage mais ce n’était pas de vrais des souvenirs. Il y a quelque chose qui s’est recouvert. Qu’est-ce qui fait que j’ai aussi peu de souvenirs de ce temps-là ? Il y a toutes sortes de choses qui sont venues par-dessus : la vie parisienne, la guerre… peut-être, qu’un jour, tout d’un coup, une image me reviendra

Vous aviez totalement oublié Mons ?

Le nom de Mons-en-Baroeul a toujours été très important pour moi. A à chaque fois que j’avais à remplir des papiers, je devais donner mon lieu de naissance. Comme Mons-en-Baroeul a une orthographe tout à fait particulière, les employés de mairie avaient beaucoup de difficultés avec ce « o » dans l’ « e »»…  « u, l». C’est un groupe qui, dans la langue française correspond à un certain nombre de mots très importants. Surtout le mot « cœur » ! C’est magnifique ! Mon cœur y est attaché de toute façon ! Il doit quelque chose à Mons-en-Baroeul et à sa lumière. C’est quelque chose qui m’avait frappé lorsque j’étais  revenu dans le Nord – sans jamais  revenir à Mons –,  la lumière des rues. C’était pour moi la lumière normale. Tout le reste, était un peu exotique, même Paris. Pourtant j’ai passé toute mon enfance et ma jeunesse à Paris. Mon éducation est parisienne. Il y a une espèce d’horizon, ici, de degré zéro à partir de quoi tout le reste se mesure.

Est-ce que Mons-en-Baroeul vous appartient un peu plus désormais ? Est-ce que votre maison natale fait partie de votre imaginaire ?

Elle fait partie de mon imaginaire ! Tout à fait ! Et puis, j’ai cette aquarelle qui m’a été donnée l’année dernière et qui est dans ma chambre. C’est une espèce de mémento de cette maison. Vous voyez, ce lieu de naissance, sur lequel j’avais écrit tant de fois, s’est rempli. Avant, c’était quelque chose de tout à fait vague et lointain, un peu imaginaire. C’est devenu quelque chose de concret… un peu la différence qu’il y a entre le noir et blanc et la couleur, un dessin très vague et un lieu habité, avec sa sonorité et ses  mouvements. J’ai reconstruit un morceau de mon passé. C’est une sorte d’accroche… un clou sur le mur. J’ai pu accrocher quelque chose à ce mur.

Propos recueillis par Alain CADET (membre des Amis monsois de Michel Butor)

Pétrification

De retour au pays natal
Pour quelques heures seulement
Le voyageur compte les briques
Du mur des années révolues…

Michel Butor