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Depuis cent-deux ans, chaque onze-novembre, dans toutes les villes et les villages, on célèbre l’armistice qui a mis fin aux quatre années de souffrance et de mort de la Grande guerre. En cet instant où la pandémie est en plein rebond, la cérémonie de Mons s’est déroulée d’une manière très différente de toutes celles qui l’avaient précédée. 

Entre la version du 24 août 1924 et celle du 11 novembre 2020, c’est toujours le même cérémonie patriotique, le même lieu du square du Combattant, mais nous avons changé de Monde dans cette période marquée par les mesures de protection contre le virus qui tue des dizaines de milliers de personnes.

Nous ne nous vivons pas une époque qui soutienne la comparaison avec celle des années 1914–1918 : 1 400 000 morts au combat – rien qu’en France – en l’espace de quatre ans, 400 000 victimes supplémentaires des suites de de la « Grippe espagnole ». Malgré tout, nous vivons un moment tragique avec 42 000 décès en France depuis le début de la pandémie et un « Confinement » qui frappe de plein fouet les commerces et l’économie. En ce mois de novembre, l’épidémie repart de plus belle avec les services de réanimation qui sont saturés, le nombre de nouveaux cas qui explose, des courbes d’évolution de la maladie qui incitent au pessimisme et de nouvelles mesures restrictives destinées à endiguer le fléau. Dans ce contexte, l’organisation d’une cérémonie publique – même pour célébrer le devoir de mémoire – est un véritable problème.

Mons, a fait le choix de maintenir cette commémoration du 11 novembre, mais a minima :

moins de vingt personnes étaient présentes. Bien entendu le masque et les distances réglementaires étaient de rigueur, mais la cérémonie a bien eu lieu, avec le dépôt de gerbe et les discours officiels rappelant cette période de souffrance et de douleur.

Cette cérémonie de l’année 2020 était l’inverse de celle de 2018 – l’année du centenaire –, où plusieurs centaines de Monsois avaient fait le déplacement. Cette année, pas de Marseillaise ou de sonnerie militaire par l’Orchestre d’Harmonie, pas de Neuvième symphonie de Beethoven avec chorales, pas de poèmes lus, ni de fleurs déposées sur la stèle du monument par les enfants des écoles ! Le contraste entre cette étrange cérémonie du souvenir, sur fond de pandémie, et la version de 1924, qui fut celle qui suivit l’inauguration du monument, le 24 août , en présence de la quasi-totalité des habitants de la commune, est encore bien plus grand. Mais le plus important c’est sans doute d’avoir préservé ce lien entre les citoyens d’aujourd’hui et tous ces soldats qui ont donné leur vie pour sauvegarder cette liberté qui est restée la nôtre.

Le Discours du Maire

D’ordinaire, les cérémonies de commémoration expriment en temps de paix, dans une relative sérénité, un rappel à des temps plus troublés où des hommes, nos pères, nos grands-pères, faisaient la guerre à d’autres hommes, pères, grands-pères.

Elles rappellent aussi, au besoin, que les guerres ne sont pas que des histoires d’hommes mais aussi celles de femmes, d’enfants, de familles séparées, de vies brisées, de terres ravagées, de villes brûlées, de peuples martyrisés… 

Aujourd’hui, 11 novembre 2020, dans un contexte si particulier, nous tenions à être fidèles à ce rendez-vous au moins par la pensée car une part de notre esprit est ailleurs… occupé par les vicissitudes du temps présent. 

Nous n’avons pas, pour l’immense majorité d’entre nous, l’expérience, le vécu des générations passées, celles qui ont eu à traverser les grandes épreuves qui ont secoué le vingtième siècle.

L’expérience est, dit-on, une lanterne qui éclaire derrière soi et, lorsqu’une crise inédite survient, malgré tout ce que l’on sait ou croit savoir, on est surpris, désarmé, désemparé, on tâtonne, on cherche désespérément en quoi croire, quelle voix suivre. On commet peut-être des erreurs, on s’adapte douloureusement, on fait de son mieux, avec les moyens que l’on a…

C’est sans doute, ce qui se passa lors des premiers mois de la guerre 14-18. Les feux ravageurs de l’automne 1914 ne sont évidemment en rien comparables avec ce que nous vivons aujourd’hui sauf à reconnaître que la nature humaine reste, à travers le temps, la nature humaine ! 

En proie au doute, aux incertitudes du lendemain, nous devons faire preuve de vertus nouvelles… 

« savoir montrer autour de soi, malgré les tristesses de l’heure, une patience inlassable, une invincible confiance, c’est servir modestement mais non sans grandeur, les intérêts supérieurs du pays ».

Cette phrase ne s’applique pas à aujourd’hui ; elle servait d’entête à un journal clandestin « la revue de Lille occupée » publié et distribué sous le manteau durant la guerre de 14-18.

Il était alors recommandé de « brûler ces feuilles après les avoir lues ». Une grande partie du Nord se trouvait derrière la ligne de front du côté Allemand. Dès octobre 1914, tous les habitants de cette zone, dont les Monsois, furent soumis outre d’innombrables contraintes, réquisitions, restrictions, vexations, à un couvre-feu de 20h à 8h du matin. Autres temps, autres crises… aucune comparaison n’aurait de sens sauf à nous dire encore quelque chose de la résilience des sociétés et des individus. 

Ces cérémonies disent aussi et surtout que, si ces épreuves ont été surmontées, elles n’ont pas été oubliées… Elles demeurent, plus vraiment dans le souvenir, mais dans la mémoire et en cela, elles ont laissé des traces au long des années qui se sont écoulées, dans le cœur et l’esprit des hommes jusqu’à aujourd’hui.

Elles sont mêlées au présent, elles ont sans doute influé sur l’avenir comme l’ombre des grands arbres glisse successivement sur plusieurs générations d’hommes : le même arbre, une ombre changeante, mouvante… une ombre rejointe, combinée à d’autres…

Aussi, avons-nous choisi en cette année si particulière, d’accomplir avec quelques enfants, ce geste symbolique de planter un arbre sur ce square…

Il nous dira, nous l’espérons, la persistance de la mémoire mais aussi le lent travail du temps qui passe. Arbre de vie aux blanches fleurs de mai, comme relève aux saisons de fer et de sang qu’ont vécues les hommes que nous honorons aujourd’hui, ceux qui sont montés au front…

Le front avec ses arbres aux allures spectrales déchiquetés, calcinés, sinistres gibets auxquels étaient suspendus d’innommables débris…

Qu’est-ce qu’un arbre au milieu d’une guerre : du bois… mort, dont on fait des crosses de fusils, des affûts de canons, des casemates, des remparts… des croix pour chaque homme tombé… des dizaines de milliers de croix blanches plantées dans l’écorce de cette terre meurtrie à l’instar de ces arbres à clous, sur les troncs desquels, selon une ancestrale tradition des provinces du Brabant et du Hainaut, on cloue les marques tangibles des souffrances humaines en espérant en être délivré.

Hélas, ni les cimetières militaires, ni les monuments aux morts ne nous ont définitivement guéri de la guerre ; les poisons comme les remèdes sont en nous, c’est toujours à nous qu’il appartient de choisir… aux ombres et aux lumières de notre histoire ! 

Planter un arbre est un message résolument optimiste. Tels les arbres qui recouvrent aujourd’hui la colline de Vimy, ils sont le signe que l’on croit en un avenir de paix qui le laissera croître peut-être même au-delà de nous-même. Chaque cerne de bois entoure la précédente faisant l’arbre plus solide et la paix plus durable !

Sur le même sujet, on peut consulter l’article, sur ce même blog, relatant la cérémonie du 11 novembre 2019 et évoquant celle de 2018 :

http://blog.prophoto.fr/tag/11-novembre/

Galerie

Pendant le discours du maire de la commune
Le discours de Rudy Elegeest, maire de Mons-en-Baroeul
Jeunes spectateurs
Ancien combattant