Le fort Macdonald de Mons-en-Barœul (59370), un outil innovant pour la défense du territoire, II/IV

Le fort Macdonald de Mons-en-Barœul (59370), un outil innovant pour la défense du territoire

Considéré comme l’endroit le plus probable où se porterait l’attaque ennemie, en temps de guerre, la mise en place d’une forteresse sur la commune de Mons-en-Barœul a été étudiée et réalisée avec le plus grand soin par le corps du Génie. Cette nouvelle construction a donné lieu à un énorme chantier. Le nouveau fort était un outil militaire imposant, à la pointe des connaissances de l’époque en matière de muraille fortifiée.

Dans le fossé qui fait le tour du Fort, chaque pan de mur est étudié avec soin.

Bien avant la nomination du général Séré de Rivières comme directeur du Service du Génie au ministère de la Guerre, en 1874, l’idée de défendre les places-fortes frontalières au moyen d’un dispositif complexe et cohérent de forts de ceinture, batteries et autres ouvrages était déjà d’actualité. Dès les lendemains de la Guerre de 1870, source d’une remise en cause et de réflexion de l’état-major sur les stratégies de la défense du territoire, Mons-en-Barœul occupe une place de choix dans l’impressionnant dispositif du Camp retranché de Lille. À l’inverse de ses successeurs – naïveté ou positionnement politique au service de leur carrière –, Séré de Rivières était persuadé que l’attaque de la Prusse et de ses alliés emprunterait la route du Nord. C’est la raison pour laquelle sur un budget global de 437 millions de francs de l’époque pour l’ensemble du territoire, il consacrera 112 millions, rien que pour cette frontière !

Entre la première ébauche et un tout début de réalisation, il va falloir attendre plusieurs années.

Il faudra attendre le 12 février 1878 pour que le maire de l’époque, Alexandre Delemar, acte en conseil municipal le projet d’acquisition « pour le service militaire des parcelles de terrain nécessaires à la construction d’un fort à Mons-en-Barœul. «  Les propriétaires expropriés, le chantier va pouvoir commencer. C’est un évènement important pour cette petite commune de 2400 habitants, pour 483 maisons. Pourtant, la plupart des ouvriers engagés sur le chantier ne sont pas issus du village, mais d’outre-Quiévrain. Les Belges sont réputés pour leur connaissance de la brique et leurs qualités de maçons, exceptionnellement habiles. Le terrain de cet endroit qui domine la vallée la Marque (47 m au-dessus du niveau de la mer) est argileux. C’est le matériau idéal pour fabriquer de la brique. On va commencer par construire la briqueterie, à proximité du futur fort. Sa production alimentera la construction de l’édifice. De 1878 à 1880, 600 ouvriers belges vont fabriquer et poser plus de trois millions de ces briques pour construire l’ouvrage. Il est réalisé avec soin : mûrs, escaliers, voutes, briques posées  » en boutisse « , c’est à dire en longueur, ce qui confère à l’ouvrage une remarquable solidité.

Le nouveau fort prend la forme d’un polygone régulier

de 300m de long pour 150m de large. il est entouré d’un fossé qui fait tout le haut de l’édifice et qui constitue le premier obstacle que doit franchir l’envahisseur. On ne peut pénétrer à l’intérieur que par une seule entrée. Elle est située côté-ville et possède un pont basculant. L’intrusion de l’ennemi dans ces fossés est très périlleuse. Des batteries de flanquement situées de chaque côté de l’entrée ainsi que de l’autre côté de l’édifice, à l’intérieur des deux caponnières, prennent en enfilade tous ces fossés avec leurs pièces d’artillerie. Le bâtiment est construit de manière symétrique. Ainsi de chaque côté de la cour centrale où sont situés les casernements pouvant abriter environ 600 hommes, on trouve les deux cours, Sud et Nord, avec deux magasins à poudre. Cette démultiplication permettait, si l’une des ailes était détruite ou sérieusement endommagée, que l’ouvrage soit encore en capacité de se défendre. Un imposant pas de tir protégé par un muret et destiné à abriter l’artillerie de longue portée (6 à 8 km) permet de contrôler la campagne environnante.

Ses canons sont à tir tendu,

contrairement à l’artillerie de protection des fossés. Afin de pouvoir atteindre les lieux situés dans l’angle mort des canons du fort, à quelques centaines de mètres dans la campagne, vont être établies deux batteries annexes, qui complètent le dispositif. Ce fort de Mons-en-Barœul, ressemble beaucoup à ses homologues du secteur. Il existait un plan-type des forts « Séré de Rivières », ce qui permettait, un gain de temps et d’argent. Mais, les contraintes du terrain, de la construction et les progrès, réalisés d’un chantier à l’autre, font qu’aucun de ces forts de la ceinture lilloise n’est complètement identique à son voisin. À Mons, c’est le capitaine du Génie, Roux, polytechnicien, qui dirige les travaux. Il va mettre deux ans à édifier le bâtiment ce qui, si on y réfléchit, est une forme d’exploit. Ces travaux ont été réalisés avec des outils rudimentaires uniquement à la force des bras et de la main de l’homme.

Ce n’est que deux ans plus tard en mars 1882 que le préfet autorise le déplacement d’un curieux convoi, sur le modèle d’un train, tiré par une «  locomotive routière «  destiné à transporter les lourds canons des forts vers leur lieu de destination. C’est une sorte d’omnibus dont le parcours épouse la ceinture lilloise pour atteindre le fort de Mons-en-Barœul. Il existait au ministère de la guerre une liste du matériel- type pour l’équipement des forts en1880 mais, au début des années 1890, une grande partie de l’artillerie va être réformée au profit de canons plus modernes capables de tirer des obus fabriqués avec la nouvelle poudre sans fumée, cinq fois plus puissante que la poudre noire.

Le 12 culasse

C’est à la même époque que vont être ajoutés au vieux fort, trois ouvrages intermédiaires (Haut Vinage, Babylone, Marchenelles), en béton cette fois. Nous possédons un document datant de 1905, qui établit l’inventaire de l’artillerie du fort, cette année-là. On y dénombre pour la défense rapprochée de l’édifice, cinq canons revolver Hotchkiss, quatre mortiers de 32 (centimètres) et cinq « douze-culasses » (120 mm).

Pour contrôler la campagne et les lignes de chemin de fer

(dont celle qui va de Lille à la Belgique passe à moins de deux kilomètres), la forteresse dispose de six 90 mm et de deux 120 mm, capables d’atteindre un objectif situé à un peu plus de 6 km. On dénombre en tout, tout usage confondu, 22 pièces d’artillerie … En temps de guerre, il est possible d’étoffer ce dispositif avec des pièces d’artillerie supplémentaire et d’armer les deux forts satellites disposés, face à la campagne, de chaque côté de l’édifice principal.

L’un des fortins satellites : batterie annexe Nord.

Dans les années 1884-1885, la mise au point de la mélinite (un explosif brisant très puissant) couplée à celle de la poudre sans fumée, rendent en théorie cet impressionnant dispositif, beaucoup moins efficace et susceptible d’être détruit par l’artillerie ennemie. Encore faut-il qu’elle dispose de canons d’une portée supérieure que ceux de la fortification qui, autrement serait en position de la détruire.

Les axes de tir des batteries du fort Macdonald.

L’Allemagne va être en retard

pendant plusieurs années dans la mise au point et dans la fabrication de la poudre sans fumée inventée par Vieille, un ingénieur militaire et chimiste français. Ce n’est qu’en 1889 que, le plus légalement du monde, elle en achètera le brevet à la société Nobel, pourtant dirigée par un conseil d’administration dont la majorité est constituée de Français. La poudre « Nobel » était une variante, très largement inspirée par les recherches de l’armée française dont cette entreprise connaissait les secrets d’autant plus facilement qu’elle partageait son centre d’essais avec celui de Paul Vieille. Ainsi, l’Allemagne va pouvoir renouveler radicalement tout son matériel : les fusils, les canons et les mortiers. En 1914, quand elle déferle à travers la Belgique et prend ses forts en quelques jours elle dispose d’une artillerie jamais vue, à l’exemple de ses mortiers 420 mm Krupp qui envoient des obus de plus de 900 kg capables de détruire n’importe quelle fortification existante et dont la portée est de plus de neuf kilomètres, de telle sorte qu’ils sont hors d’atteinte du matériel d’artillerie dont disposait les armées belges et françaises de l’époque.

Malgré, l’évolution de la technologie qui rendait la défense par la muraille plus problématique, ce n’est qu’au début des années 1910 que le renversement de tendance sera acté et mis en œuvre dans la guerre mondiale qui va suivre. Finalement, le dispositif « Séré de Rivières » dont le fort de Mons-en-Barœul est un exemple significatif aura permis de maintenir la paix pendant plus de 40 ans.

Le siège de Lille, octobre 1914.
Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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