Jules Watteeuw, l’autre Alexandre Desrousseaux, 1849-1947

Jules Watteeuw, l’autre Alexandre Desrousseaux, 1849-1947

« Jules Watteeuw, dit Ch’Brouteu, est in afant d’Tourco, né in 1849, poëte et canteu ed langue picarte, et défuncté din ch’ vile natale in 1947. Inte 1880 pi 1910, il écrivit dés ércueuls d’poésie, dés pièches éd téïate pi dés canchons, in picard tourquénnoé. In 1973, un monumint à Jules Watteeuw foaite pèr Robert Coin (ésculpteu) o té plachée à Tourco. »

Extrait de la bio de Wikipédia

Jules Watteeuw par Alfred Desplanques

Jules Watteeuw est un Tourquennois célèbre.  Dans les décennies charnières entre le XIXet le XXe siècle, sa renommée s’étendait dans toute la métropole lilloise. Beaucoup de rues y portent son nom. Ses « pasquilles » étaient connues de tous. Il aura manqué à Jules un puissant succès comme « Le P’tit Quinquin » d’Alexandre Desrousseaux pour que le souvenir de Jules Watteeuw perdure dans la Région du nord, à l’image de son illustre concurrent lillois.

Jules Watteeuw nait le 29 juillet 1849, Grand-Place, à Tourcoing.

Plus tourquennois que lui, ce n’est pas possible !  Pourtant, Jules est Belge, car son père, d’origine flamande a gardé cette nationalité.  Il ne deviendra français qu’en 1891 à l’âge de 42 ans. Jules Watteeuw se révèle bon élève du Collège de Tourcoing. Il apprend aussi à jouer du violon auprès de son grand-oncle, compositeur de chansons et interprète comique. C’est ainsi, que, très jeune, il intègre la société orphéonique des Cricks-Sicks, qui comptait d’autres aussi d’autres membres de sa famille. Une avalanche d’épreuves va accabler le jeune homme. Sa mère décède tandis que son père est ruiné. A l’âge de 15 ans, il rejoint la condition ouvrière. Il trouve un travail comme « catcheux », (trieur de laine). 

Le travail des Catcheux par Ferdinand Joseph Gueldry

Il y découvre le parler populaire de Tourcoing (une forme de Picard proche de celle de Lille). A 19 ans, il se révèle bon chanteur. On peut l’entendre et le voir dans les cabarets musicaux (goguettes) ou dans les fêtes de type Carnaval où il interprète des « pasquilles », (monologue récité ou chanté à tendance humoristique). Il chante d’abord les textes des autres, essentiellement le répertoire d’Alexandre Desrousseaux. Ce n’est qu’en 1880, à quasiment quarante ans, qu’il compose sa première pasquille, « Inne Héritance ».

Jules Watteeuw et Alexandre Desrousseaux ont été les deux « poids lourds » de ce genre régional, littéraire et musical. Il y a un parallélisme entre leurs deux destins. Desrousseaux, plus âgé d’une trentaine d’années était violoniste, un instrument qu’il avait appris avec son père. C’était un chanteur remarquable. Il avait commencé son apprentissage chez un ouvrier tisserand dès l’âge de six ans. C’est d’ailleurs auprès de ce premier patron qu’il apprendra les rudiments de la lecture et de l’écriture.  Il y a une filiation évidente entre les deux auteurs-compositeurs. Plusieurs fois, Jules Watteeuw, qui sentait cette proximité avec Alexandre Desrousseaux a tenté de se faire adouber par son illustre ancien. Mais le Lillois, qui n’était pas prêteur, n’a jamais donné suite. Qu’à cela ne tienne, Jules Watteeuw va tracer sa propre route. Il va écrire une foule de pasquilles et quelques pièces de théâtre. Il va même créer son propre journal hebdomadaire, « le Broutteux » qui deviendra ensuite « la Brouette », une publication qui s’étend de 1882 à 1907. 

Il fera aussi paraître un Almanach « l’Almenaque du Broutteux » de 1888 à 1914. La figure du « Broutteux » va être la grande invention de Jules Watteuw. Tourcoing, à l’origine, était un bourg agricole. Il va connaître un formidable essor industriel avec le développement de ses filatures. Ainsi, pour transporter la laine, à Tourcoing et même jusqu’à Lille, beaucoup d’employés ou de négociants utilisaient-ils volontiers la brouette, instrument des champs. Cela avait déclenché les quolibets de François Cottignies dit Brûle-Maison un chansonnier lillois qui avait créé le personnage du « Broutteux » (l’homme à la brouette) pour désigner le Tourquennois et le brocarder. Watteeuw, pratiquant l’autodérision va se désigner lui-même comme le « Broutteux » pour mieux se moquer des Lillois et rendre son honneur à Tourcoing. De 1883 à 1947 un nombre considérable de textes de Jules Watteeuw, vont paraître. L’essentiel de son inspiration tourne autour de la culture populaire, des jeux régionaux, des fêtes, des traditions locales, des petits métiers.

Jules fut le témoin et le chantre de son époque.

Poète, musicien, journaliste, Jules sort de sa zone de confort et écrit deux ouvrages historiques qui feront date, l’Histoire de Tourcoing en 1902 et Tourcoing au XIXe siècle en 1905. Malgré sa renommée, Jules Watteeuw tire le diable par la queue. En 1908 il est embauché aux archives de la Ville et fait fonction de bibliothécaire adjoint et de conservateur du musée. La même année, la municipalité organise une souscription pour lui faire bâtir une maison. Ce bâtiment remarquable, décoré par Rémy Cogghe, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.  La rue sera nommée Jules Watteuw et le poète tourquennois aura le rare privilège d’habiter de son vivant une rue qui porte son nom. Décoré au grade d’Officier des Palmes Académiques et titulaire de la Légion d’Honneur, à 98 ans passés Jules reçoit une distinction ultime. Il est devenu le doyen de la ville de Tourcoing. Le 28 mai 1947 l’illustre Tourquennois décède. Une foule nombreuse des habitants de la ville et des environs va accompagner le cortège funèbre. Ce fut l’évènement le plus remarquable du Tourcoing d’après-guerre.

BIBLIO :

Chés écrivures à Jules Watteeuw

  • Chansons, fables et pasquilles tourquennoises, imprimerie Frère Glorieux éditeu, 260 paches (1883), 279 pages (1891) et pi 245 pages (1897).
  • Histoire de Tourcoing, J. Watteuw éditeu, 370 paches (1902)
  • Tourcoing au XIXe siècle, Imprimerie du Broutteux, 475 paches , (1904)
  • Armenaque du brouteux: 1915-1919 , 71 paches, (1919)
  • Oeuvres complètes, Ed. de la jeunesse régionaliste, 4 tomes , (1923)
  • Théâtre, édité sous les auspices des Amis de Tourcoing, imprimerie Georges Frère, 300 paches, (1926)
  • Pasquilles & Chansons, édité sous les auspices des Amis de Tourcoing, imprimerie Georges Frère , 296 paches, (1926)

Eutes édichons d’chés lives à Jules Watteeuw

  • Pasquilles et chansons du Broutteux, anthologie des Amis de Tourcoing , imprimerie P. Bernard-Ernoult, 96 pages, preusinté pèr Fernand Carton, (1967)
  • Pasquilles et chansons, Éditeu J. Laffitte, 298 paches (1979)
  • Chansons: Fables et Pasquilles Tourquennoises, Volume Premier, éditeu : BiblioBazaar , 264 paches , (2009), éditeu BiblioLife, LLC (inglé) , 266 paches , (2009)

Un autre chansonnier illustre :

Alexandre Desrousseaux, poète et chansonnier : l’Esprit de Lille

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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