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Prolifération des ondes et des écrans, demain le Grand-Soir ?
Sur la base d’un rapport établi par des experts, le gouvernement s’achemine-t-il vers des restrictions voire une interdiction des écrans pour les plus jeunes ?
Ce rapport – sans doute très timide en regard de ce qu’il faudrait mettre en place pour préserver la santé physique et mentale de la population française – constitue néanmoins une forme de révolution. Il va contre-courant de la prolifération sans frein et sans contrainte, des ondes et des écrans. Emmanuel Macron, volontiers martial, claironne : « Déterminer le bon usage des écrans pour nos enfants, à la maison comme en classe : c’est l’objet du rapport qui m’a été remis par la commission d’experts sur l’impact de l’exposition des jeunes aux écrans que j’avais lancée. Je donne un mois au gouvernement pour prendre des mesures ». Parmi celles préconisées, certaines décoiffent et ne vont pas plaire à tout le monde. Constatant que l’usage immodéré des écrans est un obstacle au développement des enfants et des adolescents, qu’il produit un déficit du sommeil favorisant de nombreuses pathologies, ce rapport d’experts préconise l’interdiction des écrans et téléphones portables pour les enfants de moins de trois ans. Pire, il envisage d’en limiter l’accès aux adolescents. Ce sont des mesures de bon sens, mais elles vont à contre-courant de la doxa électro-idolâtre initiée il y a plus d’un demi-siècle. Dans les Agences, les comités scientifiques, les médias, les assemblées élues, les cadres de l’Education Nationale, il est admis que la prolifération des écrans partout et tout le temps est un grand progrès humain.
Les nouveaux enfants aux « cerveaux plus complexe et compétents » sont décrits comme une nouvelle génération prête à relever les défis du futur. Sociologues, pédagogues, scientifiques de toutes obédiences ont théorisé et accompagné cette révolution en marche. Le numérique à l’école, dès le plus jeune âge, a été organisé depuis les années 1970 par les politiques locales, régionales ou nationales. Son Histoire est celle de nombreux plans, très coûteux, au nom de réformes pédagogiques futuristes libérées de toute évaluation. Le présupposé intellectuel pose que les ondes et les écrans sont bénéfiques au développement psychologique et intellectuel des jeunes générations. Ainsi, la qualité de l’enseignement est-elle évaluée au nombre d’ordinateurs et/ou de tablettes mis en batterie. Cette dictature des écrans s’est imposée dans la plupart des pays techniquement développés. En France, en 2015, constatant que les cerveaux des enfants étaient plus sensibles aux pollutions électromagnétiques, après des échanges épiques, des mesures vont être prises pour préserver les jeunes enfants. Les écoles maternelles (loi Abeille) vont être protégées par le législateur. Cette loi sera détricotée soigneusement par les deux assemblées dans les années qui vont suivre. Tandis que les méfaits des addictions de l’usage des écrans étaient niés – souvent par des gens diplômés – l’effet toxiques des ondes sur la santé humaine est devenu un sujet tabou. Cette situation fâcheuse a été rendue possible par la création dans les années 1990, de l’ICNIRP (Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants).
Il s’agit un organisme privé qui se prétend indépendant mais dont tous les directeurs sont ou ont été rétribués par l’industrie des ondes. Cette ONG est arrivée à conduire, de fait, les politiques de la plupart des agences gouvernementales et surtout celle de l’Unité rayonnement de l’OMS. L’avis de cette commission d’experts réunie par le gouvernement français est en total décalage avec la version officielle, initiée par l’ICNIRP. La raison en est peut-être que les membres de la commission française sont en connexion avec la réalité du terrain, ce qui n’est pas le cas des Physiciens de l’ICNIRP et consorts. Leur travail est fondé sur l’observation du réel. On trouve en son sein, un psychiatre-addictologue, un neurologue… des cadres du système éducatif. On sentait depuis très longtemps, qu’il existait un problème. Les cas d’élèves qui agressent les enseignants, les personnels administratifs, voire d’autres élèves pour des histoires de smartphone ou de réseaux sociaux se sont multipliés ces derniers temps atteignant un niveau critique. Tandis que le temps passé devant un écran augmentait, les capacités de concentration et d’apprentissage diminuaient. Des enseignants et des psychologues tiraient la sonnette d’alarme. Les neuropsychiatres, qui reçoivent des enfants ou de adolescents en échec scolaire, agressifs, avec une grande difficulté à communiquer et à ressentir des émotions, ont eu vite fait d’établir un rapport avec l’addiction aux écrans.
Certains d’entre eux comme Boris Cyrulnik, en France, ou Martha Herbert, aux Etats Unis, ont produit des textes de référence sur le sujet. Les conseils de ces professionnels sont en général suivis par les parents désemparés. Il est recommandé à ces jeunes un sevrage sévère des écrans. Le résultat : Les choses rentrent dans l’ordre ! Certains, pourront regretter qu’en France, à l’inverse des Etats-Unis les neuropsychiatres ne recommandent en parallèle au sevrage des écrans la suppression de la pollution des ondes (smartphones, wifi, DECT, etc.) dans les cas sévères. On constate, depuis quelques années, des cas de la maladie d’Alzheimer chez des sujets de plus en plus jeunes… parfois des adolescents. D’ailleurs, certains pays prennent le problème à l’envers. En Russie, la Douma (janvier 2024) vient de prendre une décision radicale : l’interdiction des smartphones dans les établissements scolaires de même que l’implantation d’antennes relais à proximité de leurs territoires. En France, on est dans un moment d’espoir. Mais, quelques séquences passées peuvent générer une certaine inquiétude. Déjà, avant le premier quinquennat, en 2017, le candidat Emmanuel Macron avait inscrit dans son programme l’interdiction des téléphones portables au collège pour « protéger nos élèves de la dispersion ». Mais, malgré les promesses de son nouveau ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, rappelant lors de sa prise de fonction que « L’usage des téléphones portables est interdit en classe » et demandant de « faire respecter les valeurs de la République », rien n’a changé. La loi du 3 août 2018, a avalisé le statuquo ce qui s’est traduit par une forme de chaos au sein des établissements scolaires, particulièrement en collège.
Les réactions des médias, souvent proches des opérateurs des ondes, sont très mitigées. Ainsi pour BFM proche de l’opérateur SFR : « Malgré la volonté affichée du gouvernement, dans les faits, ces annonces sont difficiles à mettre en place car la plupart de ces recommandations relèvent davantage de la responsabilité des parents et donc, de la sphère privée ». Plus loin, la chaîne en fonce le clou : « La France ne peut pas imposer ses règles sans l’aval de la Commission Européenne. Comme le rappelait la Cour de Justice de l’Union européenne en novembre 2023, un membre de l’UE ne peut venir réguler un acteur installé dans un autre pays membre de l’UE, sans en référer à cet Etat ou à la Commission européenne ». S’il est partisan, l’argument n’est pas à écarter. L’Europe sous l’influence lobbys des industries des ondes a beaucoup légiféré pour le développement de ces technologies. Le Monde, proche de l’opérateur Free, s’inquiète : « Interdire, mais comment ? Les recommandations de contenus et les flux infinis sont la cible d’un grand nombre de critiques depuis déjà longtemps, mais font désormais partie intégrante du quotidien des internautes. En 2019, aux Etats-Unis, un projet de loi qui allait en ce sens et porté par le sénateur républicain Josh Hawley avait échoué à rassembler un soutien suffisant pour être soumis au vote. » Bouygues, proche de TF1, allume le contre feu : « Un grand nombre d’enfants accèdent aujourd’hui à la toile dès le plus jeune âge, et leurs parents sont loin d’être rassurés. Pour autant, les appels au zéro écran et à l’interdiction des réseaux sociaux pour les mineurs ne font que contourner le problème. Comment permettre aux plus jeunes de profiter des formidables opportunités du net sans se mettre en danger ? On fait le point avec l’aide d’Axelle Desaint – Directrice d’Internet sans Crainte. » Ainsi, cette « experte » sous l’autorité de l’Opérateur, propose ses solutions : « Le smartphone tend à s’imposer comme le premier équipement numérique auquel un enfant accède… L’outil ne fait pas tout : il doit s’inscrire dans une démarche qui vise à accompagner l’enfant dans son autonomie numérique. » Les avis d’experts de disciplines variées encensentdans les médias l’usage des écrans et des ondes auprès des jeunes. Dans un grand journal régional, Séverine Ehrel, maître de conférences en psychologie cognitive et ergonomie, et Anne Cordier, professeur en sciences de l’information et de l’éducation, autrices de « Les enfants et les écrans » déroulent les mentras dans l’air du temps : « Le président a raison de s’intéresser à cette question. En revanche, il n’y aura pas de consensus scientifique sur les effets des écrans via cette commission. Le sujet est mal posé car on part du principe qu’il y a un problème et même un problème sanitaire puisque l’un des deux coprésidents est psychiatre-addictologue. Je m’étonne qu’il n’y ait aucun chercheur en sociologie ou anthropologie des usages dans cette commission. En posant la question de la sorte, le président nourrit le contexte alarmiste et fantasmatique autour des écrans. » « Il peut y avoir des usages délétères mais aussi des pratiques émancipatrices et intellectives des écrans. » « Il faut prôner un usage raisonné. Il faut passer par des restrictions sur l’accès aux contenus hyper-violents et pornographiques, même si visiblement, on n’y arrive pas. Mais sur l’accès aux réseaux sociaux et à l’information, il faut accompagner et éduquer. » « Condamner les outils ne sert à rien. » « Et la situation est loin d’être aussi grave que tout le monde veut bien le penser. J’ai un peu envie de leur dire : des fois, c’est vous le vieux monde. Ils sont en train d’avoir peur d’un monde qui de toute façon va avancer sans eux. »
A première vue, la nouvelle cause du président Macron n’est pas gagnée ! Pourtant, les raisons d’améliorer la situation ne manquent pas. En outre de celles pointées par la commission, on peut citer l’influence néfaste des contenus violents et pornographiques, l’emballement délirant des réseaux sociaux, l’accroissement de pathologies cardiaques et neurologiques, l’electrosensibilité qui progresse dans la population, les déficits de fertilité. Toutes, sont de bonnes raisons qui militent pour une meilleure maîtrise de l’usage des ondes et des écrans. On n’est qu’au stade des préliminaires et des considérations d’ordre général. Quand on va rentrer dans une phase plus sérieuse comme par exemple modifier les dispositions législatives, les relais de l’industrie des ondes vont se déchaîner. Les lobbys avec leurs antennes dans les médias, dans les Assemblées françaises et Européennes, dans les Agences d’Etat, dans les ONG, dans les organismes transnationaux vont entrer en action. Leur force de frappe est gigantesque. Des décisions, même nécessaires et légitimes, peuvent-elles résister à un tel raz de marée ? Il peu est probable que l’on accouche d’une révolution. Quelques aménagements de surface seraient déjà une victoire !