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Roger Frézin

Quelques paroles qui s’envolent

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Ce jour-là, Roger fêtait ses 83 ans.
Photo, Alain Cadet

Interviewer Roger était un sport d’endurance dans lequel il fallait montrer beaucoup de sang-froid. Il aimait bien donner à la conversation un tour décousu, surréaliste, sans queue ni tête. C’est un petit jeu dans lequel il excellait et qui ressemblait à celui du chat et de la souris et où, Roger jouait le rôle du chat. J’ai lu des textes de gens réputés expérimentés qui retranscrivaient fidèlement les élucubrations circonstancielles de Roger. Cela m’a bien fait marrer et cela a sans doute bien fait rigoler Roger aussi. Le mieux, c’était de prendre son mal en patience, en « saturant », en en rajoutant dans l’absurde, dans l’incohérence. Ça finissait par aller trop loin et par partir complètement en vrille. Au bout d’un moment, c’est Roger lui-même qui redonnait du sens à ses confessions

Par où commencer ? Peut-être par le jour où Roger entouré de ses amis a fêté ses 83 ans. C’était dans la petite salle d’exposition du Fort de Mons-en-Barœul. Il y avait, parmi l’assistance, une vingtaine de ses anciens élèves. « J’ai fait le compte il n’y a pas si longtemps », a-t-il commenté. « J’ai eu plus de 200 élèves en 27 ans ! Pas mal ? Non ! » Le gâteau a mis des plombes à arriver. Roger commençait à s’impatienter et on a ouvert quelques bouteilles pour passer le temps. Mais au moment de souffler les bougies, on s’est aperçu que le pâtissier avait oublié de les fournir. Maudit pâtissier ! Roger a soufflé les briquets que lui ont tendus quelques-uns de ses anciens étudiants. C’était de la triche parce que dès que Roger a soufflé, ils ont tous coupé le gaz !

Pas de bougies ! Qu’à cela ne tienne voici avancés des briquets
Photo, Alain Cadet

Mais Roger était content ! Il était aussi content de venir souffler ses 83 bougies à Mons-en-Barœul, parce que c’était le patelin où il était né et qu’il y avait plein de souvenirs. Gamin, il allait glaner dans les champs, aujourd’hui recouverts par la ZUP, ou chercher du lait dans les fermes voisines de l’atelier de la rue Parmentier de son père. Il était intarissable sur le sujet, ce qui ne faisait pas très sérieux pour un peintre ! Il aimait aussi beaucoup évoquer « le Paternel », graveur dans la commune. « Il attendait patiemment les jours ensoleillés pour impressionner les châssis qui lui servaient à fabriquer ses plaques », se remémorait-il. «. C’était sa manière, à lui, de faire de la photographie. Il dessinait avec un crayon de bois à large mine carrée, qu’utilisaient les artisans des chantiers. Il avait un geste très droit et très sûr. Il avait fait un grand dessin de moi. C’est ce jour-là que je me suis dit que « le paternel avait du talent». Dès que j’ai été en âge de tenir un crayon, je me suis mis à dessiner. Le dessin, c’est l’endroit où je suis né. »

Roger chez lui à Lille, dans sa maison héritée de ses grand-parents, pas très loin du boulevard d’Alsace où il a fait ses études
Photo, Alain Cadet

Plus tard, Roger a connu la guerre. Il était élève en section Lithographie – photogravure, au lycée Baggio , boulevard d’Alsace Ce n’était pas très loin de la maison de ses grands-parents. La formation, dans ces années de guerre n’était pas idéale : « Il y avait sans arrêt des alertes et des bombardements. Je crois bien avoir passé plus de temps dans les caves à écouter le bruit des bombes que dans la salle de cours». Son meilleur ami, de ces années de guerre, Francis Delbarre, avait l’habitude de couvrir le bruit des bombes en chantant d’une voix grave et puissante. Après le lycée, leur diplôme de « dessinateur typographe », en poche, Roger a abandonné la lithographie pour tenter la grande aventure de la carrière d’artiste-peintre tandis que Francis est devenu photographe comme son père. Accessoirement, il a continué à chanter sous le nom de Raoul de Godewarsvelde.

Il arrivait même que Roger puisse évoquer la peinture : « C’est une forme d’addiction. L’important, c’est le geste. C’est lui qui guide le dessin : d’un seul jet, sans hésitation ! Je suis un peintre très physique ! Souvent, quand je peins, j’écoute de la musique. Le Bolero de Ravel ne produit pas le même résultat que Miles Davis. Mon pinceau, c’est comme la baguette du chef d’orchestre. Je suis un artiste atypique. J’ai toujours aimé me situer dans l’instant. Je n’ai jamais voulu me laisser enfermer dans un courant ou une manière de peindre. J’ai toujours voulu rester libre ».

Son pinceau, c’était sa meilleure manière de dire les choses, au-delà de la parole, d’exprimer son univers à lui, à travers une œuvre foisonnante et expressive qui, désormais, a rejoint les musées.

Une des facéties de Roger, mi-sérieux, mi provocateur
Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

Publications: 379

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