Jean Deflandre, l’homme qui refusait qu’on le photographie…

Jean Deflandre, l’homme qui refusait qu’on le photographie…

Jean Deflandre, dans ses fonctions de chef d’entreprise était très secret. Sa devise était peut-être, « Pour vivre heureux, vivons cachés », pas une photo, pas une seule interview… en quarante ans d’activité d’une vie professionnelle très riche !  En revanche, dans le cercle familial ou amical, comme dans son rôle de Consul du Danemark, il se montrait sous un jour très souriant.

Jean Deflandre et Inge, son épouse, document Consulat du Danemark

Jean Deflandre rejoint la « Brasserie du Pélican » en 1932.

Il est diplômé, « Maître-Brasseur », de la prestigieuse Université de Nancy. C’est aussi le fils d’Armand, le patron de la Société. Tout naturellement, en 1937, à seulement 25 ans, il devient l’un des directeurs de la Brasserie. Les cinq ans qui précèdent sa nomination seront déterminantes pour la vie familiale et la carrière du jeune dirigeant. Il avait obtenu de son père la possibilité d’effectuer une période de stages d’étude dans des brasseries européennes. En Angleterre, c’est la grande période de la Guinness, une bière brune irlandaise très puissante, volontiers copiée par la concurrence. Ce genre de bière, inconnue en France, intéresse le jeune Brasseur. Il rapporte de ce séjour – au cas où –  une levure susceptible de la produire. En 1936, il arrive à Copenhague. Il doit y suivre un stage dans le laboratoire qui met au point les levures des sociétés Tuborg et Carlsberg. Attendu chez le Directeur où il doit loger, c’est une de ses filles, Inge, qui vient lui ouvrir la porte. Ce sera un coup de foudre réciproque et, trois ans plus tard, Jean Deflandre épousera la jeune Danoise. 

Dans la cour des Brasseries Carlberg à Copenhague, une délégation de Brasseurs du Nord-pas-de-Calais, en voyage d’études, en 1947. Il est probable quelle personnage du premier plan, (costume clair) soit Jean Deflandre.

Le premier fait d’arme du jeune patron

va être de mettre au point la Pelforth 43, une bière sur le modèle de celles d’outre-Manche. Elle nécessite 43 kg d’orge par hectolitre. Malgré la nouveauté du produit pour le public français, c’est un succès remarquable. La production du Pélican, qui se situait à environ 100 000 hectolitres, passe dix ans plus tard à 200 000, puis, au début des années 1970,quasiment à 1 000 0000 d’hectolitres. Après la seconde Guerre mondiale, Le Pélican va absorber de nombreuses Brasseries, dont les Coopératives de Mons-en-Baroeul, où va être déménagée la production. Au début des années 1980, lorsque Jean Deflandre prend sa retraite, il est un patron respecté de ses pairs comme de ses employés. 

mons en baroeul
Le site de Mons-en-Baroeul où va déménager Le Pélican et prendre le nom de Pelforth.

Qu’en disent les journaux ? Rien !

Pas une interview, pas une photo, en plus de quarante ans de carrière ! Il ne donnait jamais suite aux demandes d’entretien. Quant aux photos, prises à l’intérieur de la Société, il les confiait à André Barré, son contremaître de maintenance ! Ce dernier avait, comme consigne impérative, de faire en sorte que personne et surtout pas le Patron, ne soit reconnaissable sur l’image ! Jean Deflandre avançait sans laisser de traces ! Une seule fois, il a dérogé à cette règle. En 1985, bien qu’en retraite depuis deux ans, c’est lui qui est chargé de piloter la visite de la Brasserie de Mons de Freddy Heineken, le PDG du géant néerlandais, qui envisage son rachat. Jean Deflandre convoque son ancien contremaître-photographe afin, lui dit-il, « de garder un souvenir » de ce jour mémorable.  Mais, Freddy Heineken qui avait été enlevé en compagnie de son chauffeur, pour obtenir une rançon, ne sortait plus jamais sans ses gardes du corps. La première chose que fit l’un d’entre eux fut de confisquer l’appareil d’André Barré. 

Jen Deflandre, chez lui, Archives famille Deflandre

C’est ainsi que, lorsque je me suis intéressé à cette histoire, au point d’écrire des articles pour la raconter, la photo d’illustration m’a été fournie par l’un de ses petits-fils qui savait où la dénicher. Dans l’intimité, l’austère patron était très libre, plein d’humour, voire un brin taquin. Il avait fait construire pas très loin de la baie d’Authie, une grande maison dans un cadre magnifique. Pas de poste de télévision, pas d’eau courante : le lieu était plutôt spartiate. Mais les amis du couple s’y pressaient le week-end pour y passer de bons moments. Inge faisait la cuisine dans une de ces immenses poêles des pays du Nord, qui à l’époque étaient inconnues en France. Parfois, elle posait son instrument culinaire pour l’échanger contre sa guitare. Elle chantait indifféremment en anglais, en français et en danois et avait une très jolie voix. 

Jean Deflandre à Copenhague en 1947.
Collection Christophe Rohart

Jean Deflandre a aussi été Consul du Danemark

de 1963 à 1983. Il était attaché à ce pays et ne faisait jamais défection dès qu’un évènement concernant le Royaume était célébré dans la Région. Dans les publications annuelles du Consulat, il posait bien volontiers, avec Madame, en costume de Consul du Danemark, ou bien décontracté dans sa voiture décapotable. Dernièrement, à travers un album de souvenirs datant de plus de soixante-cinq ans, on a pu voir apparaître des photos inconnues du Président du Pélican, très décontracté, lors d’un voyage d’étude effectué en 1957 au Danemark et en Suède, en compagnie d’autre Brasseurs de la Région. 

Jean Deflandre, sérieux et secret au travail, changeait de costume dès qu’il était sorti de sa brasserie, convivial, ouvert et souriant.

Version courte….

Jean Deflandre, un patron très discret…

Jean Deflandre a été pendant plus de quarante ans – de 1932 à 1983 – un grand dirigeant des « Bières du Pélican » qui deviendront un peu plus tard « Pelforth » (actuellement « Heineken »).Très austère dans son rôle de PDG de la société, il était très différent dans la vie quotidienne.

Archives, famille Deflandre

Jean Deflandre devient l’un des directeurs de l’entreprise en 1937. Les années qui précèdent vont être cruciales pour sa carrière comme pour sa vie privée. Au début des années 1930, au sortir de ses études de « Maître-Brasseur », il effectue un stage dans une brasserie anglaise. Outre-Manche, c’est la grande mode de la Guinness, une bière brune irlandaise très puissante, volontiers copiée par la concurrence. Ce genre de bière, inconnue en France, intéresse le jeune Brasseur. Il rapporte de ce séjour – au cas où –  une levure susceptible de la produire. En 1936, il arrive à Copenhague, au laboratoire qui travaille sur les levures des enseignes Tuborg et Carlsberg. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de sa future épouse, Inge, la fille du Directeur, avec qui il se mariera, trois ans plus tard. La suite va se dérouler, comme sur des rails. 

Le premier fait d’arme du jeune patron est la mise au point de la « Pelforth 43 », une bière brune sur le modèle de celles d’outre-Manche. Malgré la nouveauté du produit pour le public français, c’est un réel succès. « Le Pélican » qui deviendra « Pelforth » est une « success story. » La production passe en dix ans de 100 000 à 200 000 hectolitres … presque un million d’hectolitres au début des années 1970. L’enseigne absorbe de nombreuses brasseries dont la « Coopérative de Mons-en-Baroeul » où va être déménagée la production. Au début des années 1980, lorsque Jean Deflandre prend sa retraite, c’est un patron respecté de ses pairs comme de ses employés. Qu’en disent les journaux ? Rien ! Pas une interview, pas une photo, en quarante ans de carrière ! Il ne donnait jamais suite aux demandes d’entretien. Les photos, prises à l’intérieur de la Société, il les confiait à André Barré, son contremaître de maintenance ! Ce dernier avait, comme consigne impérative, de faire en sorte que personne ne soit reconnaissable sur l’image et surtout pas le Patron !

Les photos du dirigeant sont rarissimes. Elles viennent du cercle de famille ou du Consulat du Danemark qui publiait régulièrement des images de son Consul et de Madame (Jean Deflandre a été Consul du Danemark, de 1963 à 1983), en tenue officielle, ou bien, décontractés dans leur voiture décapotable. Dernièrement, on a pu découvrir des photos inconnues et décontractées du Président du « Pélican », lors d’un voyage d’étude effectué au Danemark et en Suède, en 1957, en compagnie d’autre Brasseurs de la Région. Jean Deflandre, sérieux et secret au travail, changeait de costume dès qu’il était sorti de sa brasserie, convivial, ouvert et souriant.

Remerciements

Merci à Christian Deflandre d’avoir évoqué ses souvenirs familiaux et à Christophe Rohart d’avoir partagé ces photos inconnues du voyage au Danemark de 1947.

On Peut continuer la lecture…

Le centenaire du Pélican, Lille (1921), Mons-en-Barœul (2021)

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

Articles: 392

Un commentaire

  1. J’ai eu la chance de travailler avec Monsieur DEFLANDRE j’ai été embauchée en tant.qu’infirmière pour la nouvelle usine de MONS EN BAROEUL c’était un patron extra ordinaire qui vous considérait comme collaboratrice …il m’avait confié la mise en place de l’infirmerie et des bureaux du médecin du travail en me laissant toute la liberté possible il était à l’écoute bienveillant et étant attentif au bien être de ses ouvriers et à tous leurs problèmes.

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