Retour de manivelle vers le passé, saison II : « le Retour » du Retour de manivelle, ZUP de Mons, 59370.

Retour de manivelle vers le passé, saison II : « le Retour » du Retour de manivelle, ZUP de Mons, 59370.

Le 16 avril 1988, « La Manivelle », le plus gros immeuble de la ZUP est détruit par implosion en quelques secondes. Cette décision municipale correspond à une volonté d’aérer la ville. Mais c’est aussi le symbole de l’urbanisation des année 1960 qui est visé. Les Monsois étaient venus nombreux pour assister à ce spectacle unique. Nous revenons sur ce sujet, traité il y a deux ans, avec de nouvelles photographies…

Un immeuble de 216 logements

qui se transforme en quelques secondes en 25 000 tonnes de gravats, c’est un spectacle peu banal. En cette année 1988, beaucoup de Monsois, avaient tenu à être présents. Ils se pressaient derrière les barrières de sécurité, avec sans doute l’arrière-pensée de pouvoir dire plus tard à leurs enfants ou leurs petits-enfants : « j’y étais » ! Du temps de la monarchie, le peuple était convié sur les places publiques pour assister à l’exécution des grands criminels, un spectacle terrifiant, quoi que pédagogique. Il indiquait à tout un chacun les dangers de s’écarter du droit de chemin. Mais que pouvait bien reprocher la municipalité de Mons-en-Baroeul d’alors à cet immeuble de « la Manivelle » ?   

Sans aucun doute d’être le symbole de la ZUP de Mons ! La ZUP, « zone à urbaniser par priorité », était une procédure administrative d’urbanisme des années 1960. Elle tentait de répondre à la grande pénurie des logements urbains. Les nouveaux quartiers ainsi créés et que l’on appelait par commodité les « ZUP » se caractérisent par de grandes barres ponctuées de grandes tours dans lesquelles s’entassent une foule de logements identiques. Ces zones, très denses, accueillaient en majorité une population issue de milieux modestes. Dès qu’un problème surgissait, la « ZUP » était montrée du doigt. De nos jours encore « les Quartiers » présentés par la presse comme des zones de non-droit et de délinquance sont dans leur très grande majorité d’anciennes ZUP. A Mons-en-Barœul, les habitants de ces nouveaux quartiers étaient volontiers stigmatisés par les habitants de la vieille ville et par la presse.

On les appelait « les Zupiens » ! Pire, les habitants eux-même de ces zones conquises sur les terres agricoles protestent contre la densification croissante de leur lieu de vie. Ils créent un collectif : « Halte au béton ». La politique municipale (Raymond Verrue) d’urbanisation de la ville est fortement contestée par son opposition (Marc Wolf), qui, en 1977, remporte les élections. 

C’est ainsi qu’en 1988, le même Marc Wolf avec des destructions partielles ou totales d’immeuble de l’ancienne ZUP, entend tenir ses promesses. Il veut aussi gommer le clivage entre la vieille ville et la nouvelle et les aprioris négatifs projetés sur la « ZUP ». Sur la Manivelle, promise à la démolition, il a fait poser une grande bâche sur laquelle il est écrit :

« la ZUP, c’est fini ».

Depuis cette date on ne parlera plus de « ZUP » pour désigner l’endroit mais de « Nouveau-Mons ». Dans cette foule pressée autour de l’immeuble se trouvait Hélène Soète, l’autrice des photos illustrant cet article. Elle habitait rue Emile Zola et venait d’acquérir un Nikon FM, un outil de prises de vues assez avancé pour l’époque. « On parlait beaucoup dans Mons de cet évènement », se souvient-elle. « Beaucoup de mes amies du Collège Rabelais où j’ai été scolarisée habitaient l’immeuble. La Manivelle, à cette époque c’était quelque chose de concret qui renvoyait à la vie des gens. Il y avait beaucoup de monde sur place ». Après une longue attente on perçoit un petit craquement puis une série d’explosions tandis que l’immeuble disparaît dans un nuage de poussières. La photographe « mitraille » l’événement. « J’ai photographié le début, puis j’ai eu un trou de quelques  secondes avant de me reprendre », explique-t-elle . « Le bruit de l’explosion et le nuage qui donnait l’impression qu’il allait vous engloutir étaient vraiment impressionnants. » Hélène a retrouvé dernièrement ces clichés au fond d’un tiroir. Ils ressemblent à des scènes de guerre. On n’est pas à la même échelle mais il fallait quand même du courage à ces Monsois des années 1980 pour aller affronter ce nuage toxique de ciment et d’amiante qu’il serait totalement interdit de déclencher de nos jours.

Galerie :

Pour aller à l’article initial :

Retour de manivelle vers le passé : l’implosion de l’immeuble « La Manivelle », ZUP de Mons (59370)

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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