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Des prisonniers, civils français ou militaires britanniques, enfermés au fort Macdonald (59370)
Entre 1914 et 1918 une bonne partie du Nord et du Pas-de- Calais est conquise par l’armée allemande qui défend le front de l’Ouest. Les infrastructures des villes sont réinvesties par l’Occupant. Le fort de Mons-en-Barœul va devenir une prison pendant toute la durée de la présence allemande.
Le fort de Mons-en-Barœul
avec ses 5000 m² de bâti, ses casernements, ses infrastructures, ses deux magasins à poudre était, a priori, adapté à un usage militaire. Mais l’Occupant avait parfois des idées inattendues sur l’utilisation des bâtiments mis obligeamment à sa disposition. La prise du Camp retranché de Lille, en octobre 1914, va donner à l’armée allemande un avantage stratégique pendant toute la durée de la guerre. Elle va pouvoir transformer l’endroit en base arrière au service de la guerre qu’elle mène sur le front de l’Artois et de l’Armentiérois. Elle investit les hôpitaux, les bâtiments administratifs, la poste… transforme les établissements scolaires et universitaires en lieu d’accueil de ses troupes ou de ses services administratifs. Elle a, vu son fonctionnement, le plus grand besoin de prisons en tous genres. C’est pourquoi elle va transformer un certain nombre de forteresses en lieu de détention pour les civils et les militaires. La plus emblématique est sans doute la citadelle de Lille qui va servir à enfermer les soldats français, faits prisonniers à la suite de la prise de la ville. Puis, ce sera les otages civils destinés à être fusillés en cas d’actes de résistance.
Le fort de Mons-en-Barœul sera, lui aussi, affecté à cet usage. Les forteresses étaient conçues pour que l’ennemi ne puisse pas y pénétrer. Elles n’avaient qu’une seule porte d’entrée très bien gardée. Il était aussi très difficile de pouvoir en sortir.
Cette période de l’Occupation de Lille et de sa banlieue a été un cauchemar
pour la population. Les restrictions, règlements, interdictions, décisions arbitraires, dénonciations, donnaient lieu à des punitions sous forme d’amendes et de jours de prison. On cite le cas d’enfants emprisonnés pour s’être rendu au village voisin – ce qui était interdit – pour aller rendre visite à leur grand-mère. En 1914, chacune des deux parties croit que la guerre va être terminée à son profit en quelques semaines. Mais il n’en est rien ! Elle s’enlise autour des deux lignes de tranchées qui vont constituer le front, de Dunkerque à Épinal. L’Allemagne va être contrainte de retirer 740 000 ouvriers, mobilisés, pour soutenir ses usines d’armement. L’Occupant entend utiliser à son profit la force de travail des populations des zones occupées (deux millions de personnes) pour servir son effort de guerre. Beaucoup de Français renâclent et les candidats pour un travail volontaire rémunéré sont très peu nombreux. L’armée allemande va procéder au recensement des hommes de 17 à 55 ans. Ils seront considérés comme prisonniers de guerre et astreints à un travail obligatoire. Mais beaucoup d’entre eux ne se rendent pas à leurs convocations. C’est pourquoi on va les enfermer dans des lieux clos afin de les avoir sous la main. Le fort Macdonald sera l’un d’entre eux !
On va y enfermer les prisonniers civils de la commune.
Mais, comme le lieu est vaste, il va permettre d’accueillir également ceux des villes de Lille et d’Hellemmes. Le commandant Hebrer, responsable militaire de cette dernière ville écrit : « Comme la prison locale d’Hellemmes est malheureusement trop petite, notre prison a été déplacée au fort de Mons-en-Barœul. Comme les communes règlent entre elles les comptes de la nourriture livrée on répartira les frais entre la commune de Mons-en-Barœul, d’une part, et celles d’Hellemmes et de Lille d’autre part. » Ce sont donc les communes qui avaient en charge le coût du fonctionnement des prisons, au prorata du nombre de prisonniers détenus. Ces prisonniers civils pouvaient effectuer des tâches agricoles ou travailler dans des ateliers. Certains d’entre eux pouvaient même être envoyés sur le front pour y creuser ou entretenir les tranchées, pilonnées par l’artillerie franco-britannique.
C’était aussi le régime imposé aux prisonniers militaires – en majorité des Britanniques… plus quelques Portugais – qui était enfermés dans ce fort Macdonald. Mais les conditions de détention étaient bien plus sévères encore que pour les civils français. Durant cette première Guerre mondiale, rien que pour l’Australie, 337 hommes sont morts en captivité des suites de leurs blessures. Les prisonniers militaires enfermés à Mons-en-Barœul n’ont rien à manger. Ils vivent enfermés dans le noir, la saleté, la misère et le confinement. Certains d’entre eux vont y perdre la raison. « De temps en temps, un gars s’approchait de la porte, la martelant de ses poings en criant sauvagement », témoigne sergent William Groves du 15e bataillon australien. Rendus fous par cette faim qui nous tenaillait, couverts de vermine, victimes de punitions terribles, au bout de cinq jours nous avions complètement sombré dans le plus noir des désespoirs. » Entre-eux, ces prisonniers militaires britanniques avaient surnommé le fort Macdonald, « le Trou Noir. »