Views: 7
Maurice Dagbert, raconté par ses voisins
Maurice Dagbert, la référence absolue des calculateurs prodiges, brillait sur les devants de la scène et dans les médias. Rentré à la maison, il offrait un tout autre visage : celui d’un homme simple et modeste.
Maurice Dagbert est une énigme.
Jamais, on ne pourra expliquer complètement les raisons de ses prodigieuses aptitudes en calcul mental.En mars 1945, à l’issue d’un examen approfondi, l’Académie des Sciences de Paris consacre Dagbert, « plus grand calculateur prodige de tous les temps », surpassant même, selon elle, Jacques Inaudi, considéré jusqu’alors comme le meilleur de tous. Dagbert était une légende. D’une certaine manière, l’intéressé s’employait à l’entretenir. Un jour, il confia à un journaliste :« Chaque enfant de dix ans, à l’esprit ouvert, bien entraîné, pourrait obtenir les mêmes résultats ». Une autre fois, il déclara à l’un de ses collègues : « Une suite de chiffres, c’est pour moi comme une mélodie. »
Dagbert avait l’art de brouiller les pistes.
Ainsi la Presse va-t-elle surtout retenir des séquences époustouflantes de calcul mental, devant des salles combles, ressemblant à une séance de magie, voire étant l’expression d’une pathologie. Cet article d’Aimé Michel, de « France Catholique »,2011,« L’Infirmité de la Mémoire » résume l’impression produite par la lecture des articles de l’époque : « Maurice Dagbert, né en 1913, abandonna l’école à 11 ans, découragé par ses mauvaises notes en calcul : il donnait la solution des problèmes sans effectuer de calculs ; l’instituteur pensait qu’il trichait et lui administrait des zéros et des punitions ! Un jour de 1930, il assista à la représentation du fameux calculateur Inaudi. Il se présenta comme un confrère et lui avoua sans complexe qu’il avait fait de tête les mêmes calculs que lui durant son numéro, aussi vite sinon plus rapidement. Inaudi, sceptique, lui posa quelques problèmes dont il donna instantanément la réponse. »
Cependant, Jules Régnault, chirurgien militaire et professeur de médecine, dans l’édition augmentée de son livre « Les Calculateurs Prodiges », 1952, évoque la correspondance suivie qu’il a entretenue avec Maurice Dagbert. Son jugement est très différent. Jules Régnault s’intéressait au calcul, étant lui-même, depuis l’enfance, un calculateur prodige de bon niveau. Voici ce qu’il écrit : « L’aptitude au calcul n’est pas apparue d’une façon extraordinaire chez lui. C’est après 16 ans, alors qu’il était comptable, qu’il s’est entraîné à imiter Inaudi. Il avait les connaissances mathématiques. Il a continué à étudier l’arithmétique supérieure pour chercher l’explication de clés ou de moyens abrégés de calcul qu’il avait lui-même trouvés. Maurice Dagbert ne se trouve pas dans la même situation que la plupart des calculateurs prodiges qui ne savent, ni lire ni écrire. Il crée des chiffres-clés, des méthodes personnelles que bon nombre de mathématiciens ne peuvent comprendre et dont il ne reçoit lui-même l’explication, qu’après les avoir créés et s’en être servi. » Ce portrait de Dagbert est plus conforme à celui brossé pas ses voisins de la commune de Mons-en-Baroeul. Calaisien jusqu’en 1939, Dagbert est appelé sous les Drapeaux. Il est fait prisonnier et va passer quatre ans de captivité en Allemagne. A son retour en France, il trouve son domicile dévasté par les bombardements et va vivre quelques temps à Paris.
Dagbert va être Monsois
de la fin des années 1940 jusqu’en 1981, date à laquelle il prend sa retraite à Tortefontaine (62), dans la région d’Hesdin. Selon des témoins également dignes de foi, on le retrouve, rue du général-De-Gaulle, dans le secteur du Trocadéro et dans celui du carrefour Henri-Poissonnier. Il paraît probable qu’il ait habité dans ces deux endroits, successivement dans un ordre que j’ignore.
Lorsque je me suis intéressé pour la première fois au sujet, il y a un peu plus de six ans, sur les conseils d’un Monsois qui connaissait bien le quartier, je me suis adressé à Pierre Parent. Pierre était électricien et possédait un magasin de matériel électro-ménager, pas très loin, justement, de ce carrefour Poissonnier. Il avait vendu des postes de radio et de télévision à la quasi-totalité de la ville et connaissait presque tout le monde. « Maurice »,s’est-il écrié, « Maurice Dagbert, si je connais Maurice Dagbert ? Mais je ne connais que lui ! » Ce qui avait réuni les deux hommes, c’était la passion qu’ils partageaient pour le jardinage. Ils échangeaient volontiers sur les méthodes afin d’obtenir les plus beaux légumes. Maurice Dagbert était très fier de sa production potagère. Pierre Parent, aussi. Il arrivait à Maurice d’apporter un échantillon de ses légumes et de comparer avec Pierre – en tout bien tout honneur – leurs poireaux qui étaient les plus beaux de la rue. « Il avait une passion pour les poireaux. Je ne sais pas pourquoi ! » racontait Pierre.« Il disait que c’était bon pour la santé et pour avoir l’esprit clair. A la Saison, il en mangeait presque tous les jours ».
Effectivement, après m’être penché sur la question je constate que le poireau est quasiment un médicament. Il a une action anti-oxydante, stimule les défenses naturelles et favorise l’activité intellectuelle (entre autres). Et si le secret des aptitudes extraordinaires de Maurice Dagbert en Mathématiques résidait dans sa consommation hors-norme du poireau ? On ne sait jamais ! Parfois, lorsqu’il avait quelques jours libres dans son emploi du temps, il s’échappait vers le port de Calais où il avait gardé quelques attaches. Il pratiquait la pêche en mer. Les prises qu’il ramenait impressionnaient beaucoup les pêcheurs en eau douce des bords du Baroeul. Mais ses exploits à la radio, à la télé, dans les salles de spectacle du Monde entier n’était pas un sujet de conversation pour la rue.
Pourtant, presque tous connaissaient les capacités hors du commun de leur illustre voisin. Il s’était produit plusieurs fois à la salle paroissiale Montjoie, près de l’église Saint-Pierre, au profit des œuvres de bienfaisance. Pierre Parent se souvenait de s’y être rendu. Il avait gardé un dossier rempli de coupures de presse, qui relataient les différents exploits de son jardinier-mathématicien de voisin. Une Monsoise raconte qu’un jour de communion elle avait vu Maurice Dagbert et Jean Nohain, sortir d’une voiture sur la place de l’église. Dans les autres véhicules se trouvaient d’autres célébrités du Spectacle e de la Télévision. Maurice Dagbert profitait d’un Gala donné le soir, à Lille, pour faire un crochet par Mons et se produire devant ses concitoyens.
En janvier 2000, dans « Du village à la ville »,une monographie de la commune de Mons-en-Barœul (Jacques Desbarbieux, Jeanne-Marie et André Caudron), on signale la présence récurrente de Maurice Dagbert, au café « La Chapelle », dans le quartier du Trocadéro. Cette information est corroborée par de nombreux témoins. Henri et Lucette Elegeest, les parents de Rudy Elegeest, le maire actuel de la commune, avaient, en 1971, ouvert un commerce de fourniture de bureau, cartes postales et journaux dans ce quartier. Ils avaient comme client, Maurice Dagbert. Il venait chaque matin y acheter son journal. Rudy Elegeest, se souvient très bien de ce visiteur très spécial « Parfois il revenait d’endroits lointains comme le Japon, ce n’était pas très commun dans une ville comme Mons-en-Baroeul. Mais, il restait simple et d’une grande humilité.»
Maurice Dagbert était un peu l’attraction du magasin.
« Quand il arrivait, mes parents m’appelaient », poursuit-il. « Mon père avait acheté l’une de ces calculettes électroniques : une nouveauté, à l’époque. Il y entrait des opérations compliquées. Mais Maurice Dagbert donnait toujours le résultat, avant la machine ! »
Maurice Dagbert va quitter la commune en 1981 et vivra pendant presque vingt ans, à Tortefontaine dans le Pas-de-Calais. Chaque année, au repas des anciens, il étonnait les convives avec ses performances en calcul qui ressemblaient à des tours de magie.
Version courte :
Le texte étant parfois difficile à lire, on trouvera ci-dessous, une version courte.
Maurice Dagbert, raconté par ses voisins (version courte)
Maurice Dagbert, considéré comme le meilleur calculateur prodige de tous les temps, va vivre dans la commune pendant plus de trente ans, de la fin des années 1940, jusqu’au début des années 1980. Ses voisins gardent le souvenir d’un homme simple et modeste.
Maurice Dagbert a habité rue du Général-De-Gaulle
probablement successivement dans les secteurs « Poissonnier »et « Trocadéro ».Les témoignages des anciens voisins décrivent un homme discret et affable, très différent de l’image des Journaux : un personnage venu d’ailleurs, au don inexplicable. Pour le docteur Jules Régnault, comme lui calculateur de haut-vol, Maurice Dagbert était simplement un mathématicien exceptionnel. Dans les deux cas, Dagbert était probablement différent du citoyen ordinaire, mais il faisait tout pour lui ressembler.
Ce que retenait de lui Pierre Parent, son ancien voisin, c’était ses qualités de jardinier. C’était aussi le cas de Pierre Parent. Les deux hommes aimaient comparer leur production et discuter sur les méthodes pour obtenir les plus beaux légumes. « Il avait une passion pour les poireaux. Je ne sais pas pourquoi ! » racontait Pierre.« Il disait que c’était bon pour la santé et pour avoir l’esprit clair. A la Saison, il en mangeait presque tous les jours ». Effectivement le poireau est quasiment un médicament qui stimule l’activité intellectuelle. Mais, ce n’est probablement pas la seule explication du talent de Maurice Dagbert. Le mathématicien, originaire de Calais, pratiquait la pêche en mer. Les prises qu’il ramenait impressionnaient beaucoup les pêcheurs en eau douce des bords du Baroeul. C’était un sujet de conversation de la rue contrairement à ses exploits à la radio, à la télé, dans les salles de spectacle du Monde entier, qui passaient au second plan.
Des vieux habitants du Haut-de-Mons signalent la présence régulière de Dagbert au café « La Chapelle »,dans le quartier du Trocadéro. Il était aussi client de la papeterie-journaux d’Henri et Lucette Elegeest, les parents de Rudy Elegeest, le maire actuel de la commune. Elle se trouvait de l’autre côté de la rue. Chaque matin, il y achetait son journal. Rudy Elegeest, se souvient très bien de ce visiteur très spécial « Parfois il revenait d’endroits lointains comme le Japon, ce n’était pas très commun dans une ville comme Mons-en-Baroeul. Mais, il restait simple et d’une grande humilité. » Maurice Dagbert était un peu l’attraction du magasin. « Quand il arrivait, mes parents m’appelaient », poursuit-il. « Mon père avait acheté l’une de ces calculettes électroniques : une nouveauté, à l’époque. Il y entrait des opérations compliquées. Mais Maurice Dagbert donnait toujours le résultat, avant la machine ! »