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Le brouilleur d’ondes n’est pas le Chevalier blanc
Le brouilleur d’ondes, outil méconnu du « mille-feuilles » de la pollution par les ondes électromagnétiques est particulièrement toxique par la puissance du signal qu’il délivre. Il est aussi très pernicieux car difficile à détecter pour le « grand public ». La législation sévère qui encadre son usage est souvent contournée par des utilisateurs irresponsables et délictueux.
Le brouilleur d’ondes, outil méconnu du « mille-feuilles » de la pollution par les ondes électromagnétiques est particulièrement toxique par la puissance du signal qu’il délivre. Il est aussi très pernicieux car difficile à détecter pour le « grand public ». La législation sévère qui encadre son usage est souvent contournée par des utilisateurs irresponsables et délictueux.
L’Histoire du brouilleur d’ondes accompagne celle des outils émetteurs de champs électromagnétiques. Avant la seconde Guerre mondiale, l’électro-sensibilité était un phénomène inconnu. Le premier électro-sensible de l’Histoire de l’Humanité a été Nikola Tesla, l’ingénieur croate. Il est mort en janvier 1943 dans sa chambre d’hôtel de New York dans d’horribles souffrances. Il était devenu gravement électro-sensible à la suite de ses expériences sur l’électricité. Après-guerre, l’électro–sensibilité est une curiosité. Elle touche essentiellement des militaires. Au Danemark, on l’appelle « la maladie des radars ». Elle va se développer de manière exponentielle- et notamment dans la sphère civile – au fur et à mesure que les technologies utilisant les champs électromagnétiques vont se développer auprès du grand public. Le premier brouilleur d’ondes de la planète est probablement de fabrication soviétique. Au tout début des années 1950 (1953), en pleine guerre froide, les employés de l’Ambassade américaine, boulevard Novinsky à Moscou, sont atteints par une mystérieuse maladie.
Ils développent des acouphènes,
des migraines, des douleurs dans différents endroits du corps. Au bout de quelques mois, incapables de poursuivre leur activité, ils sont contraints de quitter leur poste. Ils sont atteints de manière significative de cancers inexpliqués. Pendant des mois des équipes d’expert envoyées par Washington se cassent les dents pour déterminer l’origine du phénomène. Ils finissent par s’apercevoir que le problème vient d’une antenne récemment installée sur le toit d’un immeuble voisin. Elle émet en permanence des ondes de haute fréquence comprises entre 2.5 et 4 gigahertz. C’est ce qu’on va appeler « le signal de Moscou (Moscow signal) ».
On notera au passage que ce sont justement ces fréquences toxiques que les législateurs ont choisi de mettre à la disposition des Opérateurs privés pour développer leur(s) Box(es) grand public (2,4 et 5 gigahertz) et leurs antennes-relais (entre 700 mégahertz et 3,5 gigahertz). Ce signal de Moscou a donné lieu à des images guerrières : L’Obs évoque la mise au point d’un mystérieux « canon à ondes ». De fait l’engin photographié ressemble à une « inoffensive » antenne-relais du commerce. Vous imaginez un journaliste d’une feuille locale qui rende compte de l’installation par Bouygues, Orange, Free et SFR « d’un « canon à ondes » installé dans le clocher de l’église en plein centre du village » ? Il y a deux écoles pour expliquer cette installation inopportune. Pour la première, elle aurait pour but de rendre malade de manière intentionnelle les personnels de l’Ambassade. Pour l’ autre, elle servirait à brouiller le signal des antennes de communication installées sur le toit du bâtiment. Remarquons que les deux hypothèses, loin de s’exclure l’une et l’autre, peuvent se renforcer. L’engin de Moscou est sans conteste un brouilleur d’ondes.
Le principe du dispositif du brouilleur d’ondes est d’émettre un signal de très forte puissance se superposant à la fréquence visée de manière à rendre illisible les signaux émis. Naturellement, en règle générale, le brouilleur est multifréquence. Cela permet d’empêcher toute communication sur toutes les différentes longueurs d’ondes utilisées pour un usage précis. L’effet collatéral de ce brouilleur d’ondes est d’impacter la santé humaine et de rendre malade à terme ceux qui sont soumis à son effet. C’est pourquoi son usage est – en principe – réglementé et encadré de manière sévère.
Son usage intempestif est totalement illicite mais malheureusement très répandu. Il existe différents types de brouilleurs. On peut les classer en deux grandes catégories : les offensifs et les défensifs. Ils sont de puissance variable. Ils peuvent coûter entre quelques dizaines d’euros et presque dix mille euros mais ils ont tous un point commun pour le particulier : ils sont interdits sur le territoire français.
Seuls quelques organismes spécifiques comme les prisons ou les établissements traitant des données sensibles comme la Défense Nationale peuvent en faire usage et doivent pour cela obtenir une autorisation préfectorale. : « C’est interdit de posséder un brouilleur d’ondes en France« , expliquait Gilles Brégant, directeur général de l’Agence nationale des fréquences (ANFR) dans une interview donnée à Sud-Radio (19 novembre 2021). « C’est comme si vous allumiez un immense gyrophare dans votre salle de séjour. Un brouilleur, ça fait un vacarme dans les ondes qui est énorme. »
Interdit ?
Interdit de s’en servir sous peine de 6 mois d’emprisonnement et 30 000 € d’amende ! Mais pas interdit d’en acheter. Il en existe de toutes les sortes et de toutes les puissances sur les sites européens et chinois. Le marché des brouilleurs d’ondes est florissant. Un simple clic et vous voici propriétaire de l’un de ces engins ! Serait-ce pour le laisser éteint dans un tiroir ? « Achetez vos brouilleurs d’onde par quantité chez un grossiste chinois pour bénéficier des prix les plus bas du marché », propose un site marchand. « Les brouilleurs d’onde sont des petits appareils permettant d’interdire l’utilisation de téléphones portables dans un périmètre donné. Idéal pour cinémas, théâtres, bibliothèques, salles de spectacles, collèges, lycées, facultés… »
Voici un petit catalogue du brouilleur d’ondes
– non exhaustif – des différents types et usages du brouilleur d’ondes. Il y a les utilisateurs modestes à 50 ou 60 euros comme ceux des brouilleurs de voiture. De portée limitée (donnée pour une quinzaine de mètres), ils vont rendre impossible le fonctionnement de mouchards GPS ou installés dans un Smartphone (qui sont réglés généralement autour de 1575,42 Mhz). Ces petits appareils bon marché sont pratiques pour déjouer la géolocalisation du patron de l’entreprise ou de la police, ils ont cependant un inconvénient. Ils émettent des ondes puissantes à un mètre du cerveau de l’utilisateur. Usage prolongé déconseillé.
Le top vente des brouilleurs bon marché est celui qui permet de déverrouiller les portières des véhicules. L’objet est de la taille d’un smartphone. Il s’utilise lorsque l’automobiliste verrouille son véhicule. Un petit coup de brouilleur (environ 430 Mhz)… et la voiture, que son propriétaire croyait bien fermée, est accessible pour le voleur. Ce brouilleur est quasi inoffensif pour la santé à cause de la brièveté du signal émis, mais pas sans inconvénient pour l’automobiliste délesté des objets dérobés par le voleur, un préjudice qui n’est pas couvert par les assurances.
Dans la gamme supérieure (de 300 à 600 euros sur le Darknet ou des sites peu scrupuleux), on trouve le brouilleur au service du cambrioleur. Le système d’alarme des appartements ou maisons est fondé sur des éléments (centrale, capteurs infrarouge ou magnétiques signalant l’ouverture d’une issue, relais vers une ligne téléphonique) qui interagissent par un système de liaison Bluetooth ou Wi Fi. Le brouilleur d’ondes du cambrioleur vise à couper la communication entre tous ces éléments pour rendre l’alarme inopérante.
Le processus consiste à repérer le type de la centrale d’alarme ou d’utiliser un lecteur de fréquences pour connaître les fréquences utilisées par le système, puis on déclenche le brouilleur. Après intrusion, on débranche l’alimentation principale de la Centrale ainsi que celle de secours. Puis, on attend sagement dans la voiture pour voir si tout fonctionne selon les plans. Au bout d’une bonne demi-heure si, ni le propriétaire, ni la société de surveillance n’accourent sur les lieux, on peut vider le local de ses biens. Le brouilleur d’ondes du cambrioleur a peu d’impact sur la santé humaine du fait de son utilisation relativement brève. Mais, il n’est pas sans effet sur le propriétaire du local visé dont les biens tombent dans des mains délictueuses.
Le brouilleur d’ondes défensif,
destiné à empêcher le vol de voitures est un défi pour l’intégrité des riverains des véhicules protégés. Les clés de véhicules automobiles fonctionnent à l’aide d’un code qui, une fois lu par le système électronique de l’automobile, permet le démarrage du moteur. Les petits malins du Darknet munis d’un détecteur, vont pouvoir le recopier. On démarrera la voiture visée avec une simple tablette de type « I pad ». Un business un peu technique, mais rentable ! Les propriétaires des véhicules ont une réponse « clé en mains », quoiqu’illégale : le brouilleur de fréquence. L’outil coûte de 400 à 600 €. Il est multifréquence et délivre un signal sur les longueurs d’ondes visées par les malfrats. Impossible dans ces conditions de percer le code de démarrage.
Si le brouilleur d’ondes est très efficace contre le vol, il représente un défi pour la santé du voisinage. Ce signal délivré jour et nuit va fragiliser la résistance aux ondes de ceux qui y sont exposés. Comme ce sont des fréquences différentes de celles de la WI Fi et du Smartphone, le signal de brouillage n’est pas détecté par les applications grand public. Seul un professionnel équipé d’outils onéreux – type ANFR – est en mesure de les localiser. En règle générale, ces brouilleurs d’ondes ne sont pas recherchés et peuvent proliférer en toute impunité. Ils vont, à terme, impacter votre santé. La proximité d’un garage ou de la belle voiture de votre voisin ou même d’une moche à laquelle son propriétaire tient beaucoup peut être un danger sournois de votre environnement. Les brouilleurs de fréquence sont des petites bombes dans ce pays où toute recherche sur l’impact des ondes est interdite. Il est difficile d’évaluer leur impact réel sur la santé publique.
Dans la même gamme de prix,
on trouve un autre brouilleur multifréquence destiné à empêcher la communication des ondes de la Wi-Fi et de la téléphonie mobile. En général, le constructeur du brouilleur d’ondes annonce une portée d’environ 150 m, mais il arrive que le brouilleur soit nettement plus puissant. L’usage de ces brouilleurs multi ondes est désormais interdit dans les salles de spectacles, les universités et les écoles. Contredisant le site chinois cité ci-dessus, il est peu probable que les chefs d’établissement, en général très scrupuleux quant à l’application de la loi, aient recours massivement à ce genre d’outil.
Mais, les dérives ne peuvent être exclues. Imaginez une salle de classe de collège ou de lycée concentrant une trentaine de smartphones, orphelins de leur antenne relais, utilisant leur pleine puissance pour s’y connecter, avec, en plus, un de ces brouilleurs d’ondes comparable « à un gyrophare » : un cocktail aussi explosif que toxique pour la santé des élèves et de leur professeur ! Puisque ce type d’appareil connaît un beau succès commercial, on pourrait supposer qu’il est utilisé çà et là. Il n’est guère recherché, sauf s’il impacte le voisinage et la bonne marche du commerce des Ondes. Selon l’ANFR, « les constructeurs n’ont pas toujours une idée exacte de la puissance des engins qu’ils mettent sur le marché. Un brouilleur d’ondes puissant peut perturber le système électronique d’un avion volant à 2 km d’altitude. »
Sous la rubrique « Les Enquêtes de l’ANFR », l’agence d’Etat rend compte d’un certain nombre de dossiers qu’elle a été amenée à traiter. Nous avons choisi, à titre d’exemple, l’une de ces enquêtes, datant de novembre 2021. L’action se passe à Clermont-Ferrand. « L’ANFR a été saisie, en l’espace de quelques jours, de trois demandes d’instruction de brouillage concernant une même zone du Puy-de-Dôme, par deux opérateurs mobiles différents », note le rédacteur de l’article. « Coïncidence rare, ces signalements présentaient la même date de début des interférences et les mêmes zones perturbées : Clermont-Ferrand et plusieurs communes voisines ».
La suite est un véritable roman policier, d’ailleurs, la police est sur les lieux et participe à l’action. Armés de leur véhicule de fonction surmonté d’un radiogoniomètre, les voilà rendus dans un quartier résidentiel de la banlieue de Clermont Ferrand, comportant de nombreux immeubles d’habitation. Leurs appareils de mesure ne laissent aucun doute sur l’origine du fauteur de trouble : un brouilleur d’ondes de téléphonie mobile.
Laissons la parole à l’un de ces enquêteurs :
« Nous nous garons assez loin et terminons à pied. Le bâtiment est une barre d’immeuble de 9 étages avec 2 cages d’escaliers. Nous arpentons avec des policiers les étages et identifions l’appartement, antenne directive à la main. Six policiers de la BRI (Brigade de Recherche et d’Intervention), cagoulés, casqués et armés de fusils d’assaut nous rejoignent. Ils ont également le nécessaire pour faire sauter la porte (un vérin ainsi qu’une bonbonne d’air comprimé). En complément, trois policiers en tenue sont en bas de l’immeuble pour sécuriser les véhicules et éloigner les badauds. Un policier frappe à la porte, une dame ouvre… La BRI investit l’appartement, tout va très vite. Après un contrôle des occupants, nous pénétrons les lieux et cherchons le brouilleur d’ondes. Il s’agit d’un brouilleur multi-bande, installé dans un tiroir de meuble TV. Nous le débranchons immédiatement et un OPJ le met sous scellés. Un policier de la brigade des stups est appelé et contrôle les lieux à l’aide de son chien ».
L’explication donnée par le propriétaire du brouilleur d’ondes laisse pantois.
Il n’aurait mis en place le brouilleur d’ondes « pour empêcher les voisins de se connecter en WiFi sur la box de son appartement ! » Le commentaire de l’ANFR est également étonnant « Avait-il pensé à connecter ses propres appareils par câble ? Car il avait potentiellement transformé tout son quartier en zone blanche, qu’il s’agisse de WiFi, de GPS ou de mobile ? » Cette analyse subtile est reprise avec vigueur par la presse : « il transforme son quartier en zone blanche pour éviter que ses voisins se connectent à son Wifi », titre le Parisien du 19 novembre 2021. Les journalistes sont aux agences gouvernementales ce que les répéteurs sont à la box Internet de votre appartement. Ils répètent en l’amplifiant, mais sans le transformer, le signal d’origine.
Vous avez dit « zone blanche » ? Un endroit où en plus des Smartphones, qui n’arrivant pas à se connecter à l’antenne relais la plus proche, carburent à plein régime, les boxes des appartements contigus, les antennes des quatre Opérateurs présents sur le territoire français, émet un engin à la puissance phénoménale qui couvre tous les autres signaux peut-il s’appeler légitimement « zone blanche » ? Je serais plus enclin à le qualifier de « trou noir », un lieu très dangereux pour tous les corps qui le côtoient. Le brouilleur d’ondes n’est pas le Chevalier blanc.
Le brouilleur d’ondes est responsable
de biens des méfaits comme le souligne l’ANFR : « L’utilisation de brouilleurs peut avoir des conséquences graves tant économiques que sécuritaires. En plus d’être utilisés dans le cadre d’activités criminelles, les brouilleurs peuvent mettre en danger des vies humaines. Ils font partie de la panoplie des criminels pour commettre leurs méfaits : neutralisation du système d’alarme sans fil dans le cadre de cambriolages, brouillage des ondes envoyées par les clés électroniques pour déverrouiller les portières et s’emparer d’une voiture, mise hors service de la localisation du véhicule pour commettre des vols de voitures de luxe ou de camions transportant des marchandises de valeur. Les brouilleurs de téléphonie mobile peuvent empêcher, sur une zone plus ou moins importante, des appels d’urgence ou l’alarme du personnel des services d’urgence comme les pompiers, les policiers ou les médecins. »
Ajoutons que le brouilleur d’ondes représente un danger majeur pour la santé humaine. Pratiquement indétectable sans expérience et matériel professionnels, c’est un outil très pernicieux disséminé, ici et là, peut-être près de chez vous ! Nous sommes tous des personnels de l’ambassade américaine de Moscou sans le savoir !
Sujet voisin :
Excellent article ! J’allais dire, comme d’habitude ! J’ignorais tout en ce domaine ! Merci Alain CADET !