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Archéologie du Coron des 72, Anzin, 59410
Le Coron des 72 se trouvait entre le Siège de la Compagnie d’Anzin et la fosse Saint-Louis, l’une de ses 20 fosses en activité du temps de Zola. Aujourd’hui, il n’en reste que des souvenirs lointains chez les vieux riverains de la rue Pierre Mathieu, voisine, et quelques traces ténues qu’il faut savoir interpréter…
Pour savoir ce qu’est devenu le Coron des 72
la première méthode est de demander à Internet qui sait tout. Mais, lorsque l’on tape, « Coron des 72 », on obtient une foule d’images du « Coron des 120 » !? Rien sur les 72 ! En fouillant avec obstination les bas-fonds de Google, on peut, éventuellement, en découvrir une ou deux. Elles proviennent exclusivement de ce site ! Pourtant 120, ce n’est pas le même nombre que 72 ! C’est évident ! Les 120 sont situés plus loin : à cheval avec la commune voisine de Valenciennes.
Rien de tel que la méthode, à l’ancienne, qui consiste à se rendre sur place. Quand on arrive à Valenciennes, au niveau de la Croix d’Anzin, on prend la route qui mène vers la frontière et Condé-sur-Escaut. A Anzin, au niveau de ce qui fut le Siège de la Compagnie des Mines, on tourne à gauche, rue Pierre Mathieu. Quand on a connu l’endroit, dans les années 1980 et même dans les années 1990, on est très surpris. Les immeubles qui abritaient la Direction et les Bureaux, deux bâtiments cossus typiques de la moitié du XIXe siècle ainsi que la grille monumentale ont été rasés. Cela n’est guère du goût des quelques vieux habitants de la rue Pierre Mathieu avec qui j’ai pu m’entretenir. Les hangars et les entrepôts sont toujours debout. En longeant la rue Pierre Mathieu, on découvre que l’immense bâtiment a été vendu « à la découpe ». Certaines parties sont déjà à revendre, d’autres à louer, d’autres encore abritent des activités variées. A l’endroit où débouchait jadis le sentier qui longeait le Coron des 72 se trouve une maison de Retraite qui barre le passage. L’Etablissement a privatisé la majorité des places de parking de la zone. Il est bien loin le temps où Zola y garait tranquillement sa calèche !
Désormais, dans le secteur, l’exploitation des vieux a remplacé celle de la houille ! Une charmante dame de la rue Pierre Mathieu, qui y a toujours vécu et qui a connu tous les habitants du Coron des 72, m’a donné le mode d’emploi pour rejoindre un morceau de l’empreinte de l’ancien bâtiment. On longe les murs de l’EPHAD, puis, on tourne à droite. On suit une rocade qui a pris la place de l’ancienne voie ferrée. Celle-ci servait à relier les fosses de la Compagnie d’Anzin pour acheminer la houille vers la gare de Valenciennes. Remplacer une voie ferrée qui assurait la liaison des communes du coin par une route, c’est plutôt futé ! Le hic, c’est qu’il n’y a pas de trottoirs et que pour emprunter le bas-côté, avec les voitures qui circulent, il faut être très prudent. On longe d’abord la clôture du parc de l’EPHAD qui a remplacé le Coron, sur quelques centaines de mètres. On y distingue une allée, quelques bancs, mais pas un seul pensionnaire. Il faut dire que malgré le soleil et un temps plutôt clément, il fait quand même un peu frisquet. Le parc dépassé, on accède enfin à une grande pelouse où, jadis, se dressait un morceau des bâtiments du Coron.
Il n’en existe plus la moindre trace. Désormais, la vue est dégagée et les imposants hangars de l’ancienne Compagnie dominent une pelouse bien entretenue. Il existe un sentier pour les piétons, au milieu. Il est possible qu’il suive le tracé d’un des chemins qui faisaient le tour des 72. A part, l’accès, un peu délicat, c’est vraiment un coin de nature sympa. Ce doit être le paradis des enfants et des chiens du secteur. C’est aussi un endroit fragile. La parcelle pourrait bien tenter un jour un promoteur qui la remplacerait par un gros cube de béton.
Au bout du chemin j’ai aperçu un Coron. Ma mémoire m’indiquait qu’il s’agissait des 30. Aux alentours du début des années 1980, les deux bâtiments se ressemblaient beaucoup. En ce temps là, on suivait le chemin des 72, jusqu’à le dépasser. On tournait à gauche, passait sous le pont de chemin de fer et, à droite, on trouvait les 30 ! Désormais, il suffit de traverser la rue pour s’y rendre. A l’arrière, les petits bâtiments des jardins ont été agrandis et accolés aux logements. Ils constituent une petite pièce supplémentaire.
Pour les avoir visités, il y a longtemps, je sais que ces logements ne sont pas très grands : une pièce au rez-de-chaussée et la chambre à l’étage. Mais, ce n’est pas pire et même sans doute plus agréable à vivre que les logements modernes entassés dans les centres urbains comme le recommandent les « Directives »de la Commission Européenne. Je suis content que les 30 aient été préservés mais c’est vraiment dommage d’avoir détruit les 72, le Coron de Germinal…un morceau de notre mémoire collective. Cela se passait dans la plus grande précipitation, de peur qu’un classement au titre du patrimoine n’empêche la démolition de ce témoin de l’univers minier que l’on voulait oublier. C’était en novembre 1983. En ce temps-là, la mine et les mineurs n’avaient pas la cote. Le patrimoine minier était vécu dans les cercles de décision comme un sparadrap souillé qui colle à ‘image de la Région et qu’il convenait de faire disparaître. Il a fallu le tournage du Germinal de Claude Berri, en 1993 pour que la Mine retrouve, dans son berceau historique, une forme de dignité. Malheureusement, il n’est pas possible de réécrire l’Histoire.
Galerie…
Pour aller plus loin…
Emile, Henri, Claude… et les autres : GERMINAL, 1982-1983, II/III