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À la recherche du Petit Fort disparu… 59370
Dans le vocabulaire local, le « Petit-Fort » désigne la batterie annexe-nord, associée aux fort Macdonald de Mons-en-Barœul. Avec Jean-Yvon Beulque, Guy Selosse et Jacques Desbarbieux, nous nous sommes lancés dans une enquête avec échanges de mails, de photos, d’informations… de suppositions. C’est donc un travail à huit mains qui va suivre…
Il existe une littérature abondante sur le fort Macdonald de Mons-en-Barœul provenant de sources diverses et variées… Le seul endroit qui avait été très peu étudié était justement cette batterie annexe, encore appelée Petit-fort. En parler, dans diverses publications, n’était pas forcément une mauvaise idée…
Une enquête qui vient de loin…
Tout est parti d’une demande de Jean-Yvon Beulque.Il habite à Bersée, dans la Pévêle. Mais il a passé toute son enfance et son adolescence à Mons-en-Barœul, ville à laquelle il est resté très attaché. Il voulait obtenir des images du Petit-fort de son enfance et connaissait l’endroit où l’on pouvait les trouver : le disque dur de mon ordinateur ! Après avoir récupéré ces précieuses images, voilà Jean-Yvon reparti sur le lieu de ses exploits passés. Il effectue le voyage de Bersée à Mons. La conclusion de ce pèlerinage était très surprenante ! Pour lui, il était bien possible que le Petit fort soit toujours là comme l’attestait un monticule de terre au bout du sentier. Un après-midi, nous voici repartis vers l’endroit désigné. Pour atteindre le lieu de la petite redoute, Jean-Yvon a sa méthode. Nous avons crapahuté sur la pelouse qui fait face à la rue de Bourgogne en suivant la ligne sinueuse des arbres. Il n’y a plus de chemin, seulement de l’herbe, mais ces arbres suivaient jadis le sentier qui menait au Petit fort. Effectivement, au bout on trouve un monticule ! Mais est-ce bien là le lieu où on avait construit la batterie-annexe ? Ou bien était-ce 100 ou 200 m plus loin ?
La campagne de fouilles et de constructions de 2010 – 2011
Ceux qui avaient vécu cette campagne restaient sceptiques. En effet, le chantier de fouilles de l’INRAP avait découvert des maçonneries de l’édifice. Il avait été convié par l’entreprise de BTP suite à « un projet de construction de logements sur une surface de 9 480 m2, à Mons-en-Barœul à proximité du fort Macdonald ». Le rapport poursuit sur l’existence « à l’ouest d’un ouvrage annexe du fort constitué d’une levée de terre englobant un petit édifice maçonné (le « Petit Fort »). Encore visible au début des années 1970, le bâtiment est apparu après décapage ponctuel très mal conservé (voutes effondrées). » Il était bien clair que le « Petit Fort » était inclus dans le périmètre des travaux.
Lorsque en 2011, le chantier démarre, l’entreprise, sans doute dans un souci de discrétion, entoure la parcelle d’une palissade de tôles d’une hauteur de 3,50 m qui la met hors des regards indiscrets : un vrai coffre-fort ! C’est sans compter sur les aléas du hasard ! Pour fêter son anniversaire, Guy Selosse, très concerné par l’histoire du Petit Fort, effectue un vol en montgolfière au départ de Marcq-en-Barœul. Les caprices des vents conduisent l’engin aérostaté, juste au-dessus du chantier. Naturellement, Guy prend des photos qui mettent en avant un endroit excavé avec des grues autour qui semblent correspondre exactement à la position de l’ancienne fortification. D’où un certain pessimisme quant à la possibilité pour ce Petit Fort d’avoir été sauvegardé, même partiellement.
Photos, cartes, plans et Google-map
Ce n’est pas parce que l’on a des doutes qu’il est interdit de vérifier. Nous possédions une photo de l’édifice datant des années 1960, où le paysage est entièrement dégagé. On y voit le Petit Fort, puis le cimetière et enfin le central téléphonique. Normalement, en réalisant la même photo aujourd’hui, il devrait-être possible de localiser l’endroit exact où était bâti l’édifice.
Grâce à l’obligeance du bailleur social de l’immeuble de la rue du Béarn, d’où la photo de 1960 a été prise nous avons pu réaliser le même cliché en 2022. Malheureusement la végétation masque le paysage. Par cette méthode, il est impossible de tirer la moindre conclusion.
En matérialisant cet axe de prise de vue entre l’immeuble de la rue du Béarn et le Central téléphonique (situé à 467m du lieu de prise de vues), on voit que cet axe traverse le nouveau lotissement de la rue Paul Milliez et que le petit fort est vraisemblablement situé entre deux immeubles nouvellement construits à 171 m de ce même lieu.
A partir d’un calque effectué à l’aide d’un plan des lieux du Génie datant de 1905, ou on distingue parfaitement la forme du bâtiment principal et celle du Petit Fort et leurs positions relatives. Quand on reporte ce calque sur Google Map, on trouve une position identique à celle de la méthode précédente.
Conclusion : Nous sommes tous d’accord pour dire que le Petit Fort se trouvait dans une zone où sont érigés désormais deux bâtiments de la rue Paul Milliez. Comme il y a environ 35 m entre ces deux bâtiments, Jean-Yvon, qui a passé toute sa carrière dans des cabinets d’Architecture, est persuadé qu’il reste des morceaux du Petit Fort sous la pelouse. Le dossier du Petit Fort est probablement refermé pour longtemps…
L’avis de l’expert
Le point de vue de l’expert
Par Guy Selosse
Etude des documents INRAP
Dans son rapport de diagnostic et selon son habitude, l’INRAP fait figurer ces deux plans (en pièces jointes) superposant l’emprise du chantier de fouilles sur les cadastres actuels et anciens (1905).
Pour plus de clarté, je me suis amusé ci-dessous à souligner en vert sur le plan 3 (celui avec le cadastre de 1905), le périmètre du terrain militaire tel qu’il figure sur les plans du Génie, précisant l’emplacement exact de la Batterie (à comparer avec les autres plans dessous).
Ce périmètre est facile à déterminer, il est délimité par les « Bornes de servitude » ou « Bornes Militaires » (BM x, sur le plan) n° 4 à 19.
Les bornes n° 10 à 15 délimitaient le terrain de l’aqueduc dont je n’ai représenté qu’une partie, ce n’est pas là l’intérêt.
On peut également effectuer une comparaison avec cet extrait du « plan de feux » du Fort de Mons établi lors de l’inventaire de 1905 par le BCSL et détenu au Musée des Canonniers à Lille.
Ce plan montrant la Batterie annexe nord, bien qu’à l’échelle, est plus sommaire, mais il a l’immense avantage de bien montrer la forme de la batterie, dans ses plateformes et terrassements, et surtout la position centrale de sa traverse abri comme la montrent les photos contemporaines.
1ère conclusion :
Le massif de maçonnerie mis au jour par l’INRAP et repéré sur les plans 3 et 2 par une tache orange correspond parfaitement à l’emplacement de la traverse abri.
Il est situé dans leur tranchée de fouille n°7 (Tr. 7)
De plus sur le plan 2, il est symbolisé un talus (toutes proportions gardées) dont l’emplacement colle parfaitement avec celui des installations de la batterie.
Etude des photos INRAP
2ème conclusion :
Sur les photos 1 et 2 de l’INRAP prises au même endroit, on voit une maçonnerie formant un angle. Nous sommes au fond et à gauche de la traverse abri, regardant l’entrée.
Comme le prouve la mire graduée au sol, l’épaisseur du mur est au moins de 1,00m.
La position des briques en boutisse et légèrement inclinées suggère que nous sommes sur la paroi et à la naissance de la voûte de l’abri (voûte en plein cintre).
L’archéologue décape le terrain et commence ses fouilles à 70cm de profondeur. Cela montre que le sommet de l’abri a été arrasé puis comblé. Les débris étant les nombreux briquaillons trouvés à l’intérieur dans la couche.
Lorsqu’il trouve quelque chose, l’archéologue creuse plus profondément, c’est le cas des photos 3 et 4. Là nous sommes à l’entrée de l’abri, marquée par une imposante barre de seuil en pierre (cassée, on en voit qu’une partie). La perspective de la photo 4 permet d’évaluer la profondeur de l’abri (en réalité d’environ 9m d’après le plan). Sur la droite de la photo on voit l’extrémité du plein cintre (la naissance de l’autre côté), avec un gros morceau effondré. On devine donc l’amplitude de l’ouverture de l’abri et toujours à l’aide de la mire graduée, on retrouve bien les (environ) 5m du plan.
La photo 3 (prise à l’entrée) montre la pierre de seuil, le sol de l’abri (en terre damée) et la base du mur de brique (droit sur environ 1m) avant la naissance de la voûte.
3ème conclusion :
- Il n’y a pas lieu de voir dans ces vestiges de maçonnerie le sommet d’un « couloir de service ». Il s’agit bien d’un morceau de mur (pied droit).
Si une telle « galerie de circulation souterraine » existe, elle est enterrée bien plus profondément et pas à 70cm sous le niveau du sol actuel et son accès se ferait par un puit (avant de partir à l’horizontal) comme dans les caponnières (qui ont chacune un puit de descente).
- Les briquaillons et niveaux de briques également mis au jour par l’INRAP notamment dans leur tranchée n°9 n’ont rien à voir avec la briqueterie du Fort. Celle-ci se trouvait bien plus loin à l’emplacement du nouveau cimetière (voir plan n°3). Il aurait été incohérent d’aménager une briqueterie à l’endroit même où l’on devait construire la batterie. Il peut aussi s’agir de dépôts sauvages ultérieurs avant le remblaiement.
- Sur le plan n°2 de l’INRAP, on voit que plusieurs tranchées de fouilles ont été faites. Les premières (Tr.1 à 5) menées à l’est, comme les dernières à l’ouest (Tr. 6, 8, et9 y compris un sondage profond) n’ont rien mis en évidence.