Un petit bout de culture… à la campagne, Le Crocq, 60120

Un petit bout de culture… à la campagne, Le Crocq, 60120

La place du village qui sert surtout à accueillir la fête, une fois par an, s’est transformée, le temps d’une exposition, en un lieu culturel.

La place du Crocq et son exposition

 La culture, au Crocq, on connaît bien. Dans les anciennes générations, on était généralement cultivateur. Sinon, on travaillait à la filature. Parfois, on exerçait en même temps les deux activités. Ma grand-mère, qui a passé toute sa vie au village du Crocq a coché successivement les deux cases. Elle a rejoint l’usine après le décès de mon grand-père, parti à la Guerre en 1914. Mon père a effectué toute sa scolarité primaire dans la petite école qui donne sur la place du village, juste derrière l’exposition. Mon père et ma grand-mère ne sont sans doute jamais allés une seule fois visiter une exposition photographique. Ils n’auraient jamais pu imaginer, qu’un jour, on en installerait une, ici, au Crocq ! Quand on est un vrai Croquant ne doit pas dire « au Crocq » mais « à Le Crocq », comme on ne dit pas « du Crocq » mais « de Le Crocq ». La raison, c’est qu’en Picard « au Crocq » se dit « a ch’Crocq », qui se prononce « hache crroou » tandis que « du Crocq » se dit « de ch’Crocq » (prononcer « Deuche Crroou » ). Quand on disait à l’ancien maire qu’en français on doit faire l’élision, il répondait : « Ici, on a toujours dit comme ça » ! Il faut avoir une sérieuse raison pour se rendre « à Le Crocq ». C’est pour ça que, à part les canards qui habitent la mare voisine, il n’y avait pas un chat sur cette place. En fait, j’étais le seul visiteur.  J’ai pu arpenter l’expo de long en large et même prendre des photos sans personne dans le champ pour m’embêter.

Le nom de la photographe, Victorine Alisse, est écrit en grand sur le panneau qui ouvre l’exposition. Elle n’est pas du Crocq mais d’un peu plus loin, de La Bassée, dans le Nord. Elle est fille et petite-fille d’agriculteurs. C’est peut-être pour cela qu’elle s’intéresse au monde paysan.  Son expo s’intitule « Enracinés ». Elle parle du monde rural dans le nord de la France et en Palestine. « Je suis partie à la rencontre d’agriculteurs dont les histoires racontent la transformation du monde agricole », déclare-t-elle. « J’ai voulu documenter un mode de vie en voie de disparition. » En France, Victorine Alisse n’est pas partie très loin de son Nord, le Pas-de-Calais : le Nord, la Somme, la Normandie. Mais, les autres photos de l’exposition ont été prises à Wadi Fukin, un village Palestinien de 1400 habitants. « Il est littéralement encerclé par les colonies israéliennes », regrette-t-elle. « L’expansion croissante de ces dernières et de leurs infrastructures menace de plus en plus les terres du village. » En France le problème est différent mais guère plus réjouissant : « En 30 ans, la France a perdu progressivement plus de la moitié de ses exploitants agricoles. Deux-cents fermes disparaissent chaque semaine et, un agriculteur sur deux ignore s’il aura un successeur ». Mais, ce qui unit tous ces paysans d’ici et de là-bas au Proche-Orient, c’est le même amour de leur terre, leur attachement à leur village et à leurs racines. En même temps l’évolution présente ne laisse que peu d’espoir. Entre la France où la terre est de plus en plus chère tandis que les prix agricoles sont de plus en plus bas et la Palestine où les champs des paysans se réduisent comme peau de chagrin, le monde paysan tente de perdurer dans un univers dont il n’a pas les clés. Les paysans de Wadi Fukin sont broyés comme d’autres avant eux et sans doute d’autres le seront par la colonisation de l’Etat d’Israël qui dure depuis plus de soixante-dix ans. Les paysans de Picardie, du Nord et de Normandie se battent pour produire un lait de qualité qui se vend de moins en moins cher mais dont le tarif est encore trop élevé pour concurrencer celui de Nouvelle-Zélande, transporté sur une distance de 20 000 kilomètres dans des bateaux polluants dont le carburant est détaxé. Le libre-échange, la concurrence faussée, les appétits financiers et les rêves politiques détruisent le monde paysan.

Galerie :

Bucquoy, Pas-de-Calais
Illies, Nord
La Bassée, Nord
« Enseigne à tes enfants que la terre est la chose la plus précieuse que nous avons. Préserves-la comme tu préserves la vie. La terre est la plus précieuse pour nous. » 
Cueillette des citrons.
« Ala Dalona.  Les olives de mon pays sont les meilleures. On se réunit le jour de la cueillette dans la nature. On fait à manger, on fait du thé et tout le monde est heureux. On chante pour les olives en les cueillant. »
Personnes âgées des campagnes et jeune des banlieues. On ne peut pas se tromper, on est bien dans l’Oise.
Les canards sont les voisins de l’expo

Sujet voisin :

Le Crocq 60120, une Enfance

Alain Cadet, journaliste
Alain Cadet, journaliste

Il a débuté dans la vie professionnelle comme enseignant. Après avoir coché la case du métier de photographe, il s’est orienté vers la réalisation de films documentaires, activité qui a rempli l’essentiel de sa carrière. Arrivé à la retraite, il a fait quelques films… mais pas beaucoup ! Les producteurs craignent toujours que, passé 60 ans, le réalisateur ait la mauvaise idée de leur faire un infarctus, ce qui leur ferait perdre beaucoup d’argent ! La suite a montré qu’ils se sont peut-être montrés un peu trop frileux, mais cela fait partie du passé. C’est ainsi que l’ancien réalisateur – un peu photographe, sur les bords – s’est mis à collaborer avec différents journaux. Il a aussi écrit des livres sur la guerre de 1914 – 1918 où l’image a une place importante. C’est ainsi que dans ce blog, on trouvera beaucoup d’articles sur des peintres ou des photographes anciens ou contemporains, des textes relatifs aux deux guerres, mais aussi des articles opportunistes sur différents événements. Comme les moyens du bord sont très limités, cela a obligé l’auteur à se remettre à la photographie – sa passion de jeunesse – pour illustrer ses textes. Il ne s’en plaint pas !

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