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La politique de fourniture de l’électricité a disjoncté : la preuve par Bourghelles, 59830

Le démantèlement progressif de l’opérateur public EDF et la mise en conformité du marché de l’énergie selon les directives de la Commission européenne commence à porter ses fruits. Certains en ont tiré d’immenses profits tandis que d’autres sont en souffrance. L’économie est un système de vase communicants.

Les grands discours sur l’économie se traduisent au quotidien par des résultats très différents de ceux annoncés. Ainsi à Bourghelles, un charmant village de la banlieue lilloise, le boulanger se voit contraint d’arrêter sa production, les jours de la semaine, pour tenter de sauver son commerce. Pourtant, le lieu est très résidentiel, avec une majorité d’habitants de catégories sociales supérieures. Cela lui permettrait sans doute d’augmenter ses prix… mais pas dans la proportion de la hausse de l’électricité. Ainsi, la boulangerie du village, qui fonctionne depuis 27 ans, a dû se décider de ne plus ouvrir que les samedis et dimanches. « On a fait tous les calculs : avec les tarifs EDF, on va payer autant pour huit jours par mois en 2023 que ce qu’on payait avant pour ouvrir six jours par semaine », déclare la boulangère au journal local. « Je passe de 1 900 à 6 650 € par mois d’électricité pour les mois d’hiver, soit 3,5 fois plus ! Quand j’ai appelé EDF, on m’a répondu que je devais m’estimer heureuse que mon abonnement, mes taxes et contributions n’augmentent pas. » Vous ne rêvez pas ! Cela se passe bien, en France, entre la Noël 2022 et le premier de l’An 2023 !  

Pourtant, avant la « réforme », on nous avait promis (loi Nome) de garantir des prix compétitifs pour les consommateurs grâce à la privatisation de l’énergie et au démantèlement du service public d’EDF. Mais, cette libéralisation s’accompagne de mesures contraintes comme celle d’indexer le prix de l’électricité sur celui du gaz ! Au fait, pourquoi ? Dans un contexte d’inflation galopante du prix des carburants, accentué par la guerre en Ukraine et l’embargo sur le gaz russe, c’était particulièrement bien vu !  

Il y a aussi – toujours pour garantir « la concurrence libre et non faussée » – l’autorisation de l’Etat pour les distributeurs alternatifs d’acheter un quart de l’électricité nucléaire (100 TWh) à 42 € / MWh (tarif non révisé depuis 2012). Ce n’est pas tout ! Ils sont aussi autorisés à acquérir 20 TWh supplémentaires, au tarif d’ami de   46,50 € / MWh. Rappelons que le prix du MWh sur le marché s’élève à 107.97 €. C’est un peu comme si l’Etat obligeait le boulanger de Bourghelles, qui vend sa baguette à 1 euro, de céder la moitié de sa production à son voisin au tarif de 50 centimes, l’unité.  De cette manière, ledit voisin, « au nom de la libre concurrence », pourrait la revendre en ouvrant simplement sa fenêtre au tarif de 90 centimes… sans savoir-faire, sans outil de production et sans s’acquitter auprès d’EDF de sa facture d’électricité. Et encore, ce ne sont là que des mesures ordinaires. La société espagnole Iberdrola, propriétaire du parc éolien offshore de Saint Brieuc, qui résilie depuis août 2022, des milliers de contrats d’électricité en France, touchera entre 121 et 152 € par MWh de subvention en 2023. Pourtant, l’Espagne a obtenu de l’Europe de se soustraire au marché de l’énergie européen. C’est à rien n’y comprendre ! Sauf, que le marché de l’électricité est un système de vase communicants. Les cadeaux faits aux grands groupes étrangers sont soustraits de la poche du boulanger de Bourghelles !

Et, « en même temps », au lieu de se restreindre pour se concentrer sur les besoins essentiels comme celui de permettre à un village comme Bourghelles de garder son boulanger, on développe le « tout électrique », sans limite et sans contrainte : voitures électriques puissantes, conduite automatique des véhicules grâce à la 5G, antennes relais qui émettent dans le vide au milieu des troupeaux de vaches malades, boxes internet qui polluent jour et nuit l’environnement immédiat, gadgets connectés d’utilité douteuse. Le « tout électrique, tout libéral » a fait « disjoncter les plombs » du compteur social.

Autre histoire édifiante :

Les vaches ne sont pas des canards sauvages… les riverains non plus, Mazeyrat d’Allier, 43300 

Post-scriptum :

Un dénouement en forme d’épitaphe

Le journal local du 8 janvier 2023, rend compte de la suite de l’histoire de la boulangerie de Bourghelles. Le 6 février prochain, elle ferme définitivement ses portes, au grand dam des riverains qui devront se contenter de l’offre des supermarchés… à condition qu’ils possèdent une automobile ! La boulangère est très amère : «Je suis tellement épuisée et révoltée,C’est une honte de devoir fermer un commerce qui tourne. Ce n’est pas un choix ! On subit la situation ! »

« Le gouvernement ne fait rien ? », interroge une cliente ?

« Rien ! C’est un gouvernement de m… », lui répond la boulangère. « Si on écoute les politiques sur les plateaux télévisés, on va tous s’en sortir. Finalement, on est tous en train de fermer. Si nous restons ouverts avec ces tarifs, nous ne nous paierons plus de salaires et nous devrons encore de l’argent. Il vaut mieux fermer avant d’être dans le rouge. Le peu de trésorerie qui reste servira à payer le licenciement de notre ouvrier et les charges. »

Cela fait tout drôle de lire cet article – sans filtre – dans un paysage médiatique qui nous dépeint à longueur de colonnes et d’antennes une réalité alternative qui n’a rien à voir avec la vie des gens ! À quoi ça sert, de faire semblant de gouverner les États, l’Europe et le Monde, s’il n’est plus possible de se chauffer, de se nourrir et de travailler ?