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Le 2 septembre 1944, Mons était libérée

On vient célébrer le 75e anniversaire la libération de la ville. C’était la fin d’une période particulièrement dure : celle de l’Occupation. Cet événement fut d’autant plus fêté que la commune avait a été pendant ces quatre annnées un important foyer de résistance.

Le 2 septembre 1944, un groupe de résistants commandés par Henri Prévost, le chef du réseau FFI monsois, se trouve au premier étage de l’ancienne mairie. C’est alors qu’en contrebas, dans l’actuelle rue du général de Gaulle, fuyant vers l’Allemagne, passe le dernier convoi militaire de l’occupant. L’un des jeunes combattants se saisit de son arme et se dirige vers une fenêtre. « Le chef lui a donné l’ordre de ne rien faire », se souvient Charles Wilson, le dernier survivant de ce réseau de FFI. « Le convoi a poursuivi sa route et, arrivé au niveau de la Brasserie, a été attaqué par un autre groupe. Mon camarade de combat, Adrien Vallet, a été tué sur le coup, d’une rafale de mitraillette.

Charles Wilson, alias Charly, photographié dans son jardin en septembre 1944
Archives famille Wilson

La constitution de ce réseau de résistance débute dès 1940. Le Fort Macdonald, laissé à l’abandon, regorge d’armes et de munitions. Henri Prévost et ses deux fils – Henri et Fernand – au nez et la barbe des Allemands, soustraient tout ce qu’ils peuvent. Ils vont cacher armes et munitions dans des caveaux du cimetière. Henri Prévost, qui était policier municipal, y avait son logement de fonction. Il était d’ailleurs le seul à posséder un Ausweiss de la Kommandantur, ce qui lui permettait de circuler librement dans la commune, même après le couvre-feu.

Natalis Dumez, à Mons dans les années 60, photographié par Henri Prévost
Archives famille Prévost-Poissonnier

En avril 1941, Natalis Dumez et Jules Noutour créent un réseau qui distribue un journal clandestin, « La Voix du Nord ». L’un des cadres de la première heure de ce réseau s’appelle Jeanne Parmentier. Déjà, en 14-18, elle s’était faite remarquer en participant très jeune un réseau de résistance dans lequel on trouvait Léonie Vanhoutte et Louise de Bettignies. Mais en 1941, elle est la patronne du « Café de la Mairie ». C’est sa fille, Lily, jeune secrétaire de direction, qui va dactylographier les vingt-cinq premiers numéros du journal. Lorsque Natalis Dumez, qui imprimait à son domicile de Fives, pense que le lieu est surveillé par la police allemande, c’est dans le grenier du « Café de la Mairie » que quelques numéros vont être ronéotés. Bien entendu, Henri Prévost et ses deux fils ont rejoint le réseau. Ils distribuent 300 journaux par semaine ainsi que des fausses cartes et de faux certificats de travail à l’intention les jeunes de la commune impliqués dans la Résistance. Ils sont imprimés et tamponnés par un autre membre du réseau, Henri Poissonnier. Celui-ci, va payer son attitude de sa vie. Il fera partie du dernier train de Loos qui la veille de la libération, le 1er septembre emmènera 872 prisonniers politiques vers les camps de la mort.

Jeanne Parmentier en 1946
Archives famille Glück-Parmentier

Mais en cette année 1941, Jeanne Parmentier dirige le groupe de Mons. La Gestapo, très bien organisée à Lille et dans sa banlieue arrête des résistants. Jules Noutour et Natalis Dumez tombent en 1942, ce sera le tour de Jeanne Parmentier en 1943. Le réseau, coupé de ses chefs historiques, continue son activité sous la direction d’Henri Prévost. Privé de liens avec ce qui reste du réseau Voix du Nord, le groupe de Mons continuer son activité sous la houlette du « Mouvement de Libération Nationale ». Le 2 septembre 1944, au moment de la Libération, onretrouvera ce réseau de 200 hommes armés dans les rues de la ville. C’était l’un des plus importants de la métropole

Les anciens combattants de Mons le 11 novembre 1944

La drôle de guerre d’Henri Despeghel, le dernier ancien combattant à avoir connu la seconde Guerre Mondiale

Au moment où la commune est libérée, Henri Despeghel  est très loin, en Allemagne, à proximité de la frontière tchécoslovaque, où il est retenu prisonnier.

Henri, lors de la cérémonie du 75e anniversaire de la libération de la ville
Photo, Alain Cadet

L’histoire commence en 1938. Henri, issu de l’Assistance Publique, travaille dans une ferme du Mont Cassel. Il y est entré dès l’âge de 13 ans, âge légal où l’on peut travailler à cette époque. Il travaille tous les jours, dimanches et fêtes compris. « Je faisais tout : traire les vaches, conduire les chevaux, moissonner, bâtir les meules, battre le blé. On ne s’arrêtait que le dimanche pour aller à la messe », se souvient-il. À 18 ans révolus, il profite de cette occasion de la messe du dimanche matin pour faire un saut à la gendarmerie. Il s’engage dans l’Armée. Le voilà affecté au 23e Régiment d’infanterie coloniale, à la caserne « Loursine» de Paris, boulevard du Port-Royal. Le 14 juillet 1939, il fait partie du contingent qui défile sur les Champs-Élysées. Le jeune soldat apprend le maniement des armes, le fusil, mais aussi le « mortier de 60 » dont il devient vite un spécialiste du Au début de la guerre, on l’envoie à Perpignan comme instructeur des jeunes soldats sénégalais que la France avait mobilisés.

Sedan, mai 1940

Mais bientôt, on le retrouve dans une zone de combat, du côté de Sedan et Montmédy. Les Allemands y développent une puissante offensive. Henri est fait prisonnier et embarqué vers une destination inconnue. Ce sera le Luxembourg, Trêves, puis le tristement célèbre Stalag VIII C de Sagan. Les conditions y sont très dures et les prisonniers sont affamés. Henri accepte un travail dans une ferme de l’Allemagne orientale. « Le patron était un ancien combattant de la première guerre mondiale où il avait perdu un poumon », raconte l’ancien prisonnier. « Il aimait Hitler, mais n’aimait pas la guerre !» L’ouvrier agricole reprend son ancien métier, s’occupant des vaches, des cochons, conduisant les chevaux ou le tracteur.

Soldats prisonniers libérés par l’Armée russe

Mais en février 45, l’armée russe s’empare du secteur. « C’étaient des Mongols avec de tout petits chevaux très nerveux. Ils se déplaçaient à skis et leurs avions avaient aussi des skis à la place des roues». Bientôt, le soldat français va être renvoyé dans ses foyers. C’est en wagons à bestiaux qu’il rejoint Bruxelles avant de reprendre un train plus confortable pour Lille. Alors que 75 ans se sont écoulés, le quasi centenaire est un peu désabusé : «Quand on ne sera plus là, nous et la génération suivante, on ne parlera plus de tout ça » dit-il. « C’est dommage de tout oublier : Il y a ceux qui ne savent pas, ceux qui ne savent plus, ceux qui n’ont jamais su et ceux qui ne veulent pas savoir. Je me suis adapté pour survivre mais je n’ai rien oublié. »

Le 2 septembre 2019, cérémonie du 75e anniversaire
Photo Alain Cadet

Henri était au premier rang lors de cette cérémonie 75e anniversaire de la libération de la ville. C’est ainsi depuis 75 ans.

Histoire de photo, photo d’histoire, les images de ce jour-là,

On pense que ces deux photographies ont été prises par Henri Prévost – le fils du chef du réseau de résistance – et qui était l’un des principaux lieutenants de son père. À cette époque de la Libération, il n’était pas encore l’excellent photographe qu’il sera par la suite, armé d’un Contax avec un objectif ouvrant à 1,7, une merveille de la technologie allemande fabriquée par Zeiss-Iéna, qu’il s’était procuré on ne sait par quel moyen. En septembre 1944 il possède un appareil non identifié faisant des photos un peu floues et lui-même ne montre  pas encore une technique de prise de vue très affirmée

Rue Parmentier, on congratule les Résistants

Nous sommes rue Parmentier, à l’arrière de la propriété de Coster. Une traction-avant appartenant au réseau des FFI, décoré de drapeaux français attire l’attention des riverains. Henri Prévost, en tant que cadre de la Résistance avait toutes les facilités pour prendre ce genre de photos.

Rue Daudresse-Mauviez,( aujourd’hui Général de Gaulle) devant la propriété des Decoster

Cette fois, nous sommes de l’autre côté de la propriété, dans rue principale qui prendra bientôt le nom de rue du général De Gaulle. On trouve toujours cet endroit, l’une des plus belles propriétés de la commune que l’on appelle  le Château Decoster, du nom de ses anciens propriétaires. En 1944, la maison appartient à Gustave Decoster . C’est un riche négociant en produits chimiques. Sa femme, Cécile, est la fille d’Albert Virnot, celui-là même qui avait offert le terrain de football au SC Fives avant qu’il devienne celui du LOSC quelques mois plus tard, lorsque le club va fusionner avec celui de Lille. C’est pour cette raison que l’avenue qui le borde s’appelle « Avenue Cécile ».

Il n’est pas certain que Gustave ait été pleinement satisfait du spectacle qui se déroulait sous ses fenêtres. Sans demander l’autorisation à quiconque, son fils Philippe s’était emparé de la voiture paternelle, l’avait décorée aux couleurs de la France et fêtait bruyamment le départ des envahisseurs. Pour Gustave, la seconde Guerre mondiale guerre fut une période compliquée. Tandis que Cécile était une amie d’Yvonne De Gaulle, qu’elle fréquentait sur la Côte d’Opale, Gustave était un ami de Charles, son général de mari. Gustave et Charles étaient dans la même classe au Collège du Sacré-Cœur des jésuites français installé au château d’Antoing en Belgique. Les deux hommes, tous deux officiers sous les ordres du maréchal Pétain à Verdun ont toujours été de vrais amis. Gustave avait gardé un profond respect pour son ancien chef. Lorsque celui-ci collabora avec l’Allemagne, il vécut une situation cornélienne. Il choisit le Maréchal tandis que Cécile et les deux enfants, Philippe et Brigitte, restèrent résolument gaullistes pendant toute la durée de l’Occupation.

Après la guerre, Gustave eût des remords qu’il exprima à sa femme et ses enfants. Le Général n’en voulut jamais à son ami. À chaque fête, à chaque anniversaire, les deux hommes s’écrivaient des lettres chaleureuses. En 1970, alors que la mort du Général était annoncée depuis plusieurs jours par les médias, Gustave reçut une lettre signée Charles De Gaulle à l’occasion de son anniversaire. Ce fut sans doute l’une des dernières qu’écrivit le Général.